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9) Carnets de guerre de Louis Guédet (1 janvier- 23 juin 1915) Entre Reims, Paris et Saint-Martin aux Champs

1915

Vendredi 1er janvier 1915
111ème et 109ème jours de bataille et de bombardement
7h1/4 matin 1915 – Que sera cette année pour les miens et pour moi? Elle débute dans les larmes et la tristesse ! Sera-t-elle plus heureuse, plus clémente que l’année 1914! Mon Dieu ! Protégez tous mes adorés ! Sauvez mon Jean de la tourmente ! Qu’il échappe à la guerre et que la paix soit faite avant qu’il ne parte comme soldat ! Mon Dieu protégez moi. Faites que je sois déchargé de toutes les épreuves que je viens de subir et que je subis encore, en retrouvant bientôt mes aimés et en ayant une vie heureuse et bénie du Ciel !
9 heures soir -Journée plutôt lugubre pour un premier de l’an. Personne dans les rues mornes. Vu sous-préfet M. Dhommée qui m’a annoncé que Hanrot allait revenir à Reims sur ordre (sur réquisition) du Procureur général : il venait de signer son laissez-passer ! Je me demande ce qui se passera lorsque je le verrai! Le sous-préfet ne savait rien à l’égard de Bigot. Et cependant c’est lui qui a fuit le premier. Dès le 15 août.
Vu le Maire M. Langlet, M. et Mme Emile Charbonneaux, cette dernière avec un mot charmant pour mon Jean qui va partir ! Charles Heidsieck ! Soullié, Lelarge et Masson qui est venu me voir très gentiment. Voilà ma journée avec un tas de lettres à écrire !
Quelle tristesse ! quelle vie de désespérance!

Samedi 2 janvier 1915

112ème et 110ème jours de bataille et de bombardement
9 heures soir-  Journée plus que calme, pluie, soleil, temps couvert. Nous n’entendons plus que nos canons tonner : à 9 heures, 1 heure et à quatre- cinq heures quelques coups par intermittence. Rien de plus!
Vu M. Renaudat qui me dit que les Autrichiens auraient fait de réelles ouvertures de paix en dehors de l’Allemagne. Alors la Russie, débarrassée de l’Autriche, jetterait toutes ses forces sur la Prusse orientale et la Silésie! Ce serait un grand pas! Vers la paix! Car l’Allemagne serait rapidement envahie, anéantie, écrasée, ce qu’elle mérite! Attendons! Espérons! Mais quel calme.

Dimanche 3 janvier 1915
113ème et 111ème jours de bataille et de bombardement
9 heures soir Le canon a tonné sans discontinuer. Les allemands ont peu répondu. Journée triste, je suis découragé. C’est réellement trop. Reçu lettre de mon grand Jean de St Martin. Il parait que mon père va très bien, et qu’il a été très crâne pendant le passage des prussiens à St Martin. Resté presque seul comme conseiller municipal à 80 ans, il a fait tête à l’Ennemi. Il parait même qu’un officier allemand lui a dit qu’il était rudement patriote, quand mon pauvre Père lui disait qu’ils seraient battus et qu’ils seraient obligés de reculer.

Lundi 4 janvier 1915
114ème et 112ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir- Journée calme, service à la Caisse d’Epargne jusqu’à 11h1/2. Visites de 2h1/2 à 4h1/2 au Procureur de la République, Président Hù, Cardinal Luçon, Abelé, Abbé Camu, ce dernier avec les mêmes idées tristes et écœurantes que moi ! La bourgeoisie riche ne songe qu’à jouir et ne s’inquiète guère si nous souffrons, si le quart (le tiers) de la France est sous la botte prussienne. Leur imposture à laisser cette sacro-sainte clique jouisseuse si nous sommes des martyrs, cela nous revient, mais eux leurs petites peaux doit être indemne de la moindre égratignure, elle est trop fine pour souffrir, c’est bon pour nous les imbéciles qui font leur devoir. Mais la clique… (passage rayé, illisible) çà doit être mis précieusement à l’abri des obus! Leur vie est si précieuse à la France! pour jouir de la bonne vie joyeuse, facile, heureuse!
Le président du tribunal Hù était dans le vrai quand, en me reconduisant il disait : « Je vous félicite d’avoir fait votre devoir, plus que votre devoir, mais retenez bien ceci, on ne vous en saura aucun gré et soyez sûr qu’on se moquera encore de vous ! et vous devrez baisser pavillon devant ceux qui se sont sauvés et ont déserté leur poste, leur devoir ! »
Je lui ai répondu que j’étais absolument de son avis mais que si j’avais fait mon devoir ce n’était pas pour avoir des honneurs, c’était uniquement pour l’Honneur! Rien de plus!

Mardi 5 janvier 1915
115ème et 113ème jours de bataille et de bombardement
6h 30 soir- Journée calme, pas même notre canon ou très peu. Pluie froide et glaciale, temps sombre, lugubre. La ville est comme morte, on croirait aller et venir dans les rues d’une Ville de rêve.
Service de Caisse d’Epargne. Après-midi j’ai voulu m’occuper de Schaffer, le gardien de la maison Martinet-Devraine, mon voisin d’en face le 8, rue de Talleyrand, qu’on a enfermé à l’Hôtel-Dieu à cause de ses excentricités. Je suis allé au Commissariat central, j’ai été reçu…
La page 187 a disparue, elle concernait les journées des 6 et 7 janvier 1915.

Vendredi 8 janvier 1915
118ème et 116ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir- Toute la nuit dernière nous avons eu une canonnade formidable avec une tempête de vent et de pluie. Je ne crois pas que depuis le 1er septembre 1914 nous ayons entendu une canonnade semblable. Tous les canons tonnaient et partaient ensemble ! Pas moyen de dormir! Il parait que nous avons pris définitivement tout le Linguet (dont nous n’avions que quelques maisons) sur la route de Witry-les-Reims ! On aurait aussi gagné quelque terrain à La Neuvillette et au Linguet !
Malheureusement pour nous cela ne change pas notre situation et nous pouvons toujours être bombardés !
Service à la Caisse d’Epargne de 9  à 11 heures, vu M. Charles Heidsieck avec son gendre René Ernoult, sous-lieutenant d’automobiles et interprète avec les anglais, qui venait chercher du Champagne pour les blessés, il est actuellement à Compiègne. Son père est à Fismes assez exposé. Il est proposé pour la Croix et le grade de lieutenant-colonel, il est actuellement commandant d’intendance. Il devrait plutôt être à l’arrière, mais à la suite d’un discours qu’il aurait prononcé sur la tombe d’un soldat où il aurait fait allusion à la vie future, il aurait été dénoncé et quelques jours après il était envoyé sur le front, après avoir reçu une lettre anonyme où on lui annonçait que le croyant à la vie future, il ne serait pas surpris qu’on l’envoyât incessamment sur le front pour lui procurer l’occasion de jouir de la Vie future le plus tôt possible. On ne peut être plus lâche ni plus cynique. Et c’est sur toute la ligne comme cela. La Franc-maçonnerie ne désarme pas.
La journée a été relativement calme malgré que notre canon n’ait cessé de tonner.
Que va être la nuit qui commence! Pourvu que les allemands ne veulent pas faire payer à la ville son insuccès de la nuit précédente ! Que je suis las!  Mon Dieu !

Samedi 9 janvier 1915


119ème et 117ème jours de bataille et de bombardement
6 h 30 soir- Reçu des obus toute la journée et tout à l’heure près de la maison. Je suis même descendu au sous-sol quelques moments. Quel long et pénible martyre. Je n’en puis plus ! Mon Dieu protégez moi, soutenez moi ! Je n’en puis plus!
Minelle est venu me voir tout à l’heure et il a dû me trouver bien découragé, bien accablé! C’est trop ! Je n’en puis plus! Mon Dieu! faites donc que les allemands partent tout de suite et que je revoie et retrouve les miens, mes chers aimés, bientôt ! Sinon je crois que je mourrai de tourment et de chagrin!

Dimanche 10 janvier 1915
120ème et 118ème jours de bataille et de bombardement
8h1/2 soir- Journée agitée. Bombardement de 10 à 11 heures et de 5 à 6 heures du soir. Quatre vingt quinze obus shrapnells de canons dans les environs! Passé l’après-midi avec Charles Heidsieck pour organiser mon voyage à Épernay, pour remettre ses valeurs à ce crampon de Duval!  Et bon débarras!  Et de là tâcher d’aller voir mon pauvre père!… A St Martin. Qu’y verrai-je? Qu’y trouverai-je? Je crains bien que ce soit des réformes et des sanctions à faire et à rendre ! Aurai-je les épaules assez fortes pour supporter ces tâches! que je supporte depuis vingt ans!
Les feuillets 189 et 190 ont disparu, le feuillet 191 se résume à une demi-page recto-verso.

Vendredi 15 janvier 1915
125ème et 123ème jours de bataille et de bombardement
M. Robert Lewthwaite m’a remis une pendule ancienne Louis XVI (Torche, carquois, pigeons) avec deux statuettes en reconnaissance d’un conseil que je leur avais donné vers novembre 1914 et la rédaction d’un cautionnement S.S.P. entre huit négociants en vins de Champagne de 800. 000F (Charles Heidsieck(1), Heidsieck-Monopole(2), Georges Goulet(3), Olry-Roederer(4), Pommery(5), Veuve Clicquot (Werlé)(6), Krug(7), Ruinart(8)). Ils ont voulu surtout reconnaitre mon geste et surtout montrer que j’étais le seul notaire de Reims resté à son poste et à son devoir, ce que m’a dit Robert Lewthwaite.
Je pars demain à neuf heures du matin à Épernay avec Charles Heidsieck et de là à St Martin voir mon pauvre Père. Mon Dieu pourvu que je le trouve bien portant ! Il y aura quatre mois et demi que je ne l’ai vu!

Samedi 16 janvier 1915
126ème et 124ème jours de bataille et de bombardement
8 heures matin -Nuit de tempête, pluie et vent terrible. Ce matin soleil, avec un baromètre très bas (74/5). Je suis prêt à partir, et je vais laisser ma maison et tout à l’abandon ! à la Grâce de Dieu ! Que Dieu protège cette maison durant mon absence et que je la retrouve intacte, et qu’en rentrant j’apprenne en même temps que Reims va être délivré. Dieu protégez-moi. Protégez tous les miens mes aimés. Protégez ma maison, tout mon bien.

Dimanche 17 janvier 1915- 127ème et 125ème jours de bataille et de bombardement
A St Martin-aux-Champs (51)
Lundi 18 janvier 1915 -128ème et 126ème jours de bataille et de bombardement
Mardi 19 janvier 1915 -129ème et 127ème jours de bataille et de bombardement
Mercredi 20 janvier 1915 -130ème et 128ème jours de bataille et de bombardement
Jeudi 21 janvier 1915
131ème et 129ème jours de bataille et de bombardement
Rentré à 4 h 30 à Reims de St Martin
Quart de feuillet suivant découpé.

Samedi 23 janvier 1915
133ème et 131ème jours de bataille et de bombardement
… Reçu pas mal de félicitations au sujet d’un article du « Temps » qui dit que je suis resté le seul notaire à Reims.
Heureusement que je ne suis pas du Midi, car à en juger les XVème et XVème Corps surtout – c’est lâche – c’est honteux – Ils refusent de marcher ! Un général de cette clique là répondant au général chef d’armée de notre secteur sur un ordre de prendre et emporter telle position : « Nous ferons notre possible ! »

  • « Rien de plus ! » malgré les injonctions du général chef d’armée ! Je lui aurais brûlé la cervelle séance tenante. Nous avons toutes les chances à Reims ! On nous soigne comme une Marquise, mais à la condition qu’en guide de poudre nous recevions des bombes à la place des combattants des XVème et XVIIème Corps? Tas de Gascons ! En ce moment cela bombarde et siffle pas mal ! Que va être la nuit ? Je ne sais. En tout cas, couchons-nous et à la Grâce de Dieu ! après avoir lu les fadaises du « Matin ».
    9h10-  Cela bombarde plus fort, très fort… couchons-nous quand même. Pourvu que je ne sois pas obligé de descendre coucher à la cave!
  • Dimanche 24 janvier 1915
    134ème et 132ème jours de bataille et de bombardement
    8 h 30 soir- Journée froide, glaciale, calme après la tourmente de la nuit, où l’on s‘est battu fortement. J’ai mis à peu près mon courrier à jour. Personne (ou presque) n’est venu me déranger. Vu M. Renaudat qui se rend compte que nos troupes s’amollissent et qu’il faudrait une marche en avant. Bref il ne sait trop que me dire. Après l’affaire de Perthes-les-Hurlus on doit s’attendre à toutes les lâchetés des troupes des XVème et XVIIème Corps et encore plus de la part des officiers que celles des simples soldats.
    Les génisses du Midi! quoi! Tas de lâches!  Quel châtiment auront-ils donc pour leur lâcheté! Nous ne devons cependant pas toujours trinquer (payer) pour eux !
  • Lundi 25 janvier 1915
    135ème et 133ème jours de bataille et de bombardement
    8 h 40 soir – Journée calme, grise, très froide. Fort occupé par lettres et courses. Scellés chez Mme Veuve Collet-Lefort. Que deviendra cette affaire pour moi ? Je ne sais. J’aurais peut-être tiré les marrons du feu, mais j’ai encore là fait mon devoir.
    A 8 h 15 bombes et obus sifflent au-dessus et proches de chez moi. Ma domestique me supplie de descendre. A quoi bon ? Je suis las de cette vie!  de cette comédie de descendre et de remonter. Je descends tout de même, et je remonte pour écrire ces lignes !Quel martyre et combien durera-t-il encore de temps ?! En tout cas le beau-père me donne à peu près la paix, c’est un gros point pour moi.
    Demain matin mon pauvre enfant, mon aîné, mon cher Jean va passer la révision 1916. Que Dieu le protège!  Et que Dieu compte tout ce que j’ai souffert pour me le garder ! me le conserver !
    Ce sera pour moi demain 26 un jour bien pénible, bien dur à passer et puis après que m’annoncera-ton ? Quand je vois tous ces jeunes hommes forts, vigoureux, se promener ici dans les rues ne pensant qu’à jouir et à s’amuser bien à l’abri des balles et des obus, car ce sont des embusqués. Cela me saigne le cœur quand je songe à mon pauvre enfant qui lui, s’il le faut, fera son devoir, plus que son devoir, tandis que ces lâches ne penseront qu’à bien manger ! Oh ! que Dieu les maudisse!
  • Lettre du Procureur de la République, M. Henri Bossu, à Louis Guédet
    Entête : Copie
    Cabinet du Procureur de la République
    Reims, le 26 janvier 1915
    Confidentiel
    Mon cher Maître,
    J’ai le plaisir de vous faire savoir que je vous ai proposé à M. le Garde des Sceaux pour l’inscription au livre d’or des civils en raison de votre belle conduite au cours des cinq derniers mois.
    Bien cordialement à vous
    Henri Bossu
    Guédet, notaire, Reims
    Mention en travers en bas : « Reçu à 4 h 15 soir »

