
Du 6 août 1914, jour de son départ en train d’Amiens au 2 mars 1917, il écrit pour combler son ennui de ne pas assez agir, son attente, son sentiment d’inutilité dans une guerre qui s’éternise. Ses écrits sont forts intéressants puisque le médecin a passé la plupart de son temps dans le département et principalement à Reims et dans son arrondissement.
Mariée à Léone Vieillard, fille d’un médecin de Ribemont (Aisne), père d’un petit Paul, Georges Faleur, comme quatre millions de Français le feront d’ici août 1914 part rejoindre son lieu d’affectation.

A 6 h 50 du matin, le jeudi 6 août, béni par sa grand-mère, il prend le train après des au revoir déchirants. « La gare est pleine de mobilisés […] J’embrasse bien fort grand-mère et Léonie. Ce sont nos derniers baisers avant longtemps, avant combien de temps ? Tous, nous faisons bonne contenance, mais ces adieux-là sont loin d’être gais. Enfin, il faut savoir faire des sacrifices pour l’honneur du nom français. Et puis, les mauvais jours que nous allons passer assureront la tranquillité de nos enfants. » Saint-Quentin, Tergnier, c’est à Amiens qu’il fait connaissance à la direction du service de santé de ceux avec qui il va faire campagne.
Du 13 au 31 août : avec son ambulance n° 1 dite « la joyeuse » et dont la devise est « tout s’arrange », Faleur rejoint les Ardennes via Paris, Laon. Découverte de Liart, Aubigny-les-Pothèes par une chaleur accablante, d’Ham-les-Moines, « sale pays qui pue le fumier et le purin » et où l’accueil est détestable.
« Pas un verre de bière ». Nuit dans le foin. La préoccupation principale semble être la recherche de nourriture et de boissons. La guerre semble loin. Rimogne, Etion, découverte de Charleville.
Dimanche 16 août : c’est alors qu’il se trouve dans une église que Faleur entend une forte détonation : « c’est le premier coup de canon que nous entendons, un petit frisson passe sous la peau. On se demande quel effet il a produit et au désavantage de qui. » De la guerre, jusque-là, il n’avait encore entendu que quelques coups de fusil sur des aéroplanes. Pas de courrier. Faleur observe son environnement, s’amuse à Etion de voir le garde champêtre précéder ses annonces de roulement de bâton sur une vieille poêle à frire ! Surveillance de manœuvres de brancards faites par les infirmiers, traite des vaches à Évigny, le docteur raconte sa vie au quotidien.

Il lui arrivait même souvent d’improviser des labos photos pour développer immédiatement les vues qu’il avait faites comme cet instantané : des soldats qui traient des vaches à Evigny.
« Quelle bonne nuit je viens de passer à Bétheniville. J’ai lu avec plaisir l »’écho du 29 août » puis je me suis endormi jusqu’à 8 heures ce matin (NDR : 1 septembre 1914). Suis arrivé au cantonnement où les camarades se mettaient à table, car le départ est, parait-il, fixé à 10 heures pour Moronvilliers où nous arrivons à 2 heures après avoir traversé un pays aride, coupé de bois de pins. Moronvilliers est un sale petit trou où on ne trouve absolument rien : trois ou quatre fermes peut-être […] Malgré tout il y a un bureau de tabac et de cigares vivement enlevés… »
Il raconte aussi son passage au château de Romont à Puilsieux converti en ambulance avec le comte Chandon de Briailles. « Vrai décor féerique ! Dans une vaste véranda, jardin d’hiver converti en ambulance, une quarantaine de lits attendant des occupants. Le comte, portant la médaille de la Croix-Rouge sur la poitrine nous reçoit ayant près de lui une personne aimable revêtue d’une blouse blanche. Comtesse ou infirmière ? […] Nous passons dans la salle à manger où nous dégustons du bon champagne en dégustant du saucisson et du gigot froid.
Pendant ce temps, on prépare les 18 chambres que vont occuper les officiers. Nos hommes sont logés à la ferme : un souper les attend également […] Nous gagnons à deux heures des couches luxueuses : les objets les plus précieux ont cependant été enlevés. »
Arrivée dans le Sud-Ouest marnais où la bataille de la Marne est engagée. Joffre avait insisté. « Au moment où s’engage une bataille d’où dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis, et se faire tuer sur place, plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée. »
(1) Le journal a été publié en 2007 par le centre universitaire lorrain d’histoire, site de Metz. Édition critique de Laëtitia Leick. Imprimerie Pierron à Sarreguemines.
Alain Moyat
à suivre…
2.-Le Dr Faleur, au cœur de la première bataille de la Marne
Dans mon coeur pour toujours mon oncle est décédé dans l’ambulance le 3 septembre 1918 apres avoir été gazé il repose à la Necropole Nationale de SUIPPES MARNE Croix de guerre avec medaille d’argent