  • Mardi 26 janvier 1915

    136ème et 134ème jours de bataille et de bombardement
    8 h 45 soir -Les allemands m’ont laissé dormir à peu près tranquillement ma nuit commencée avec un bombardement qui a démoli pas mal de maisons, rue Thiers, de la Renfermerie, des Consuls. Ce n’était que des shrapnells, mais çà a fait du dégât.
    Journée douloureuse pour moi à cause de mon Jean qui passait la révision aujourd’hui. Angoisse que n’a pu atténuer ma proposition à l’ordre du jour (Livre d’or des civils) faite au Garde des sceaux par M. Bossu, Procureur de la République à Reims. J’y suis d’autant plus sensible que notre Procureur n’est pas un « gâteux », loin de là ! J’ai fait mon Devoir, on veut bien le reconnaitre, çà me suffit. Et d’autant plus que je n’ai rien fait pour obtenir cette faveur ! Mes enfants pourront lever haut la tête ! Encore une fois de plus.
  • Mercredi 27 janvier 1915
    137ème et 135ème jours de bataille et de bombardement
    9 heures soir- Nuit fort agitée en bataille. Journée du même temps que au début et s’éclaircissant. Ce soir nuit de pleine lune absolument rayonnante. Dans la journée en l’honneur sans doute de l’anniversaire de la naissance de ce déchet, de ce résidu, de ce pourri de Guillaume II bombardement de première classe, sifflements, mais pas de gros dégâts il me semble. La camelote allemande devient de plus en plus camelote.
    Jean est ajourné. Dieu soit loué, il n’aurait pu supporter les fatigues de la vie militaire. Il parait qu’il est furieux ! Il a tord car à quoi bon aller mourir dans un hôpital. Il a mieux à faire.
    Déjeuné chez les Henri Abelé avec Charles Heidsieck, abbé Landrieux, Lartilleux (Représentant en laines, 1877-1941), les deux abbés Pierre et Jean Abelé. Causé des événements et de l’avenir qui au point de vue social et religieux est plutôt sombre et peu encourageant. Le qui verra et la F.M. (Francmaçonnerie) gagnent de plus en plus. Alors!
    Rendu ensuite visite au procureur de la République pour sa lettre d’hier. Accueil fort cordial. Il m’a lu son texte de proposition à citation à l’ordre du jour civil, très élogieux mais vrai et juste pour moi et sur moi, il s’appuie en dehors de ma bravoure sur ce fait que non seulement je suis le seul des notaires de Reims resté à son Poste mais aussi et encore le seul des officiers ministériels (avocats, avoués, huissiers, commissaires-priseurs, greffiers, etc…) bref toute la garde de robe. Le Tabellion a fait honneur à nos panonceaux quoi ! Il espère que le Garde des Sceaux m’accordera cette citation à l’ordre du jour, mais on ne sait jamais ! Par le temps qui court ! Ce que cela m’indiffère ! Et cependant (le passage suivant à été rayé, illisible) mériterait bien ce soufflet! à la Grâce de Dieu cela ne m’empêche pas de dormir. Dieu peut faire plus, alors qu’il en arrive ce qu’il voudra… …J’ai ma conscience.
    J’ai fait mon devoir, plus que mon devoir, largement. Alors foin ! de la gloire et de la renommée Je l’aurai mérité, cela me suffit, même le ruban rouge ! Certes si cela suivait je n’en serai pas fier, mais je le reçois pour ma chère femme et mes enfants. J’en serais heureux. Oh! fort heureux pour eux. Car cela aura été gagné sous le feu, les bombes et la bataille pendant cinq mois et demi.
  • Les feuillets 194 à 196 ont disparus, le feuillet 197 se résume à une demi-page resto-verso.
  • Lundi 1er février 1915
    142ème et 140ème jours de bataille et de bombardement
    8h1/2 soir – Journée grise, pas un coup de canon. Ce calme est impressionnant auprès des jours précédents où de part et d’autre le canon grognait et la mitraille sifflait. Rien. Rien. Journée de dégel!  Quand serons-nous délivrés.
    Reçu lettre Maître Lefèvre, notaire à Ay, notre président de Chambre qui m’annonce (ce que je sais déjà) que le procureur l’avise qu’il m’a proposé pour être cité à l’ordre du jour des civils. Le brave Lefèvre m’en félicite très gentiment. Mais « peu m’en chaut », le moindre petit grain… de délivrance ferait bien mieux mon affaire, non… Ne me ferait plus plaisir. Foin de la Gloire. J’ai fait mon devoir et çà me suffit.
    La demi-page suivante a été supprimée.
  • Mercredi 3 février 1915
    144ème et 142ème jours de bataille et de bombardement
    8h1/2 soir – Belle journée et toujours le calme. Reçu nouvelles de Maitre Rozey (Notaire ColletLafond). Je pars et m’organiserai pour partir avec M. Bavaud exécuteur testamentaire le lundi 8 février 1915 à 7h1/2 avec la voiture automobile de M. Charles Heidsieck. Je demande un passeport de 15 jours. Serons-nous délivrés à ce moment 8/15/23 février 1915 ! Je n’ose l’espérer quoi qu’on m’ait dit que l’on devrait tenter un effort pour Reims et Massiges. Nous avons déjà été tant bernés par l’autorité militaire que je ne prête qu’une attention relative à ce dire.
    Vu M. Émile Français toujours fort gentil, causé de Maurice Mareschal. Je dois déjeuner avec lui demain. Ce sera un repos pour moi, avec lui on peut causer. Nous verrons aussi à nos…
  • La demi-page suivante a été supprimée, les feuillets 198 à 201 ont disparus.
  • … Ma pauvre femme, mes pauvres enfants. Quand les reverrai-je ? Je n’ai plus de forces.
  • Mardi 23 février 1915
  • 164ème et 162ème jours de bataille et de bombardement
    9h 15 soir – Journée calme, quelques bombes, mais on n’y fait pas attention. Bonne journée, occupée. Je suis allé à la Ville (Mairie) pour fixer une séance d’allocation comme juge de Paix. Entendu pour le jeudi 29 à 9 heures, ce ne sera pas long m’a-t-on dit. Après-midi à une heure assisté jusqu’à 4 h 30 à l’audience de simple police du 3ème canton que je puis être appelé à présider le cas échéant, qui se trouvait dans les cryptes du Palais de Justice. On se serait cru au Moyen-âge, le canon en plus. Toute la bande de malheureux, les uns intéressants, les autres non, des tristes, des drôles, des brutes. Une affaire entre autres m’a amusé. Une femme, à bonne langue je vous prie de le croire, avait eu l’idée assez drôle en passant dans la rue de passer la main sur la pilosité d’un nommé Furet qui causait avec deux militaires et de le traiter de : Lagardère ! D’où échange de propos aigres-doux qui du reste allaient jusqu’aux coups. Scène devant le juge assez drôle de tous ces gens, sous la coupole de cette crypte moyenâgeuse, inculpés, prévenus, témoins, etc… Et le public se disputant, s’interpellant, s’injuriant. Bref, condamnation de la coupable qui avait voulu trop caresser l’épine dorsale tortueuse de Furet à 2F d’amende. Alors, dans un mouvement de protestation, la condamnée de s’écrier : « Mais M’sieur le juge, il (le coupable) n’a qu’une bosse, ce n’est pas juste, ce ne devrait être que vingt sous ! Rire général et le canon tonnait comme il tonne en ce moment.
    Notre martyre cessera-t-il enfin!
  • Mercredi 24 février 1915
    165ème et 163ème jours de bataille et de bombardement
    11h 30- Temps splendide. Nos canons ont cette nuit à nouveau tonné, canonné d’une façon terrible et précipitée. Je suis allé au 23 ter (Imprimerie Bienaimé) route de Paris prêter serment comme suppléant de la justice de Paix du 3ème canton de Reims. A 10h 30 tout était terminé.
    Vu notre Président Hù, charmant avec moi ainsi que les autres juges, M. Bouvier, Texier, de Cardaillac, qui m’a dit qu’il m’avait signalé aussi au procureur général pour une conduite depuis six  mois, il m’a dit que une citation à l’ordre du jour ne pouvait faire de doutes.
    Le brave président tient toujours à son dada que tous, fonctionnaires publics, officiers ministériels, juges, etc… N’étaient pas obligés de rester à son poste ici, étant sur la ligne de bataille, et que tout ce que les tués disent au vivant que le temps de paix ! e l’ai écouté car il n’y a plus qu’à tirer l’échelle après celle-là !
    Et franchement ceux qui restent passent bel et bien pour des imbéciles pour ceux qui ont peur, les lâches et les froussards.
    C’est triste si ce n’était honteux.
  • Jeudi 25 février 1915
    166ème et 164ème jours de bataille et de bombardement
    5h 30 soir- Nuit assez tranquille. Belle journée, soleil, mais froide. Le canon a tonné presque toute la journée, les allemands ont continuellement envoyé des obus à longs intervalles. Journée triste, longue, déprimante. Tout le monde est las. Et aucun espoir de voir la fin de notre triste situation.
    Le matin de 9h 30 à 11heuresj’ai présidé la commission d’allocation aux femmes et enfants de mobilisés pour le 2e et 3e canton. Qu’il y a des gens malhonnêtes ! Qui ne reculent devant rien pour obtenir ces secours et ne pas travailler. Je suis bien las de ma vie. Voilà le beau temps et nous n’allons pas de l’avant : nous ne sommes donc pas assez forts ?! Quelle vie angoissante. Voilà six mois que je suis entre la vie et la mort. Je n’y résisterai pas. Ma pauvre femme, mes pauvres enfants, mon pauvre père!

Vendredi 26 février 1915
167ème et 165ème jours de bataille et de bombardement
8h 30 soir – Nuit précédente calme, journée brouillard le matin jusque neuf heures et soleil ensuite, froid, canon, quantité d’avions sillonnant l’azur. Obus de-ci de-là. 2,  place des Marchés, un chez Collomb rue du Carrouge près de Galeries Rémoises et un peu à droite et à gauche. Cette soirée ci il y a un clair de lune merveilleux. Il fait froid. Si seulement on était délivré, dégagé sans encombre !! Je n’ose plus rien espérer… plus rien supposer.

Samedi 27 février 1915
168ème et 166ème jours de bataille et de bombardement
7h 30 soir-  Journée grise, morose. Bombardement à 6h du matin. Terminé à cet instant la requête Louis de Bary, notoriété Cama, correspondance et la journée s’est terminée ainsi, on est découragé.

Dimanche 28 février 1915
169ème et 167ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir – Dimanche triste et monotone. Vers 2 heures je suis allé jusqu’à St Remi par la rue Chanzy et la rue Gambetta, et revenu par la rue Ponsardin, le boulevard de la Paix et les ruines du quartier Cérès, et la rue de l’Université. Vu le curé de St Remi, M. Goblet. J’ai causé avec lui quelques temps, nous sommes aussi tristes l’un que l’autre! Il me confirmait ce que je venais de constater, c’est que son quartier avait beaucoup moins souffert que le nôtre et le centre de la Ville. Que j suis las! Rentré à 5 h 30 j’ai écrit un mot à ma pauvre femme. Je n’ai le cœur à rien. Je vais porter ma lettre et puis l’heure vient de tâcher de manger et… de… dormir s’il plait aux Vandales ! Que je suis triste et découragé… Mon Dieu ! Quand ferez-vous cesser mon martyr ! Quand donc reverrai-je les miens, mes miens tous ici. Enfin réunis pour toujours… Oh ! que je souffre!

Lundi 1er mars 1915
170ème et 168ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir – Toute la nuit dernière, vent et tempête de pluie, journée très pénible, venteuse avec des éclaircies de soleil et des giboulées. Il fait vraiment froid. On entendait à peine le canon mais avec cette tempête ce n’est pas étonnant. Je suis toujours fort las et fort triste.
Vu M. Albert Benoist qui croit que nous serons enfin dégagés courant de ce mois!  Dire qu’il y a six mois que je traîne cette vie misérable!  Et mon cher Jean et mes chers enfants il y a sept mois qu’ils ont quitté cette maison ci. Et quand reviendront-ils ? Je n’ose l’espérer! Oh quelle vie de martyr et de souffrance ! J’en tomberai malade ! à n’en pas douter.
Quelle horrible chose que cette vie de prisonnier emmuré dans cette Ville comme dans un tombeau! Mon Dieu ! aurez-vous enfin pitié de moi, de nous!

Une bombe sur la maison de Louis Guédet

Le 2 mars 1915, vers 1 heure du matin, une bombe tombe sur la maison de Louis Guédet.

Mardi 2 mars 1915 -171ème et 169ème jours de bataille et de bombardement
Mercredi 3 mars 1915 -172ème et 170ème jours de bataille et de bombardement
Jeudi 4 mars 1915 -173ème et 171ème jours de bataille et de bombardement
Vendredi 5 mars 1915 -174ème et 172ème jours de bataille et de bombardement
Samedi 6 mars 1915 -175ème et 173ème jours de bataille et de bombardement
Dimanche 7 mars 1915 -176ème et 174ème jours de bataille et de bombardement
Lundi 8 mars 1915 -177ème et 175ème jours de bataille et de bombardement
Mardi 9 mars 1915- 178ème et 176ème jours de bataille et de bombardement
Mercredi 10 mars 1915
179ème et 177ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir-  Je n’ai pas encore eu le courage ni le temps de reprendre le cours de ces notes depuis qu’elles ont été interrompues par la nuit tragique du 1au 2 mars 1915. Quand j’écrivais les dernières lignes 7 heures me séparaient seulement de la catastrophe qui m’a atteint, si cruellement. Quelle nuit ! quel incendie !! Que résultera-t-il de tout cela ?… Remettons à plus tard le récit de ce drame. Je n’en ai pas encore le courage et le moment.

Jeudi 11 mars 1915

180ème et 178ème jours de bataille et de bombardement

Vendredi 12 mars 1915
181ème et 179ème jours de bataille et de bombardement
4 heures soir- Journée toujours fort triste. Je ne puis me relever du coup que j’ai reçu. Le Cardinal Luçon est venu me voir tout à l’heure avec l’abbé Camu son vicaire général, il a paru fort ému de mon désastre. Le chanoine Prévoteau de même. Tout cela ne relève pas mes ruines ! Oh ! que je suis découragé. Et rien ne vient me soutenir ni me réconforter ! Non ! L’épreuve est bien dure ! et… Est-elle finie?

Samedi 13 mars 1915
182ème et 180ème jours de bataille et de bombardement
6h30 soir Journée calme. Je m’organise…

Le quart de feuillet suivant a été découpé.

Dimanche 14 mars 1915
183ème et 181ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir – Journée grise, maussade comme le temps. Entre 11 heures et midi des obus autour de l’hôtel de ville, chez le Dr Bourgeois, place de la Caisse d’Epargne, rue de Mars, rue Cotta (3/4 victimes) chez Fréville, receveur des Finances (parait-il) rue Courmeaux dans appartements, meubles brisés. Gare la nuit. Mis ma correspondance à jour. Reçu visite de Charles Heidsieck qui a beaucoup insisté pour que j’aille déjeuner demain avec lui au Cercle, on doit être 7/8, le sous-préfet, Robert Lewthwaite, etc… Je n’y ai guère le cœur, mais je n’ai pas pu refuser.
Reçu lettre de Madeleine, toujours triste mais fort courageuse. Jean part demain pour Vevey (dans un sanatorium en Suisse). Que Dieu le protège! mais c’est bien dur pour moi de ne pouvoir l’embrasser avant son départ ! Rien ne m’est épargné ! Le reverrai-je ? Mon Dieu ! quel martyre ! et sans espoir d’en voir bientôt la fin.

Lundi 15 mars 1915
184ème et 182ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir-  Journée de bombardement. A 11 heures incendie du Tonneau d’Or, en face de Decker rue de Talleyrand. Tout autour de l’Hôtel de Ville. Ensuite dans le cours de la journée. Mais tout cela me laisse indifférent. Au milieu de mes ruines, je ne ressens plus rien. Déjeuné au Cercle, rue Noël, avec Goulden, Robert Lewthwaite, Emile Charbonneaux, Pierre Lelarge, M. et Mme Léon de Tassigny, Charles Heidsieck qui m’avait invité.

Le quart de feuillet suivant et les pages suivantes ont été supprimés et les journées suivantes ont été recopiées sur des feuillets de format 20cm x 15cm, très vraisemblablement par son épouse Madeleine Guédet.

Jeudi 18 mars 1915
187ème et 185ème jours de bataille et de bombardement
A 2 heures réunion chez M. Albert Benoist pour faire paraître dans un grand journal de Paris quelques articles sur la situation et la vie à Reims depuis l’occupation allemande et fixer et éclairer le grand public sur la vie de notre Ville martyre et sacrifiée.
Notre assemblée est composée de M. de Bruignac, initiateur, M. Albert Benoist, M. G. Houlon, conseiller municipal, M. le Docteur Simon, M. Ravaud pharmacien, M. Sainsaulieu, architecte et moi.
Nous avons jeté les bases de ce qu’il y avait à faire (forme et genre d’articles) et nous devons, lundi prochain, donner chacun nos idées qui seront considérées ou coordonnées. Nous devrions nous appeler les 7. Je dois m’occuper de la partie judiciaire.
6h soir- M. Hubert m’apprend à l’instant la mort de l’abbé Thinot, ancien vicaire de la Cathédrale, qui s’occupait de la Maîtrise, parti il y a deux mois comme canonnier sur sa demande quoiqu’il était ajourné.
Il vient d’être tué à Perthes-les-Hurlus et il est enterré à Suippes. Quelques jours son départ il était venu me demander conseil pour son testament !
Pauvre abbé ! Il était fort intelligent et avait du cœur !

Dimanche 21 mars 1915
190ème et 188ème jours de bataille et de bombardement
Journée splendide. Beaucoup d’aéroplanes. Eté messe 10 heures rue du Couchant à la petite chapelle de St Vincent de Paul, qui est l’église cathédrale. L’abbé Dage officiait. Le Cardinal Luçon fit un sermon, aussitôt après formule le vœu suivant : si la Cathédrale est sauvée et peut être réparée au lendemain de la lutte il s’est engagé avec tous les assistants à faire un service d’adoration perpétuelle solennelle le 1er vendredi de la fête du Sacré-Cœur, et ce pendant dix ans. Procès-verbal signé par le Cardinal Luçon, l’abbé Camu, Henri Abelé, de Bruignac, Charles Heidsieck et aussi comme patriciens tous présents. Les vicaires généraux, curés et chanoines de Reims non présents doivent également signer ce procès-verbal, qui a été lu à 10 h 25 devant le maître-autel de la petite chapelle et signé à 11h1/2 dans une salle en face.

Lundi 22 mars 1915
191ème et 189ème jours de bataille et de bombardement
Belle journée de printemps, chaude. Des avions, du canon.
A 2 heures réunion des sept chez M. A. Benoist, nous n’étions que 4 ! Benoist, de Bruignac, Houlon et moi.

Mardi 23 mars 1915
192ème et 190ème jours de bataille et de bombardement
A 1h 30 ma première audience de simple police, une soixantaine d’affaires, le tout est terminé à 2 h 45.
Reçu réponse de ma compagnie d’assurances des minutes. Je toucherai mais pas tout, faute de fonds et cette compagnie la Mutuelle du Mans avec le comité des notaires s’occupe de me faire payer la différence par l’État.

Samedi 27 mars 1915
196ème et 194ème jours de bataille et de bombardement
Belle journée de soleil, mais froide. La nuit dernière, vers 11 heures obligé de quitter mon lit pour aller coucher à la cave. Remonté à 6 h 30 du matin pour tâcher de dormir dans un air plus sain.
J’entassette. Levé, vu à divers actes pour l’enregistrement, apposition des scellés chez Mme Perceval, place d’Erlon. Répondu à ma chère Madeleine pour St Martin : j’approuve son idée d’y renvoyer d’abord Robert et André en reconnaissance, sauf à y aller après avec les autres petits.
M. Barat m’a dit qu’il avait donné les ordres nécessaires pour que les militaires installés chez mon père leur laissent la place (train des équipages du 19éme Corps, Commandant Bosc).

Reprise des feuillets rédigés par Louis Guédet.

Jeudi 1er avril 1915 jeudi saint
201ème et 199ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir – Gelée la nuit, soleil radieux dans la journée, quelques bombes l’après-midi. Reçu lettre fort triste de ma pauvre femme, qui est réfugiée à Yerres (Seine-et-Oise) avec sa belle-sœur dans la propriété du frère de cette dernière, en attendant de savoir si elle pourra aller à St Martin, chez mon père.
Rencontré tout à l’heure l’abbé Dupuit, curé de St Benoit, qui est là-bas tout seul sous les bombes. Il est aussi fort découragé. Il désespère de voir les allemands partir de France et encore moins de Reims, et il se demande comment cette guerre finira. De plus il est écœuré de la conduite des soldats français qui ne respectent rien. Tout cela est bien triste, navrant. Verrons-nous la fin de nos maux, et nous voilà dans le huitième mois de notre martyre.

Vendredi 2 avril 1915 vendredi saint
202ème et 200ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir – Belle journée froide, soleil. Aéroplanes vers 6 heures du matin qui ont bombardé la rue Carnot et la rue de Vesle. Qu’aurons-nous ce soir ? ou cette nuit ? il paraît qu’il y a un jour ou deux ils ont lancé des papiers sur lesquels ils nous annonçaient qu’ils nous enverraient des œufs de Pâques. Nous verrons cela après-demain.

Le bas de page du feuillet a été découpé.

Samedi 3 avril 1915 samedi saint
203ème et 201ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir – Nuit et journée de pluie presque battante. Ma pauvre maison ruinée ruisselle, on est comme une loque (une bâche pour nettoyer le sol en patois champenois). Quelle vie misérable ! J’ai! Et rien, rien ne vient me consoler, me donner une lueur de consolation, d’espoir, de bonheur, de réussite, de confiance en l’avenir, rien, rien, rien… Je ne survivrai certainement pas à tout cela. C’est trop pour moi. Je ne pense plus. Et puis, à quoi bon ! survivre. Je n’ai rien qui puisse me rattacher à l’avenir, et l’avenir qui n’est pour moi que misère, tristesse et ruine, souffrances à ajouter aux souffrances. Rien, rien, rien.

Dimanche 4 avril 1915 Pâques !
204ème et 202ème jours de bataille et de bombardement
Pâques fleuries ensoleillées pour tous ceux qui songent à ce jour ? C’est tout le contraire. Pluie diluvienne dans et sous nos ruines. Je suis dans l’eau, l’eau ruisselle partout, mes pauvres meubles sont dans un bel état ! C’est la chance qui continue à me poursuivre ! Déjeuné chez le Beau-père avec M. Soullié. En quittant le Beau-père, come je lui disais que je n’avais pas…

Le bas de page du feuillet a été coupé.

Lundi 5 avril 1915 lundi de Pâques
205ème et 203ème jours de bataille et de bombardement
5h 30  soir-  Journée passable, moins de pluie. Le temps va-t-il se remettre au beau ? Le canon retonne cet après-midi. Je ne suis pas sorti, sauf pour porter une lettre à la Poste (Galeries Rémoises) pour ma pauvre femme qui est toujours hésitante pour aller à St Martin. Reçu un mot de Jean qui se trouve mieux. Je suis toujours aussi triste et aussi découragé. Du reste quelle situation ! Misérable de martyr ! Reverrai-je les miens ? Nous retrouverons-nous réunis tous un jour sous le même toit ? Je n’ose y penser ni l’espérer.

Mardi 6 avril 1915
206ème et 204ème jours de bataille et de bombardement
5h 30 soir -Journée pas trop laide, plutôt froide. La nuit il a plu tout le temps. Je suis donc toujours dans l’eau, quelle vie ! de misérable !
Reçu lettres de Robert et de ma chère femme qui se contredisent (contrariés) au sujet de savoir s’il faut aller ou non à St Martin. Je ne sais que leur dire et je les prie de se concerter quand Robert sera rentré à Paris, et de faire pour le mieux.
Reçu lettre de Maître Rosey, avocat légataire universel de Mme Fulgence Collet, passage rayé, me demandant de lui apporter à Épernay les valeurs de cette succession, plus d’un million, qui sont au Crédit Lyonnais, à Épernay où il viendrait les prendre !! Ne pourrait-il pas pousser jusqu’à Reims ? Si ! Mais… il y a des bombes qui sont bien bonnes pour moi, mais pour lui non !

Le passage suivant est gommé, rayé, illisible… sur 6 lignes.

Et ces gens-là viendront vous imposer leurs quatre volontés!

Mercredi 7 avril 1915
207ème et 205ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir -La nuit dernière pluies torrentielles et canonnade furieuse du côté de Berry-au-Bac. Journée triste. La pluie commence à reprendre de plus belle, mes pauvres ruines sont changées, elles deviennent un lac. C’est la malédiction divine qui me poursuit, après le feu, c’est l’eau. Passage rayé. Quel martyre. Je désire ardemment la fin de ce martyre, la mort même.

Jeudi 8 avril 1915
208ème et 206ème jours de bataille et de bombardement
7 heures soir -Journée assez belle. La nuit dernière, entre 9 h 30 et 10 h 30 canonnade furieuse éclairant le ciel du côté de Berry-au-Bac. Journée calme. Quatre obus vers la gare à trois heures. C’est tout. Reçu lettre très aimable, affectueuse même de M. Bossu, mon Procureur de la République, qui est en congés à Jainvillotte, près de Neufchâteau (Vosges). Ce pauvre homme est fort atteint par son diabète et anticipant sa mort il me recommande sa femme et son enfant un charmant bébé, et me donne diverses instructions en ce sens. Cette lettre m’a touché en même temps qu’attristé, car bien que
n’étant juge que depuis la guerre, je me suis attaché à lui. De tous les magistrats du Tribunal de Reims ce fut lui qui fut le plus crâne, le plus courageux et sans forfanterie. Nerveux (de nervosité) parce que malade, en tout cas il a fait tout simplement très noblement son devoir et il a su imposer… le devoir aux autres.
C’est beaucoup. Nous avons souvent causé ensemble, et bien que d’idées et de croyances différentes nous nous comprenions devant le danger. C’était et c’est un esprit très droit et foncièrement honnête. Et il a fait son devoir et je lui répondrai demain.

Vendredi 9 avril 1915
209ème et 207ème jours de bataille et de bombardement
8 heures matin – Nuit affreuse! A 9h 30 comme je venais de me coucher le bombardement intense a commencé et n’a fini que vers 4 heures du matin. Descendu à la cave où j’ai pu dormir. Vers 10 heures une bombe est tombée près de la maison, où ? Nous ne savions. Ce matin, comme nous remontions vers 6 h 30 un coup de sonnette ! C’est Archambault qui venait nous demander les clefs de chez M. Martinet au 50, de ma rue en face de notre maison. Une bombe traversant la maison du n°52 de mon beau-frère est venue éclater dans le vestibule du n°50 où devait coucher un cousin de M. Martinet arrivé de Paris hier soir. Le vestibule n’existe plus, les lits sont au fond de la cave et on ne voit pas le malheureux. Est-il tué ? Ou fou de peur s’est-il évadé par un soupirail de la rue qui a été trouvé ouvert. Je fais prévenir Police et Pompiers.
Tout un quartier du faubourg de Laon vers la rue Danton est incendié, des maisons rue Gambetta et rue Chanzy depuis la rue de Venise jusqu’à l’ancien Grand séminaire en face du Grand Hôtel, tout ce quartier serait incendié, démoli. Un partout. Du reste les obus ne cessaient de siffler et d’éclater. Quand notre martyr finira-t-il ?
10 h 30 matin – On vient de retrouver, en face de notre maison, le malheureux Henri Martinet, broyé, haché, dans le fond de la cave ou il a été projeté par la force de l’explosion de la bombe. Dès 8 heures du matin j’avais eu l’idée d’employer les trois chiens de M. Martinet que je soigne pour les faire rechercher, mais les pompiers comme tous les hommes sûrs de leur supériorité m’avait envoyé promener, mais quand le capitaine des pompiers est arrivé je n’en fis qu’à ma tête et lâchait les chiens en les excitant un peu à chercher. Ils découvrirent les restes de ce malheureux affreusement broyé, sans tête. Cela n’avait pas duré trois minutes ! Je ne m’étais pas trompé en me fiant sur l’instinct et le flair de ces pauvres bêtes. Je fais le nécessaire pour la mise en bière, et l’inhumation qui aura probablement lieu dimanche matin. J’ai prévenu par dépêche M. Martinet-Devraine du décès de son cousin en lui demandant des instructions s’il y avait lieu.
Nuit tragique, douloureuse, sans sommeil et matinée plus lugubre encore. Dieu ne m’aura rien épargné. En sortirai-je ? Y survivrai-je ? quel martyr !
5h1/2 l’enterrement de ce malheureux aura lieu demain samedi à 11 heures. Encore une journée triste pour moi.
Quand donc serai-je avec les miens et que le long martyr aura cessé !

Samedi 10 avril 1915
210ème et 208ème jours de bataille et de bombardement
5 h 30 soir – Couché à la cave. Journée triste, pluie en ondée. Assisté aux obsèques de ce malheureux Henri Martinet, prières à l’église St Jacques à 11 heures, et de là été au cimetière de l’Ouest où il a été inhumé provisoirement, dans le Canton 31, au pied du poteau portant ce numéro (côté face), 5ème tombe. Je ne suis rentré qu’à midi 45 Reçu visite de Gillart architecte, venu de la part de Bouchette pour me communiquer une lettre de Mme Arnould ma propriétaire qui se refuse à me couvrir, par ces pluies battantes et qui parait très surprise que je fasse des réserves sur les dégâts que les pluies continuelles pourraient faire à mon pauvre mobilier, elle prétend que je suis sans doute déprimé pour faire de semblables réserves (révisions je dirais) ! Bouchette architecte et Gillart sont en dessous de tout en la circonstance. C’est la continuation de ma chance.

Dimanche 11 avril 1915
211ème et 209ème jours de bataille et de bombardement
6 h eures soir – Journée calme, beau temps. On a encore retrouvé des débris de ce malheureux Martinet. Je vais demain m’entendre avec la municipalité pour qu’on fasse des recherches dans les décombres. Quelle vi ! Rien ne m’aura été épargné.

Le passage suivant a été rayé.

Lundi 12 avril 1915
212ème et 210ème jours de bataille et de bombardement
8 heures soir – Nuit de bataille comme la précédente. Pas de bombe, journée belle et froide. Journée de printemps. Reçu lettre de ma pauvre femme qui me demande de mettre nos pauvres livres et collections à la cave ! Tant qu’à être perdus, j’aime mieux les laisser où ils sont ! Que de soucis elle se donne ! Si elle savait comme j’ai fait le sacrifice de tout cela ! Après tout ce que j’ai subi durant ce siège et depuis vingt ans ! J’en arrive à me dire que tout disparaisse ! N’en parlons plus… Si cela arrivait pour mes chers livres) nos collections ! Ce serait pénible, triste, douloureux, cruel certes… Mais je suis préparé et prévenu… Contre cette dernière douleur… épreuve… Et qu’y pourrai-je faire pour l’éviter, puisque les deux moyens de sauvetages se nos livres ne peuvent qu’aboutir ou à la moisissure à la cave, ou a la destruction par la bombe ou l’incendie ! or la cave c’est la destruction certaine et même sûre et certaine. Tandis que les bombes ou l’incendie, c’est le risque ! Je ne puis ! Je ne dois pas hésiter entre les deux et cependant Dieu sait si j’ai de la veine… de la chance… au jeu ! Fatalité Ανἀγκη. Je n’y ai jamais échappé !

Mardi 13 avril 1915
213ème et 211ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir -Belle journée. Recherché encore les débris du corps de ce malheureux Martinet. A 4 h 30 quelques bombes incendiaires qui ont allumé des incendies à la Société Générale, passage Poterlet, rue Jeanne d’Arc.
Ma propriétaire me menace et m’envoie une vraie lettre comminatoire pour me signifier que je n’aurai rien à attendre d’elle, et que je paie mon loyer, etc. Je verrai cela à Paris avec Maitre Thomas, avoué, 6, rue des Lavandières, quand j’irai la semaine prochaine. Car ma chère femme restant à Paris jusqu’au mois de mai, d’ici venant je vais aller passer quelques jours près d’elle et de mes petits. Voilà un voyage que je redoute ! Que ce sera pénible ! Mon Dieu ! Quand donc aurez-vous fini de me martyriser, de m’éprouver ? Quand me donnerez-vous enfin la tranquillité auprès de tous les miens et ici. Je n’en puis plus ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu!

Mercredi 14 avril 1915
214ème et 212ème jours de bataille et de bombardement
9 heures soir -Toute la nuit précédente comme la journée d’avant, bombardement général. Je n’ai pas ou peu dormi, dans mon grenier. La journée a été belle, trop belle puisque l’on ne pouvait pas profiter du soleil et des verts bourgeons que les arbres de nos squares et boulevards nous montrent. A 9 h 30 présidence des allocations militaires. Jusqu’à midi et pendant que nous siégeons les bombes sifflaient. L’après-midi je me suis occupé de mon voyage à Paris qui aura lieu vers le 20/21. Vu le commandant Colas, charmant pour moi. J’obtiendrai de lui ce que je voudrai. Car depuis la mort de ce malheureux Martinet il n’y a plus d’aller et retour. Je ne fais pas partie de l’exception, et du reste le commandant m’a dit : « Pour vous, M. Guédet, tout ce que vous voudrez de la Place ! » C’est donc carte blanche.
J’ai revisité la maison Martinet du haut en bas! Rien en dehors du sous-sol effondré, les étages sont relativement intacts, mais encore des débris humains infimes, mais toujours des débris. J’y renonce. J’ai recueilli le plus gros! A quoi suis-je réduit! Mon Dieu! Je le devais!
Des trois chiens Martinet je n’en n’ai plus que deux, à la suite d’une frasque et d’une imprudence du commandant Colas! Ce qu’ils m’auront donné de soucis ces roquets là! Enfin ce sont des chiens. J’aurais été si heureux qu’on agisse de même pour les miens. Mon pauvre Bobock (comme le dit Marie-Louise) si j’ai pris cette charge c’est en pensant à toi qui te chauffe en lézard au soleil sur la pelouse de St Martin en battant de la queue quand mon pauvre vieil octogénaire de père passe et repasse près de toi, au bon soleil de mon cher Pays natal. La Champagne, la Marne, la Terre qui a toujours été le tombeau des Vandales. Oui les champenois ont toujours eu de la Race et j’en ai.
Vu les Abelé, installés comme dans des catacombes dans leurs caves. Fort curieuses : une longue voute et à droite et à gauche au milieu d’une allée centrale des cellules ou chacun a son home, à gauche… A droite le bureau de travail, les bureaux, salon, salle à manger, etc. Chapelle à l’extrémité pour permettre même aux paresseux d’assister à la messe dans leur lit ! C’est bien, c’est curieux, ce sont des catacombes.
Je me suis entendu avec lui (Henri Abelé et Charles Heidsieck) pour l’auto pour aller à Paris par Épernay. Tous sont aux petits soins pour moi. La phrase suivante a été rayée.
Quelle nuit allons-nous avoir ? Je ne sais, mais nous avons rudement taquiné les allemands, gare les représailles nocturnes avec tous leurs accessoires.
J’ai fixé mon départ au 20/21 courant à cause de ma pauvre main droite brûlée afin que je n’aie plus de pansement à faire à Paris. Je suis toujours profondément triste, las !

Jeudi 15 avril 1915
215ème et 213ème jours de bataille et de bombardement
6 heures soir – Journée de soleil splendide, journée de printemps hélas! Nuit et journée calme. Les arbres du pauvre jardin fleurissent et verdoient ! Tout cela m’attriste beaucoup et j’ai bras et jambes coupés. Je m’affaibli de plus en plus! Vivrai-je jusqu’à notre délivrance? Je n’en puis plus. Je m’occupe d’organiser mon voyage. C’est bien fatigant. Je n’ai plus la tête forte. Je me déprime de plus en plus !
Mon Dieu! Mon Dieu! Ma pauvre femme, mes pauvres enfants, mon Père, mes pauvres aimés !

Vendredi 16 avril 1915
216ème et 214ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir – Journée splendide, soleil chaud. Je souffre de la chaleur et puis je suis si faible. Je viens de faire encore des courses pour mon voyage à Paris. Je suis éreinté. Vu M. de Cardaillac, substitut du procureur, toujours fort charmant. Demain je verrai le président et pour mon passeport le commandant Colas. Je suis las et découragé de plus en plus. Par ce beau soleil et ce calme extraordinaire on se demande à chaque instant si on n’a pas rêvé, si on ne rêve pas. Et dans un instant, une heure, les obus siffleront pour nous rappeler à la réalité. Non, l’épreuve est trop rude, trop dure pour moi, je n’y arriverai certainement pas. Je me sens usé. Et dès que j’aurai trouvé le calme je tomberai, si je ne tombe pas avant que Reims soit délivré. Dieu n’a pas pitié de moi, de ma misère, de mon martyre.

Samedi 17 avril 1915
217ème et 215ème jours de bataille et de bombardement
6 h 30 soir – Journée belle mais un peu grise. Mon voyage pour Paris se brusque et se précipite. Charles Heidsieck est venu me dire que l’auto revenait libre lundi 19, et qu’après ce serait pour plus tard. J’ai donc décidé de partir lundi à 6 h 30 du matin pour prendre le train à Épernay à 7 h 57 pour arriver à Paris à 11 h 39. A 6 heures du matin je serai à la Banque de France pour prendre les valeurs Mareschal et les porter à Madame Mareschal à Paris. Je pourrais donc, en arrivant à 11 h 30 les remettre à M. Paul Cousin dans l’après-midi.
Mon voyage et mon séjour là-bas seront tristes, oh ! Combien triste! Revoir mes aimés, ruiné, sans espoir de bonheur pour le reste de ma vie.
Mon Dieu que c’est dur ! Il n’est pas permis de souffrir aussi tant que cela.
Dimanche 18 avril 1915
218ème et 216ème jours de bataille et de bombardement
6 eures soir – Nuit calme. Journée splendide, chaude. Des avions. Mon départ est remis à mardi 20, mêmes heures et dispositions. J’ai fait télégraphier à ma pauvre femme que je n’arriverai que le mardi. Vu à La Haubette au parc le président Hu à qui j’ai conté mes mésaventures avec ma propriétaire Mme Arnould. Il m’a défendu de répondre et de payer quoi que ce soit. Vu M. Dhommée le sous-préfet qui est nommé préfet de la Vienne, de Cardaillac substitut, Dupont-Nouvion avocat. Je suis toujours si triste, me remettrai-je jamais ?

Lundi 19 avril 1915
219ème et 217ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir – Journée calme. Temps magnifique. Je prends mes dernières dispositions. Je pars demain à Paris à 6 h 15. A 5 h 30 je serai à la Banque de France pour prendre les valeurs Mareschal et la voiture me prendra à 6h1/4 pour filer à Épernay. Que Dieu me protège. Nous protège et que je voie enfin la fin de nos peines !

Du mardi 20 avril 1915- 220ème et 218ème jours de bataille et de bombardement au
Dimanche 2 mai 1915- 232ème et 230ème jours de bataille et de bombardement

« A Paris près de mes chers aimés

sauf mon pauvre Jean et mon Père ! »

Je reviens écœuré de Paris et de ses habitants ! C’est un défi à la pudeur, à l’honnêteté et à tous les sentiments nobles et dignes qui doivent et devraient les inspirer (les Parisiens) qui vont, viennent, virevoltent, s’amusent, etc. Comme si la Guerre n’existait pas !! C’est le cas de répéter la phrase célèbre : La France ? Plat du jour chaud! Pourvu que je m’amuse et que je vive bien!

Lundi 3 mai 1915
233ème et 231ème jours de bataille et de bombardement
8 h 20 soir Je suis rentré hier fort triste, cela ne se demande pas, à Reims vers 7 h eures soir après avoir quitté les miens, et quand les reverrai-je ? Nuit calme. Journée du 3 un peu sombre le matin mais embellie l’après-midi. Tout ici verdoie, fleurit ! Tandis que la mort s’égrène partout ! Revenu à mes affaires, 47 ou 48 lettres trouvées qui m’attendent, je déblaie ! J’en ai pour deux jours. Reprise de ma vie publique, notaire, juge de Paix, etc.
Je retrouve Reims triste, délabré et un peu plus démoli ! Mais surtout, comme esprit, devenu passif !Fataliste! Indifférent ! Partout et dans tous c’est la lassitude, l’indifférence même ! On ne suppute même plus sur les dates de délivrance en jours.
Les trois quarts du feuillet suivant ont été découpés.
…Pour morales ! Tout ! tout ! et Rien ! Rien ! ne m’est épargné ! Pendant que j’écris ces lignes de 8h 15 à 8h35 canonnade furieuse, vers Courcy, Loivre, Berry-au-Bac ! En ce moment, 8 h 45 calme absolu ! Sera-ce pour toute la nuit ! Peu m’importe ! Ce serait si bon de mourir et de ne plus souffrir !

Les trois quarts du feuillet suivant ont été découpés.

…Le Parquet m’a demandé la date de ma promotion comme suppléant de juge de paix pour répondre à une circulaire de M. Herbaux, Procureur Général, relative au traitement qui me serait dû pour ces fonctions. Me voilà passé budgétivore ! J’aurai vraiment fait tous les métiers. Si je touche quelque chose de ce chef ce sera pour vous mes petits en souvenir de la Guerre, ils s’achèteront un souvenir qui leur rappellera tout ce que j’ai fait et surtout tout ce que j’ai… Souffert.

Les feuillets 217 à 219 ont disparus.

Dimanche 9 mai 1915
239ème et 237ème jours de bataille et de bombardement
7 h eures soir -Nuit de bombardement, réveillé constamment par les vibrations des vitres de mon réduit de guerre, ce qui me reste! Pour ne pas descendre à la cave ! J’ai mal dormi. Je m’éveille à 6 heures, temps magnifique. Je m’habille et me dispose à aller à la messe de 8 h 30 à St Jacques quand mon bon ami Charles Heidsieck m’arrive en trombe me disant : « Il fait très beau, venez-vous avec moi à VilleDommange où je verrais Roussin, j’ai rencontré Corneille qui m’a dit qu’on avait des places rue Buirette dans la Patache (voiture hippomobile lente) qui va à Pargny ; venez avec nous déjeuner à Ville-Dommange et après avoir fait un tour nous reviendrons en nous promenant à Reims ! »

– « Oui, j’accepte, mais je n’ai pas été à la messe ! »

« Ne vous inquiétez pas. Vous sûr aurez une messe à Pargny ou à Ville-Dommange ! »
Nous partons rue Buirette, retrouvons Corneille, la voiture est prête, mais au moment de partir je dis à Charles Heidsieck : « Et nos passeports? »

« Oh ! j’ai celui d’auto avec nous ! » Il cherche mais pas de passeport !
On envoie un cycliste le chercher chez Henri Abelé, rue de la Justice. Celui-ci nous le rapporte! sauvés!
Nous partons donc tous trois dans une Victoria (Renault DG Victoria de 1913) découverte par un soleil splendide, mais l’air est frais. En route, tout émotionnés nous achetons le Petit Parisien qui nous donne des détails sur le torpillage du Lusitania ! Pour nous c’est presque une victoire. Les allemands se mettent de plus en plus au ban du Monde Entier ! Tout en devisant, discutant, nous arrivons à Pargny (gare). Corneille avec son passeport régulier et nous avec notre passeport d’automobile ! Un gendarme rébarbatif nous déclare péremptoirement « que puisque nous pouvons, Charles Heidsieck et moi, aller à Pargny en automobile, nous pouvons nécessairement y aller en voiture à cheval (hippomobile) et même à pied !

– « Pourquoi pas en aéro ! »
Ce gendarme aurait dû découvrir l’Amérique!  Sur ce nous passons sans accises (taxe de péage) ! Et arrivant à Pargny, débarquement à la gare après avoir été visés (le passeport) par un douanier plutôt rébarbatif, mais le gendarme avait raison !

La soldatesque engrosse les filles !

Puisque nous pouvons aller à Pargny en automobile, subséquemment, nécessairement nous pouvons y aller etc. etc.
Quand je voyagerai plus tard, je m’assurerai toujours d’un laissez-passer pour automobile. C’est souverainement péremptoire pour passer partout, même en temps de guerre sur la ligne de feu ! Je m’inquiète de ma messe. Justement les fidèles y allaient, je les suis jusqu’à la modeste église de Pargny, il est 10 heures du matin. Sur la place je me heurte à Liance mon jeune notaire de Rosnay qui n’a pas l’air de s’amuser ici, où comme automobiliste il fait son service ici, où il s’ennuie à mourir ! Il déplore tout ce qui c’est passé chez lui, autour de lui, mœurs, vol soldatesque tout y passe… Toute la ligne ! Il est écœuré… Çà me console, car je croyais qu’il n’y avait que moi qui voyait, constatait pareils scandales, et que seul je m’en offusquais. Entre autres exemples, il me citait que le Dr Vignon de Romilly estimait qu’il y avait déjà dans les villages sur la ligne de Reims à Dormans (C.B.R.) (Chemin de fer de la Banlieue de Reims) 250 femmes mariées ou jeunes filles qui étaient enceintes ! Des œuvres de la soldatesque qui occupe ces villages, etc. Etc. Tout à l’avenant.
Nous assistons à la Grand Messe (1h3/4 de durée) avec sermon lu et lecture de la pastorale du cardinal Luçon pour la neuvaine de la fête de Jeanne d’Arc. A la sortie je retrouve Charles Heidsieck qui (ayant été à la messe à Reims) était allé faire un tour jusqu’à Jouy.
Nous nous dirigeons vers le Château Werlé où est installé l’hôpital temporaire n°6 du Dr Lardennois. Que je ne rencontre pas malheureusement, étant parti en congé de la veille! J’y vois un sergent Gras à qui j’avais à causer d’affaire, et nous nous mettons en quête de déjeuner dans une auberge quelconque. Nous frappons à trois, quatre portes. On nous signifie qu’on ne peut rien nous donner! Il est 11 h 45 ! Mon brave ami la trouve saumâtre ! Où manger ? Chez M. Misset alors ! Allons-y ! Il faut vous dire que comme nous entrions à Pargny nous rencontrâmes M. Misset, intendant gérant des domaines et du château de M. Werlé qui nous arrête, cause un moment avec nous et nous invite à venir déjeuner chez lui. Comme nous faisions un geste de refus en lui disant que nous trouverions notre affaire dans une auberge quelconque, il nous dit en riant : « Au revoir, je file à une réunion du conseil municipal. Je vous attends à midi car vous serez bien obligés d’accepter mon invitation! »
Il avait dit vrai, et à notre courte honte nous nous allâmes humblement lui demander l’hospitalité. Il était enchanté de notre déconvenue. Déjeuner charmant. Mme Misset très simple, et parfaitement élevée. Avec nous dinait les enfants et la femme d’un capitaine des Zouaves (très zouave elle-même) qui était venue près de son mari soigné à l’Hôpital Werlé. Soi-disant pour passer huit jours et il y a deux mois qu’elle est là, acceptant l’hospitalité économe de Misset. Le brave M. Misset accepte cela philosophiquement. « Nous sommes depuis neuf mois si peu chez nous ! » dit-il d’un ton résigné! Il est vrai qu’il est accablé de militaires de tous galons, logeant l’État-major et ces messieurs ne se gênent pas ou daigne le laisser chez eux!Pour prendre le café il a fallu demander la permission d’aller sur la terrasse d’où l’on jouit d’une vue splendide sur Reims ! Mais ce sont les galonnés qui en jouissent !!
Dans la pièce à côté on jugeait un malheureux officier français qui avait causé à un officier allemand sur les tranchées. Il est à craindre qu’il ne soit fusillé demain !

Vers 2 h 30 nous visitons avec M. Misset l’installation hospitalière du Château Werlé, où tout est intact, les allemands n’ayant pas eu le temps de piller. J’admire les boiseries peintes relatant l’histoire de France provenant du château d’Étoges, et puis nous nous quittons pour regagner Reims par Jouy, Ville-Dommange, Les Mesneux à travers champs, Bezannes et Reims où nous arrivons vers 6 heures fatigués, car nous ne sommes plus habitués à de semblables marches.

Les feuillets 221 à 224 ont disparus.

Mardi 18 mai 1915
248ème et 246ème jours de bataille et de bombardement
11 h 30 matin Pluie toute la nuit qui a été calme. Je suis toujours inondé de plus en plus.
Reçu visite de l’abbé Dupuit, curé de St Benoit de Reims qui m’a remis le testament du pauvre abbé Thinot, tué à l’ennemi à Perthes-les-Hurlus. Visite d’Henri Abelé pour une citation en conciliation avec l’intendant militaire de Châlons-sur-Marne pour une automobile réquisitionnée et pour laquelle on lui offre 9. 060F quand elle lui a coûté six mois avant 14. 000F
On m’apprend la mort de René Peltereau-Villeneuve, frère de mon confrère de Reims, la tête emportée à Givenchy ces jours-ci (tué à Notre Dame de Lorette le 9 mai 1915). Il était marié avec la fille de Pol Charbonneaux, et laisse cinq enfants. Il valait cent fois mieux que son frère ! Ce sont toujours ceux-là qui…

La demi-page suivante a été découpée.
…Qu’il m’a rendu durant ces derniers temps. J’en profiterai aussi pour voir l’intendant militaire pour l’affaire d’auto avec Henri Abelé. J’ai mon passeport signé d’avance pour le 22.
Quel calme! il m’inquiète. La délivrance est si peu probable. J’ai déjeuné aux Galeries Rémoises avec Tricot et Masson notaire à Laon, actuellement maréchal des logis au 29ème d’artillerie cantonné aux Mesneux, celui-ci nous disait qu’on craignait encore un hivernage devant Reims. C’est à désespérer de tout !

Mercredi 19 mai 1915
249ème et 247ème jours de bataille et de bombardement
9 heures matin Toujours le calme… Effrayant. Temps couvert avec pluie. Ce matin, commission des allocations militaires. Les journaux ne disent toujours pas grand-chose. L’Italie se tâte toujours. Et je me demande même que si elle jette son épée dans la balance si cela fera avancer beaucoup les événements et notre délivrance! J’en doute, au train où cela marche…

La demi-page suivante a été découpée.

L’après-midi, monté jusqu’à la Place rue Dallier pour demander si l’on m’octroierait un laissez-passer pour ma pauvre femme. J’obtiens tout ce que je veux et même si je voudrais même la lune. Samedi avant de partir j’aurai un laissez-passer pour elle, sauf à ne pas m’en servir. De la rue de l’Union Foncière je vais pour dire à Luton ce que j’avais obtenu de Lallier de faire pour sa permission de huit jours à travers les mailles de cette vieille ganache de Cassagnade… (trois points)
Causé avec un capitaine des G.V.C. (Garde des Voies de Communication), Melon, un de mes vieux pensionnaires, mystification d’un brave maréchal des logis de Gendarmerie à qui je reprochais que dans cette rue déserte de l’Union Foncière de ne rencontrer que des gendarmes que s’en était fourni ! Haut-le-corps du brave… Porte-baudrier ! qui crie au capitaine Melon qui pissait dans un coin : « Mon capitaine, qu’est-ce que ce civil me dit ? »

  • « Je vous le recommande !! et ne le lâchez pas !… »
  • Alors moi de répliquer : « Mon brave gendarme, je le regretterais pour vous, car si vous avez votre testament à faire ce serait impossible car je suis le seul notaire resté ici à Reims, et l’oiseau rare que vous coffriez par vous serait dans l’impossibilité de vous rendre ce service. »
  • Tête du Caporal qui après tout ne peut s’empêcher de rire quand il répondit devant lui : « Ah !Môssieur le notaire ! Vous me la paierez celle-là ! Si jamais je vous pince après 21 heures du soir dans mes parages vous n’y couperez pas ! »
    Entendu mon cher, Marché ! je serais enchanté que vous me procuriez un abri, car comme ma maison est brûlée, je dois vous avouer que je couche sous les ponts depuis 2 mois et demi et coucher sous un toit, même celui du bloc ce serait pour moi une nouveauté et un délice tout notaire que je suis, doublé de votre juge de Paix pour tout le territoire de Reims !
    Le pauvre gendarme doit être encore figé dans sa rectification de position militairement. « Oh pardon Monsieur le Juge ! Je ne savais pas que c’était vous M. Guédet, le notaire !»
    Je m’en fus moi dormir pas plus fixé pour cela, mais une chose m’inquiète : « Est-ce que mon gendarme est encore figé dans sa rectification de position… militaire, scrogneugneu ! devant la porte de son cantonnement ? J’espère que non !
    Je poussai jusqu’à la Poste au Pont de Muire pour demander si mon courrier me subirait pas une nouvelle quarantaine en le faisant renvoyer d’ici à St Martin. On m’affirme que non si je donne l’ordre de le renvoyer à St Martin du 23 au 31.
    Rentré chez moi fatigué. Je me mets à ma correspondance que je déblaie et mets au point. Il est 7 heures Je dîne et j’écris ensuite ces lignes. 9 h 30 calme plat, pas un obus, pas un coup de canon. Tâchons de dormir si les allemands le permettent. Dans mes lettres reçues une charmante de Mme Schoen – toute de cœur – elle a vu les de Vraël et a été très touchée par leur affection pour moi, et de leur odyssée à Rocquincourt, Courcy à quelques kilomètres d’ici où ils n’ont pu reprocher quoique ce soit aux allemands, chose qui surprenait au possible cette bonne Mme Schoen !

Vendredi 21 mai 1915
251ème et 249ème jours de bataille et de bombardement
4 h 30 soir Journée lumineuse, lourde avec soleil nuageux nébuleux toute la journée. Calme ordinaire sauf vers 3 heures quelques coups de canons français, et quelques obus allemands. Mis mon courrier en ordre, rangé pas mal de chose en vue de mon départ de demain pour St Martin. En somme journée occupée sans enthousiasme. Je suis assez triste car mon Robert part pour la révision de la classe 17 aujourd’hui, pourvu qu’il soit ajourné comme son frère il est si peu fort aussi.
Reçu visite du gendarme François, ancien concierge de Charles Heidsieck qui m’apprenait qu’il avait arrêté des soldats la nuit dernière en train de vider une cave près de chez Jolivet, rue du Marc, et il…


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…Le rencontre, il reporte mon esprit à ces types louches, falots et terribles de 1799, dont on n’a jamais pu analyser la mentalité ni éclaircir les allures, les agissements, les mobiles et les existences ! Singulier personnage que ce Legendre… Si G. Lenotre (auteur dramatique 1855-1935) vivait dans cinquante ans, je le livrerais à ses patientes recherches et à ses analyses ! Il y aurait certainement de curieuses choses à découvrir et de curieux chapitres à écrire sur ce type là ! Je pars demain à 1 heure revoir mes chers aimés, pourvu que je les trouve bien portants ainsi que mon vieux père et que nous ayons de bonnes nouvelles de Robert.

La demi-page suivante a été découpée.


Samedi 22 mai 1915

252ème et 250ème jours de bataille et de bombardement
11 heure matin Beau temps lourd, orageux. Toujours le grand calme impressionnant. Je pars à 1 heure. Dérangé continuellement. Pourvu qu’il n’arrive rien durant mon absence et qu’enfin je triomphe de tout et de tous.

Du dimanche 23 avril 1915- 253ème et 251ème jours de bataille et de bombardement
Au
Samedi 5 juin 1915 -266ème et 264ème jours de bataille et de bombardement

« Chez mon père

à Saint Martin-aux-Champs (Marne) »

Dimanche 6 juin 1915
267ème et 265ème jours de bataille et de bombardement
Trois heures après-midi . Suis rentré hier soir vers 7 heures après quinze jours passés près de ma pauvre chère femme et des trois petits. Les deux ainés étant toujours l’un à Vevey (Suisse) pour se reposer, et l’autre à Paris pour sa philosophie. Je n’ai pour ainsi dire vécu que d’une vie animale tellement j’étais brisé physiquement et moralement.

La demi-page suivante a été découpée.

…Repris ce matin ma vie de galère. Eté à la Ville remettre mes lettres au Docteur Langlet, causé quelques instants avec lui et M. Raïssac, secrétaire général. Vu Houlon conseiller municipal. Après la mort de Pérot conseiller municipal socialiste qui s’est pendu pendant mon absence, désespéré de voir ses utopies internationalistes effondrées et ses collègues allemands comprendre la solidarité socialiste de la façon dont ils la pratiquent actuellement. C’était un esprit droit, qui sans conviction religieuse ne pouvait que finir ainsi : le suicide.
Après-midi et ce matin commencé à mettre à jour ma correspondance. Y arriverai-je ? Tellement j’en ai.
Je me demande de plus en plus si je pourrai aller jusqu’au bout, mes forces me trahissent parfois.

La demi-page suivante a été découpée.

Je lisais il y a quelques jours dans l’Écho de Paris du vendredi 4 juin, un article de Maurice Barrès intitulé « Les Veuves de la Guerre », et ce passage me frappait tant il était vrai et était applicable à quantité de ces héros (?) de l’arrière, le voici :
« Mais il ne faut pas qu’ils (les enfants) oublient. Il faut qu’ils aient de leur père un souvenir très lumineux, très vivant, qu’ils sachent bien que c’est parce qu’ils avaient un papa jeune, brave, robuste et vaillant qu’ils ne l’ont plus, que si leur papa avait été un papa à la conscience moins droite, un papa plus froussard, il serait embusqué dans un bon petit poste pas trop périlleux, et il serait revenu sain et sauf à la fin de la Guerre. Il faut que nos petits sachent bien qu’il vaut mieux pour eux n’avoir plus de papa qu’un papa lâche, pourvu qu’ils aient une maman vaillante et gaie. »
Et je songeais à la clique… (rayé, illisible) à qui ces lignes s’appliquent étrangement. Cela n’empêchera pas que nous, ceux qui auront fait leur devoir, nous soyons toujours honnis et écrasés par ces lâches là comme le dit si bien Maurice Barrès. Tout cela est bien décourageant, et si seulement Dieu nous donnait dès maintenant un commencement de réparation, de satisfaction contre ces gens-là! Mais c’est tout le contraire, comme me le disait si bien tout à l’heure cette brave Mlle Valentine Laignier qui elle aussi souffre de voir toutes ces lâchetés autour d’elle, comme moi-même je les vois, je les touche, je les subis.
Serons-nous récompensés ? Le châtiment est-il proche pour cette espèce là ? Je n’ose l’espérer. Foulés nous sommes ! Foulés nous resterons !

Lundi 7 juin 1915
268ème et 266ème jours de bataille et de bombardement
7 heures soir – Torride de chaleur. J’en souffre beaucoup, d’autant plus que j’ai passé pour ainsi dire une nuit blanche. A 1 h 15canonnade, fusillade, mitraillade furieuse, et cela durant trois quart d’heure. Puis silence jusqu’à 2 h 45 et ensuite nouvelle sarabande jusqu’à 3 h 30. C’était un roulement continu. Nous attaquions, parait-il, toujours pour ne pas avancer, bien entendu. Gare cette nuit la réponse des allemands. C’est bien dur. Quelle vie ! Fais mon retard de courrier, j’arrive peu à peu à la fin. Vu Mlle Mary Monce et visite avec elle sa maison rue Chanzy 71.  Elle a reçu treize obus. Quel chaos! Si Marie-Antoinette revenait dans cette maison où elle a assisté au passage de Louis XVI lors de son sacre elle ne reconnaîtrait plus. Les jolies boiseries de cette époque sont bien mal en point, notamment celles de la salle à manger, je lui ai conseillé de les mettre en sûreté, surtout le panneau de la cheminée, ainsi que les débris du marbre de cette malheureuse cheminée. Celle du salon est encore intacte. Pourvu que cela en reste là. Le bahut de l’époque avec le gros marbre dans la cuisine est réduit en poussière malheureusement.

Mardi 8 juin 1915
269ème et 267ème jours de bataille et de bombardement
5h soir Nuit calme, journée de même, température lourde et orageuse. Vu à la Mairie ce matin à diverses affaires de justice de Paix. Cette après-midi été à l’Enregistrement pour séquestre Louis de Bary et obtenir opposition. De là passé rue Dallier, 1, au bureau de la Place, pour serrer la main et féliciter le commandant Colas de sa nomination de lieutenant-colonel sur Place. Le brave commandant est loin d’être optimiste et n’a pas espoir que nous soyons délivrés bientôt. In petto il envisage encore un hivernage devant Reims ! J’avoue que j’en ai bras et jambes cassés. Il faut donc désespérer ! de tout !
9 heures soir. C’est un peu à contrecœur que je me vois obligé de consigner une petite réflexion que m’a faite cet après-midi un (imbécile) de confrère Legrand, notaire à Conflans-en-Jarnisy , actuellement musqué non embusqué, brigadier automobiliste au 6ème Corps du général Franchet d’Espèrey à Gueux qui venait me demander la gracieuseté de signer un certificat de vie pour une de ses tantes, qui en entrant eu cette réflexion lapidaire : « Comment, vous avez encore ces deux pièces ? Je croyais que vous étiez plus « amoché » que cela et que vous n’aviez plus que votre cave comme habitation ! »

On ne peut être plus inconscient, je lui ai répondu : « Vous trouvez que j’ai encore trop de logement ? » Sur cela il a piqué un rouge et… bafouillé. Imbécile, va ! et voilà la mentalité de tous ces musqués là – non embusqués – pour la Gloire de la France ! Quelle Pitié !

Mercredi 9 juin 1915
270ème et 268ème jours de bataille et de bombardement
8 h 30 matin Calme complet… Pluie chaude et lourde ce matin.
Séance ce matin à 9 h 30pour les allocations aux…

 

Le bas de page a été découpé

…Enfants me firent remarquer un arc-en-ciel. Ce n’était pas un arc-en-ciel mais un cercle rond aux couleurs de l’arc-en-ciel qu’il entourait entièrement le soleil couchant, c’était très beau en même temps que singulier. Je n’ai jamais vu cela. Est-ce un signe des temps ? Que sais-je ? Eté voir Mlle Marie Monce vers 5 heures pour diriger et conseiller le sauvetage des vieilles choses de valeur de sa maison. Encore toute émotionnée elle m’a conté les tentatives malpropres et audacieuses du commandant Lallier, officier d’État-major du général Cassagnade, associé de la Maison Deutz et Geldermann d’Ay. Un joli monsieur ! ma foi ! Je lui ai conseillé de se barricader chez elle avec son frère et je dois aller la revoir demain à cinq heures, heure à laquelle ce saligaud là lui a dit qu’il reviendrait pour voir si elle serait mieux disposée à satisfaire son sadisme !… Et dire que tous ces galonnés là embusqués sont tous les mêmes !

Jeudi 10 juin 1915
271ème et 269ème jours de bataille et de bombardement
10 heures matin Calme toujours, ce matin quelques avions, température lourde et orageuse. Je viens d’écrire à Jean…

Le quart de page suivant a été découpé.

9 heures soir- Entendu quelques obus siffler vers 5 heures. Vu le Père Pottié, très bien en pioupiou ! Capote horizon, képi avec manchon de toile bleue, un pantalon toile bleu national et au côté… Rosalie (épée baïonnette Lebel). Je ne lui ai fait qu’un reproche, c’est qu’il porte son ceinturon comme une haire ! Causé longuement rue de Venise avec lui et le Père Virion.
Nos idées ne sont pas couleur de roses ! Loin de là ! Le pauvre Pottié me disait navré de la décadence morale et intellectuelle du soldat, au milieu des quels il vit. Ces hommes n’ont même pas l’idée nette de la Patrie. En dehors de leurs veaux, vaches, chevaux, poulets, la Patrie n’existe pas. Alors ils ne comprennent pas nécessairement ce que peut être la Patrie, la France ! Education laïco-sociale démocratique que nous subissons depuis 40 ans. C’est à dire négation et anéantissements intellectuels ! Nos gouvernants disent être fiers de leurs résultats ! Quelle opposition !
L’Allemagne travaillant pour la guerre ne vivant que pour la guerre depuis 44 ans.
Tandis que la France travaillait uniquement contre la Guerre, c’est-à-dire pour l’esclavage… nous définitivement.

Le quart de page suivant a été découpé

…De tonnerre ne court pas ! Aurons-nous bientôt le coup de tonnerre… de la délivrance. J’en désespère, à moins d’un miracle comme celui de la Victoire de la Marne !

Vendredi 11 juin 1915
272ème et 270ème jours de bataille et de bombardement


9 h 30 matin . Nuit calme et matinée de même. Je renonce à l’écrire tous les jours maintenant cela étant sous-entendu. Le temps est couvert et orageux, que la pluie et l’inondation de nos pauvres ruines. Le calme est tel que je n’entends uniquement en ce moment que le chant d’un merle qui a du faire son nid dans le lierre du fond du jardin. Pauvre jardin ! Il eût été si beau en ce moment, mais il est de la couleur du bois de décembre brûlé, le gazon est moitié mort et en fleurs. Les rosiers grimpants sont en fleurs mais grimpent follement en gourmands. C’est la révolution, l’inculte dans toute sa laideur, sa profonde tristesse. Quand donc quitterai-je tout cela, ou j’ai tant souffert, où j’ai vécu depuis déjà dix mois des heures tragiques, angoissantes, poignantes de douleur. Mon martyr n’a-t-il déjà pas assez duré ? Mais après où aller ? Je n’ai plus de toit pour m’abriter avec les miens. Je suis sans foyer. Où aller ? Où me réfugier ? Dieu m’éclairera-t-il bientôt mon horizon, mon avenir en tout petit peu, une lueur, qui me donne un peu de courage, confiance et espoir en des jours meilleurs…

Le quart de page suivant a été découpé, le feuillet 233 a disparu. (12 juin 1915)

…J’ai enfin une photographie du docteur Langlet notre maire, que je vais pouvoir envoyer à mon jeune ami E. Lequeux (Émile Lequeux (1871-1935) artiste, créateur d’affiches et d’eau-fortes) pour qu’il le grave et en fasse une eau forte. Je suis certain qu’il le réussira. J’ai également écris à M.G. Hochet, actuellement brigadier RAC (Régiment d’Artillerie de Campagne) 6ème escadron train, 41ème Cie, 3ème peloton à Fougères (Ille-et-Vilaine) qui a servi d’interprète au Maire et à la municipalité lors de l’occupation prussienne pour lui demander des détails sur l’incident des deux parlementaires et que la phrase des « Cent mille têtes de cochons de rémois » (ihre hundert Schweinkopt de Rémois) avec les noms, grades, qualités des témoins de cette scène (allemands et français).

8 h 20 soir- Quelques coups de canon des nôtres, et c’est tout, à moins qu’on ne nous réserve des surprises. Peu importe ! à quoi bon! Quoiqu’il arrive ! On est si las !

 

Dimanche 13 juin 1915
274ème et 272ème jours de bataille et de bombardement
8 h 30 matin -On s’est battu toute la nuit avec rage. J’ai peu dormi, c’était impossible tellement cela fusillait, canonnait sans interruption. Aussi par le temps lourd et légèrement brumeux qu’il fait, je me sens bien fatigué. Eté à la messe de 7 h 30 aperçu (en blanc, illisible) qui vient faire acte de présence et re… Découvrir la Gloire ! Je suis las, triste, découragé. Jamais on ne saura ce que j’ai souffert de cette vie de reclus, de martyr.
6 h 45 soir- Passé une partie de l’après-midi près de Mlle Monce dans la crainte d’une tentative du commandant Lallier… Mais je crois que la réception plutôt… Froide que lui a faite cette pauvre jeune fille lui a servi de leçon. Il n’a pas récidivé. Quel goujat ! Quand même. Me voilà passé duègne, quand je dis que j’aurais fait tous les métiers !
La journée a été calme mais lourde. Pourvu que nous soyons tranquilles cette nuit. Je suis de plus en plus las. Mon Dieu ! Faites donc cesser ce martyr!

Lundi 14 juin 1915
275ème et 273ème jours de bataille et de bombardement
5 heures soir- Toujours le calme. Soleil radieux et chaud, et dire que nous sommes prisonniers !! Reçu notification du Parquet du décret du 31 mai 1915 rattachant à la juridiction de Paix des 1er et 3ème cantons de Reims les justices de Paix des 2ème et 4ème cantons et me nommant de ce fait suppléant pour la durée de la Guerre de toutes les justices de Paix de la Ville martyre. Je prêterai serment mercredi prochain 16 juin 1915 à 10 heures du matin, à La Haubette, 23ter route de Paris. Ce ne sera que la consécration et confirmation de ce que j’ai fait depuis que je suis suppléant puisque je remplaçais tous les juges de Paix et suppléant absents, c’est-à-dire tous sans exception, et je suis seul, c’est une spécialité, seul notaire à Reims! Seul juge de Paix à Reims ! et quoi encore!
Reçu lettre de Louis Leclerc mon liquidateur, qui fait bravement son devoir et se bat comme un lion aux Éparges et un peu partout. A Fresnes-en-Woëvre, il cantonne dans une étude de notaire de la localité et trouve les dossiers, minutes et comptabilité etc… Mis en litière par les allemands. Le commandant de son détachement veut pour déblayer la place brûler tout, mais le brave Louis se souvient qu’il est du métier et se dispute avec son commandant qui ne veut rien entendre et se met à l’œuvre pour brûler les minutes. Mon brave clerc s’impose du tout qu’il peut, entasse, entasse dans trois armoires minutes, dossiers, quittances, comptabilité ce qui lui tombe sous la main et lui parait le plus précieux à sauver, boucle le tout et met les clefs dans sa poche, au grand ahurissement du galonné ! Brave garçon ! Merci mon Petit ! Je suis fier de ton geste de belle solidarité. C’est moi qui t’ai inculqué le respect et le noble de notre métier et tu as prêché l’exemple. Merci du profond du cœur. Mon brave Louis, je suis fier de toi ! Je ne l’oublierai pas et quand dans les journées du notariat on rappellera les beaux traits que nous tous portons aux clercs. Je te ferais inscrire en bonne place. Tu l’auras bien mérité. Ton patron est fier de toi.

Le feuillet 235 a disparu, il reste un passage recopié sur un petit feuillet

Mercredi 16 juin 1915
277ème et 276ème jours de bataille et de bombardement
Cette nuit à 11 heures bombardement tout proche de chez moi, il faut descendre à la cave. A 11h 15 les bombes ont cessé de siffler. J’estime à trente ou quarante les projectiles lancés un peu partout, et particulièrement sur la Cathédrale. Eté à 10 heures à La Haubette pour une prestation de serment de suppléant à la justice de Paix des 2ème et 4ème canton de Reims. J’ai donc maintenant sous ma juridiction toutes les quatre justices de Paix de Reims et communes environnantes. Je vais déblayer le plus possible pour pouvoir aller à Paris et de là à Vevey pour rechercher Jean. Je tâcherai en outre d’aller voir à Genève les de Vraël et Mme E. Schoen.

Lettre de M. G. Hochet
Franchise militaire
Asp. Hochet Bies R.A.T. – 6ème Esc du Train Etat Major à Fougères (Ille-et-Vilaine)
Tampon de la Poste à Fougères du 18 juin 1915
Tampon rouge service postal 6ème escadron du train des équipages militaires – dépôt –
Monsieur L. Guédet notaire
Rue de Talleyrand 37 Reims (Marne)
Fougères, le 17 juin 1915
Cher Monsieur,
De mon côté je pense bien souvent à vous et j’ai lu avec joie votre bonne lettre. Quelle triste situation est la vôtre cher Monsieur et comme avec tous nos amis j’attends avec impatience la fin de nos épreuves. Permettez-moi d’admirer votre courage et votre endurance. J’ai dû quitter précipitamment ce qui reste de notre pauvre ville et je n’ai même pu serrer la main à tous nos amis car je devais rejoindre sans délai mon dépôt. Matériellement nous ne sommes pas malheureux, je supporte bien les fatigues et les privations et je me dis bien souvent qu’il y a de plus malheureux que moi. Mais quelles souffrances morales j’endure parfois, je n’ai pas besoin de vous le dire surtout qu’aucune lueur d’espoir ne point encore à ce triste horizon ! C’est avec plaisir que nous avons parlé de vous avec l’ami Archambault. Bien souvent nous échangeons nos impressions cherchant à nous donner mutuellement courage.
Voici quelques détails que vous me demandez : j’ai laissé mes notes à notes à Reims et beaucoup de ces détails m’échappent, mais j’espère pouvoir vous satisfaire superficiellement pour l’instant. 1° L’entrevue orageuse eu lieu le 4 septembre un peu après 14 heures. L’épouvantable menace fut proférée sur le pas de porte extérieur de l’Hôtel de Ville en présence de M. Alexandre Henriot, des appariteurs de l’Hôtel de Ville et de nombreux gardes civils : parmi eux un alsacien (dont le nom m’échappe) comprenant parfaitement l’Allemand, ce témoin gardait rue du Marc la maison dont le plafond en bois sculpté était d’une grande valeur, l’ami Metzger le connait certainement. Les menaces furent proférées en présence du général Zimmer et de son officier d’ordonnance. De nombreux citoyens, plus d’une centaine, ont assisté sur la place à la scène. Malheureusement
nous n’avons pu connaitre le nom de l’officier, un jeune capitaine faisant partie de l’État-Major de l’Armée de Bülow. Ce capitaine faisait partie d’un régiment de la Garde. Des discussions à ce sujet avaient déjà eu lieu dans la matinée dans le bureau de Monsieur le Docteur Langlet en présence de celui-ci, de M.M. le Docteur Jacquin, M. Lelarge, M. Emile Charbonneaux, M. Mignot, M. Georget, M. Bataille, M. Gosset, M. Gobeau (vétérinaire), M. Raïssac secrétaire de Monsieur le Docteur Langlet.
Je regrette de ne pas avoir sous les yeux mes notes me permettant de vous donner tous les détails. Ces notes sont restées sur la table de ma petite salle à manger rue Brûlée 3, au 1er étage et les clefs sont entre les mains de ma bonne Melle Georgette Siméon 46, rue Brûlée, qui pourrait vous ouvrir la porte de mon appartement. Vous trouverez ainsi tous ces détails avec d’autres qui peut-être vous intéresseront aussi. Ne craignez pas de me gêner, cher Monsieur, au contraire vous me ferez plaisir.
Le petit cercle d’amis à Reims doit être maintenant bien rétréci et je sens d’ici le grand vide qui s’est formé autour de vous. J’espère que votre cher beau-père M. Bataille est toujours en bonne santé et que vous avez des nouvelles satisfaisantes de toute votre chère famille. Veuillez je vous prie, présenter mes sincères amitiés à tous ceux qui voudront bien se souvenir de moi. A Monsieur Metzger lorsque vous aurez l’occasion de le voir. Je vous serre bien cordialement la main.
Sincèrement à vous.

Signé : G. Hochet
6ème Esc. du Train – Etat Major à Fougères (Ille-et-Vilaine)

Samedi 19 juin 1915
280ème et 278ème jours de bataille et de bombardement
9 h 15 matin Canonnade toute la nuit et bombardement assez loin de chez moi. Il va encore faire très chaud aujourd’hui. Bref situation toujours latente. Quelle vie! Nos progrès (?) vers Arras ne semblent avoir donné aucun résultat, alors ? Serons-nous enfin dégagés ici ? Je n’y crois plus. Je vais tout à l’heure retirer les valeurs du lieutenant d’artillerie René Martin-Guelliot de la succursale du Comptoir d’Escompte de Paris et les confier à M. Alard, architecte à Reims qui les remettra demain au Docteur Guelliot, 95, boulevard Raspail, Paris, ou à M. Martin, Père, 7, rue de Villersexel, Paris. Ce n’a pas été sans mal ! Dieu que ces banques telles que Crédit Lyonnais, Comptoir d’Escompte de Paris, Société Générale, se sont montrées désagréables, difficultueuses, malhonnêtes, moins raides pour la remise des titres et valeurs en dépôt à leurs clients, même pour l’ouverture des coffres-forts loués ! n’y a pas de mesquines difficultés qu’ils n’aient soulevées, employées. La raison je l’ignore ! Mais je suppose cependant que c’est la crainte de ne plus revoir ces clients qui font des retards. En tout cas ce n’est pas en les embêtant comme ils le font qu’ils les conserveront. Chose assez curieuse c’est la Banque de France qui durant toute cette période tourmentée qui se sera montrée la plus courtoise, la plus large ! Et Dieu sait cependant si la Banque de France est habituellement difficultueuse et tatillonne, au contraire elle a été d’une largesse, d’une amplitude qui m’a même étonné. Bref comme toujours il vaut mieux s’adresser à Dieu qu’aux saints !
9 heures soir – Rien de saillant. Journée (comme toutes) monotone, morne. L’herbe pousse partout dans les rues. Reims devient une Ville morte, bien morte.
Charles Heidsieck est venu me demander d’aller nous promener à Pargny ou à Ville-Dommange demain pour jouir de notre dimanche. Cette fois nous emporterons notre déjeuner ! Départ 9 heures, le temps de passer à la Commandanture pour nos laissez-passer et filer. J’ai l’intention de grimper jusqu’à St lié où nous déjeunerons avec un panorama splendide, sous les ormes. Lui aussi trouve que c’est long et que cela ne va pas assez vite !

« Vos 100 000 têtes de merde de rémois ne valent pas nos parlementaires !

Dimanche 20 juin 1915
281ème et 279ème jours de bataille et de bombardement
9 h 30 matin – Nuit calme, temps magnifique. Je pars avec M. Charles Heidsieck pour passer la journée aux environs de Pargny, Ville-Dommange, ce sera un Dimanche passé!
8 heures soir – Eté à Pargny. Déjeuné dans le bois sur un banc en face de Mary femme de Paul Heidsieck. Revenu à Pargny, vu l’abbé Midoux (successeur de Thinot), revu Touzet mon brave clerc, Bouchette que j’ai secoué, tout officier gestionnaire de 3ème classe qu’il soit, pour son attitude dans mon affaire avec ma propriétaire au sujet de mon incendie, vu Legros lieutenant, muet, impossible de savoir pour demain (sauf-conduit).
Vu M. Misset en revenir de son hôpital écossais de l’autre jour. Puis couru reprendre une voiture à la gare de Pargny, il était temps.
Charles Heidsieck m’a répondu de l’offense de Cent-Mille têtes (100 .000 têtes) de cochons de rémois dont je m’occupe de consigner pour mes nôtres. Il sait que la phrase historique a été prononcée à l’Hôtel de Ville par un officier d’artillerie de la garde prussienne en présence de nombreux témoins et que ce n’est pas : 100 000 têtes de cochons (en allemand) de rémois (en français) « Ein Hundert Tauzent schweinkopf de Rémois » qu’il a dit, mais bien : « Ihre hundert taiger duck koppffler de rémois etc… » c’est-à-dire « vos 100 000 têtes de merde de rémois ne valent pas nos parlementaires ! » Peu importe l’expression : elle est toujours aussi vile, grossière, brutale et pas étonnante de cette race là.
Il tenait cela d’Emile Charbonneaux adjoint au Maire qui a assisté à toutes ces scènes. Or en rentrant j’ai trouvé une lettre de G. Hochet, actuellement au 6ème train des équipages, État-major à Fougères (Ille et Vilaine) qui servait d’interprète durant l’occupation et il a entendu la scène, et il précise que ‘était le 4 septembre 1914 un peu après 14 heures après le bombardement par erreur, en présence de M. Alexandre Henriot, et d’un nombreux public entre mon alsacien dont je retrouverai le nom en présence du général Zimmer, de son officier d’ordonnance (l’intendant militaire général de Mestre (à vérifier), avocat à la Cour d’appel) et l’officier qui l’a dit était un officier de l’État-major de von Bülow, capitaine d’artillerie d’un régiment de la Garde Prussienne. Voilà le point d’histoire qui se précise de plus en plus. Je reverrai Charbonneaux et je prendrai demain les notes de ce brave Hochet que je mettrai en sûreté.

Pas de nouvelle de ma pauvre femme depuis avant-hier, pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé. Que je suis triste. Et encore plus quand je songe à ce que j’ai vu cet après-midi des hauteurs de Pargny et Coulommes des travaux et des tranchées allemande ! Moi qui connais tous les coins et recoins de ces terres. Coins de Courcy, La Neuvillette, Bourgogne, Bétheny, Fresne, Witry-les-Reims, Courcy, Nogent, Pompelle etc… parce que j’ai chassé depuis vingt ans. Je ne les reconnaissais plus, je ne m’y reconnaissais plus. Oh ! que c’était triste, je m’ire (me mettais en colère) de voir cela et de se dire : c’est l’Allemagne ! La Prusse !

Lundi 21 juin 1915
282ème et 280ème jours de bataille et de bombardement
4 heures du soir -Toujours le calme. Le temps est orageux, lourd. Gare la pluie et l’inondation pour moi.
Ce matin j’ai été voir à la mairie (sous-préfecture) si mon passeport pour le train était arrivé. On me dit que ma demande avait été retournée pour me prier d’y joindre un mandat poste de 0,60 F pour le timbre dudit passeport ! que j’avais omis d’envoyer, et que du reste on ne m‘avait pas signalé comme nécessaire. Beauté de l’administration ! et de la paperasserie ! Maintenant quand le recevrai-je ? Obligeamment M. Martin me rendit le tout avec une enveloppe et sans refermer pour me permettre de prendre mon mandat et de l’y joindre et de faire porter le tout avant 16 heures.
Hors de cela rien, ou peu de choses. Eté chez M. G. Hochet pour prendre ses notes sur l’occupation allemande. Rien, rien trouvé ou les chercher. Reçu une lettre de ma pauvre femme qui me dit que St Martin a encore de la troupe.
Reçu le dossier de 70 affaires de simple police à juger demain à 1h, après-demain, Allocations. Pourvu que j’ai un passeport jeudi matin.

Mardi 22 juin 1915
283ème et 281ème jours de bataille et de bombardement
10 h 30 du matin – la nuit de 2 heures 4 heures Puis calme plat. Temps lourd et orageux. Dans l’Echo de Paris (voir aussi Louis Latapie du journal « La Liberté » (Article de louis Latapie (1891-1972) dans La Liberté du 21 juin 1915)) je vois dans une interview du Pape Benoit XV, qui ose ajouter foi à ce que les allemands affirment que s’ils ont bombardé la Cathédrale de Reims c’est parce qu’il y avait un observatoire. C’est faux – archifaux – Il est parfaitement regrettable que Benoit XV accorde crédit à ce mensonge. Attendons ! Quand nous pourrons causer écrire et nous défendre librement.
5 heures – Terminé mon audience de simple police. Les soixante dix affaires sont réglées, rien de saillant. Je suis rentré vers 4 heures fatigué, las, et de plus en plus triste. Vais-je tomber malade ! Je n’en puis plus.
7 heures – Voici la pluie. Quelle tristesse de plus pour moi. Ne verrai-je donc pas la fin de cette vie de prisonnier, d’emmuré dans mes ruines, devant nos ruines toujours, toujours ! L’audience a eu lieu comme la dernière fois dans la crypte du Palais de Justice ! Il y faisait juste chaud, je ne vois pas pourquoi on ne l’a pas tenue dans la salle ordinaire, nous aurions été mieux.

Mercredi 23 juin 1915
284ème et 282ème jours de bataille et de bombardement
6 heures . Calme. Temps lourd et orageux, pluies par ondées. J’ai enfin mon passeport. J’ai présidé la Commission d’allocation de matin, rien de saillant. Je vais donc partir vendredi 25 à 8 h 30 matin pour arriver le soir à 6 heures. Je ne puis prendre Jacques Wagener parce que luxembourgeois et que s’il sortait il ne pourrait revenir à Reims !
Reçu les nôtres de M. Hochet sur l’occupation prussienne de Reims comme interprète. En dehors de la phrase sur les deux parlementaires il y en a une autre dite sur le parvis de l’hôtel de ville par un capitaine prussien en voyant tout le peuple rassemblé sur la place en présence de M. Hochet et de M. Arnold, alsacien d’origine et concierge de la maison Bellevue, rue du Marc au coin de la rue de la Prison (le beau plafond) (rue de la Prison du Baillage depuis 1924) « Ach was, ich verstehe nicht ihr französischer Quatsch ! Das alles ist Dreck ! Wir schiessen das Lumpensvolk nieder. Wissen Sie überhaupt nicht dass ein einziger unserer Soldaten mehr wert ist als ihr ganzes Gesindel ! »
Tous les officiers prussiens avaient, dit-il, une attitude arrogante, brutale, lâche ! Les saxons étaient plus corrects !

Prochain article: 10) Carnets de guerre de Louis Guédet (23 juin 1915 – 31 décembre 1915)

1314/9 mars 1918: classement des fragments de verrières sur le pavé de la cathédrale  de Reims

Rassemblement et classement des fragments de verrières sur le pavé de la cathédrale  de Reims

Ce merveilleux ensemble était insuffisamment connu à cause de l’épaisse couche de poussière qui masquait les verres et ne permettait de les juger d’en bas que dans des jours d’éclairage exceptionnels. Cependant, plusieurs verrières de l’abside, ainsi que la grande rose avaient été, durant ces dernières années déposées et nettoyées par simple lavage à l’eau puis remontées en plomb neuf pour en assurer la conservation. Les vitraux ainsi remis en état étalaient les splendeurs de leur coloration ancienne qu’adoucissait la patine du temps fortement imprimée dans les verres. Ce nettoyage et cette consolidation se poursuivaient d’année en année quand ils furent interrompus par la brutale intervention allemande.

L’incendie des combles de la cathédrale par les obus allemands, le 19 septembre 1914, atteignit cruellement les précieuses verrières et les dégâts en furent grandement aggravés par les bombardements que les barbares dirigèrent ensuite à plusieurs reprises sur l’édifice.

Blocage des loyers

Le 9 mars 1918, le gouvernement français bloque les loyers jusqu’à une date indéfinie. En bénéficient les Français détenteurs d’un bail antérieur au 1er août 1914 (le début de la Grande Guerre), autrement dit l’immense majorité des locataires.

Cette loi, à quelques mois de la fin de la Grande Guerre, est destinée à récompenser le courage des combattants au moment où ceux-ci, dans un dernier sursaut d’énergie, s’apprêtent à donner la victoire à leur pays.

Mais elle va de fait provoquer une crise du logement sans précédent et décourager la construction pendant trente ans, jusqu’à ce que le 1er septembre 1948, une nouvelle loi libère les loyers (avec une exception pour les locataires déjà en place).

source: https://www.herodote.net/9_mars_1918-evenement-19180309.php

(suite) Bombardement d’un immeuble parisien par les Gothas en 1918

http://atelier-histoire.ens-lyon.fr/AtelierHistoire/episodes/view/60

Parution du Rire rouge

Journal du samedi 9 mars 1918

Assez grande activité de l’artillerie ennemie devant la Pompelle et dans la région d’Avocourt.
En Lorraine, nous avons repoussé un fort coup de main ennemi sur Moncel. Les assaillants, qui ont subi des pertes sérieuses, ont laissé une dizaine de prisonniers, dont un officier entre nos mains.
Sur le front britannique, activité de l’artillerie allemande vers Ribécourt et dans la vallée de la Scarpe.
Grande activité des deux artilleries dans le secteur d’Ypres, entre la route de Menin et la forêt d’Houthulst.
Dans le secteur de Neuve-Chapelle, des détachements ennemis, à la faveur de l’épais brouillard, ont attaqué quelques postes britanniques avancés au nord-ouest de la Bassée. Les assaillants ont réussi à pénétrer dans un des postes d’où quelques hommes ont disparu. Sur les autres points, ils ont été rejetés, laissant des prisonniers.
Un raid aérien a eu lieu sur Londres. On compte 11 morts et 56 blessés. L’attaque, pour la première fois, a eu lieu par une nuit sans lune.
L’Allemagne a signé un traité avec la Finlande.
Le cabinet espagnol, présidé par M. Garcia Prieto, a démissionné.

source: http://grande.guerre.pagesperso-orange.fr/mars18.html

1309/4 mars 1918: les coloniaux sauvent Reims

Les coloniaux sauvent Reims

coloniauxToute la nuit, au corps à corps, une lutte sanglante se poursuit entre les assaillants, qui bien que violemment bombardés par l’artillerie française, tiennent toujours la partie supérieure de l’ouvrage et les marsouins qui résistent devant les sapes inondées de vapeurs délétères. Le 2 mars, à 6 heures, une contre attaque est menée par la 5e compagnie du 21e R.I.C. et un peloton du 1er Bataillon. Face aux coloniaux qui baïonnette haute progresse à la grenade, les allemands reculent et à 9 heures la situation est rétablie.

Le Fort de la Pompelle présente alors »l’aspect d’une carapace informe dont les voûtes même ont été crevées par les 210″. Aussi lorsque le Général Puyeroux vient féliciter les hommes du 2/21e R.I.C. et de la 101e Batterie, leur chef, le tonitruant Capitaine Marfaing s’excuse avec un humour très colonial « de lui remettre un ouvrage un peu abîmé ».

Dépités par leur échec, les allemands s’acharnent alors à bombarder Reims avec des obus dont certains atteignent le calibre 380 voire 420.

A ce moment là, Reims évacué par ses habitants qui en mars 1918 ont reçu l’ordre « de liquider leurs volailles », n’est plus que ruines. la presque totalité de ses 14 000 maisons est détruite et les ligne passent parfois à 4 kilomètres de la cathédrales dévastée.

Quelques jours avant l’offensive allemande, le quartier général français est partisan d’une rectification de front éliminant le saillant formé autour de l’agglomération. Le Général Gouraud commandant la IVe Armée qui serait gravement menacée par cet abandon, va voir alors le Général Mazillier en son P.C. de Louvois.

source: https://www.troupesdemarine.org/traditions/histoire/hist010.htm

(Marine) Disparition de l’USS cyclops

USS

En février 1918, le navire se trouve en escale à Rio de Janeiro pour charger du manganèse, le 16  il lève l’ancre et entre au Salvador quatre jours plus tard. Le 22 février il part pour Baltimore. Juste avant son départ du Bresil, le commandant Worley signale dans un rapport que un cylindre du moteur droit est fissuré, un conseil d’enquête confirme la panne, la réparation est prévue dès son retour aux Etats-Unis. Après un arrêt imprévu à la Barbade, le 4 mars l’USS Cyclops met le cap sur Baltimore.

Le dernier à l’avoir aperçu est le pétrolier américain « Amolco », il signala que le Cyclops faisait route en direction du Triangle des Bermudes. Depuis le navire ne sera revu nulle part.

source: http://lelignard.canalblog.com/archives/2016/02/08/33341406.html

Journal du lundi 4 mars 1918

Deux tentatives de coup de main ennemis, au nord du Chemin des Dames et dans le bois de Malancourt, ont échoué sous nos feux.
Bombardements assez vifs sur le front du bois Le Chaume.
En Lorraine, au nord-est de Reillon, nos tirs d’artillerie ont empêché une attaque en préparation de sortir de ses lignes.
Sur le front britannique, un coup de main a été exécuté avec succès sur les lignes allemandes au sud-est d’Armentières.
Des détachements ont été rejetés avant d’avoir pu aborder les lignes de nos alliés, au nord-ouest de Saint-Quentin et à l’est d’Arleux-en-Gohelle.
Une troisième tentative sur les tranchées britanniques de la région de Pontruet a échoué à la suite d’un corps à corps avec les patrouilles alliées. L’ennemi a subi des pertes importantes.
Un certain nombre de prisonniers sont restés aux mains des Anglais. Sur le front italien, échec d’une tentative ennemie dans le val Frenzela.
Canonnade réciproque sur le reste du front.
Les maximalistes ont signé à Brest-Litowsk une paix qui prend date du 3 mars.
Les Allemands ont débarqué dans l’archipel finlandais d’Aland. Ils ont notifié leur décision à la Suède.

source: http://grande.guerre.pagesperso-orange.fr/mars18.html

1307/2 mars 2018: le 63 ème RI dans le secteur de Reims

Le 63 ème RI dans le secteur de Reims

reims

Le sous-secteur sud ou sous-secteur de Cernay s’étend des abords de la route de Reims à
Cernay, jusqu’à la hauteur du pont de la Housse, en avant de la voie ferrée de Reims à Châlons.
Il est dominé par la butte Pommery, réduit de la défense de Reims, où loge le colonel avec la C. H.R. et un bataillon en réserve, dans des caves profondes. Le régiment défend, face à Berru, la périphérie est de Reims, sur un front qui dépasse 3 kilomètres, quand le secteur réorganisé est prolongé au nord jusqu’au delà de la route de Reims à Vitry. Le régiment se met tout de suite à l’œuvre pour renforcer cette organisation défensive, déjà puissante.
Le secteur est souvent orageux. Il est particulièrement exposé aux gaz. Les Allemands s’acharnent sur Reims et ses abords, fouillent les batteries, essayent de détruire les issues des caves, tirent surles concentrations de troupe ; bientôt, dans une rage de destruction, ils incendieront la ville, quartier par quartier.
Dans la nuit du 1 er mars, les Allemands bombardent la butte Pommery et les alentours par obus spéciaux. C’est le plus fort arrosage à l’ypérite que l’on ait connu. Il dure trois heures et recommence
vers 3 heures de l’après-midi. Les Allemands attaquent à notre droite et à notre gauche, et sont rejetés par nos voisins dans leurs lignes. Grâce aux précautions prises et à la désinfection du terrain, nos pertes sont faibles.
Quelques jours après, notre artillerie lourde démolit des emplacements présumés de projecteurs à gaz. Les alertes sont fréquentes. Dans la nuit du 19 au 20 mars, des milliers d’obus à l’arsine s’abattent sur le secteur.
Le 29 mars, commence pour nos troupes en ligne une longue période d’alerte et d’agitation. A 9 heures du soir, bombardement des tranchées de Sedan et de Mézières et coup de main ennemi repoussé par la 7ecompagnie.
Le même soir, arrive notre nouveau chef, le lieutenant-colonel NAUGÈS, qui remplace le
lieutenant-colonel BESSET.

http://tableaudhonneur.free.fr/63eRI.pdf

Lire surtout le dossier réalisé par  http://www.faurillon.com/reims.html

 

Mars sur le front des Vosges

2 mars 1918

Les Allemands profitent d’un épais brouillard pour accentuer leurs efforts concernant les travaux d’aménagement de leurs tranchées.

Il y a une grande activité réciproque des deux artilleries sur tout le front de la 43e D.I..

Vers 12 h 00, les canons français ripostent violemment en tirant sur les batteries et minen qui bombardent la région du Violu. Ceux-ci concentrent leurs tirs sur les points sensibles de l’ennemi qui ont été repérés.

Des mouvements de relèves intérieures se déroulent dans le C.R. la Cude.

Un homme est blessé au 149e R.I..

3 mars 1918

Les tirs d’artillerie allemands et français sont encore plus violents que les jours précédents. Le secteur du Violu, occupé par le 3e bataillon du 149e R.I., subit des tirs puissants de concentration. Ils sont accompagnés de tirs d’interdiction sur les arrières immédiats des points visés.

Les patrouilles de surveillance et de vérification des réseaux parviennent tout de même à faire leur travail dans ce secteur. Pour les hommes qui sont de corvée, il n’y a pas le choix, il faut remettre à neuf les tranchées et les boyaux qui ont été éboulés par les obus ennemis.

Un homme est blessé au 149e R.I..

4 mars 1918

Une alerte aux gaz est donnée dans les lignes ennemies vers 3 h 00. Les klaxons sont entendus pendant un bon quart d’heure.

L’artillerie française vient de donner une réponse identique aux Allemands qui leur ont envoyé des obus toxiques.

Dans la matinée, les artilleurs français effectuent un tir de barrage en utilisant des obus de 75 et de 95 dans le secteur allemand du C.R. Violu.

La pluie et la neige sont au rendez-vous. La visibilité reste particulièrement mauvaise jusqu’à 15 h 00. Ce qui rend l’artillerie moins virulente. Quelques tirs de concentration de la part de l’artillerie allemande ont tout de même lieu dans le secteur du Violu.

http://amphitrite33.canalblog.com/archives/2015/07/31/32426296.html

Journal du samedi 2 mars 1918

La lutte d’artillerie a pris un caractère d’assez grande intensité dans la région au nord et au nord-ouest de Reims, ainsi qu’en Champagne, principalement dans la région des Monts, vers Tahure et de part et d’autre de la Suippe.
Au sud-ouest de la Butte du Mesnil, les Allemands, qui avaient pris des tranchées avancées et qui en avaient été ensuite chassés, sont revenus à l’assaut. Après plusieurs tentatives infructueuses, qui leur ont valu de lourdes pertes, ils sont parvenus à prendre pied dans une partie des positions que nous avions conquises le 13 février.
Sur la rive droite de la Meuse et en Woëvre, l’ennemi a bombardé violemment nos premières lignes sur le front Beaumont-bois Le Chaume, ainsi que dans la région de Seichepray, où un fort coup de main a été repoussé.
Sur deux des points qu’ils ont attaqués, les Allemands se sont heurtés à des éléments d’infanterie américaine. Nos alliés ont partout maintenu leur ligne intacte.
Sur le front britannique, activité de l’artillerie ennemie entre Ribécourt et la Scarpe.
Les aviateurs anglais ont bombardé un important champ d’aviation entre tournai et Mons.
Sur le front italien, canonnade et combats d’artillerie. Des patrouilles ont enlevé un important matériel sur le plateau d’Asiago. Un avion autrichien a été abattu.

Parution du Rire rouge

le rire

Journal de guerre de 1918 du soldat Charles Robert Bottomley

source2 mars 1918 — Pris le train de 10 h pour Manchester. Ai dîné en ville avec maman. Pris le train de 14 h pour Londres. Arrivé à Londres vers 19 h 30. N’ai pas quitté le Maple Leaf Club de la nuit. Ai pris le thé au Y.M.C.A. près de la gare Victoria. Ai envoyé mon ancien journal à la maison.

3 mars 1918 — Parti de la gare Victoria vers 6 h à destination de Folkstone. Arrivé à Folkstone vers 9 h. Suis resté au camp de repos jusqu’à 15 h 30 et ai ensuite marché jusqu’au dock et suis monté à bord du «Onward». Arrivé à Boulange vers 18 h 30. Suis resté au camp de repos sur la colline jusqu’au matin.

4 mars 1918 — Parti du camp de repos vers 6 h et ai pris le train. Arrivé à Béthune vers 16 h. Ai marché jusqu’à Neun Le Mines, une distance de 5 kilomètres, au secteur des chevaux. Ai obtenu un très bon logement avec le caporal J. Thackberry, Devon Mason et Boyce. Ai mangé des frites et des oeufs et suis rentré à notre logement, dans un lavoir équipé de couchettes et d’un petit poêle pour 2 francs la semaine.

5 mars 1918 — Ai travaillé dans le secteur des chevaux à nettoyer le chariot et les avant-trains. Ne suis pas sorti de la nuit. Le matin, suis allé à pied à Sains-en-Gohelle chercher un nouveau masque à gaz. Ai vu là-bas quelques Américains.

6 mars 1918 — Ai travaillé dans le secteur des chevaux à nettoyer les avant-trains. Après-midi de congé; suis allé à pied en ville, ai pris un petit dîner et suis rentré.

7 mars 1918 — Occupé à entretenir les avant-trains et le secteur des chevaux. Suis allé à un concert en soirée.

8 mars 1918 — Ai travaillé dans le secteur de l’unité et ai nettoyé les avant-trains. Il a fait très beau. Suis sorti en soirée.

9 mars 1918 — Me suis occupé des avant-trains en matinée, suis allé en ville en après-midi. Affecté au piquet en soirée jusqu’à 22 h et me suis alors couché.

10 mars 1918 — Dimanche. N’ai rien fait de la matinée. Après midi, suis allé sur la place écouter la fanfare. Le soir, suis allé à l’office. Le chanoine Scott a fait un sermon et il y a eu un concert après l’office. Ai entendu des membres de la fanfare chanter le «Glee» et «Comrade in Arms». Suis allé à mon cantonnement, ai mangé et me suis couché.

11 mars 1918 — Ai commencé dans le quart du service de jour. Ai travaillé dans le secteur de l’unité. Suis allé à Hanichon à cheval prendre un bain dans la matinée. Ai reçu un assortiment flambant neuf de sous-vêtements dans le secteur de l’unité. Suis sorti en soirée.

La suite sur https://www.google.fr/search?q=embleme+canada&safe=active&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjjuvOe7vDYAhUQI-wKHTCFCMAQ_AUICigB&biw=1366&bih=588

1.-Carnet de guerre du Rémois Louis Guédet: 29 juillet – 31 août 1914

9fd7561ab8238dc5ee92c8020c92c09dNotaire rémois, maître Louis Guedet, resté à Reims durant toute la première guerre mondiale a raconté  au jour le jour, par écrit,  ce qu’il vivait dans la cité champenoise. C’est son petit-fils François Xavier Guédet, jeune retraité,  qui s’attache aujourd’hui à décrypter ces écrits endormis jusque l’an dernier dans un grenier. En voici les premiers feuillets.

Mercredi 29 Juillet 1914

10 H soir. Je rentre de la Chambre des Notaires où nous avions réunion pour l’examen du dossier de Maître Labitte notaire à Verzy et il me reste une impression de notre réunion durant notre dîner habituel, de calme, de sérénité de confiance même… de désir de la guerre en raison de la situation actuelle. De sept  que nous étions, trois partiront dans les 48 heures : Chémery, Démoulin, Jolivet, eh !

Mon Dieu ils parlent de leur départ éventuel comme s’il s’agissait d’un simple rendez-vous.

Nous les vieux, (Guédet, Peltereau, Labitte, Lefebvre) nous sommes aussi calmes et tous les sept nous sommes unanimes à dire que ce soit plutôt tout de suite que plus tard – nous avons des chances – nous gardons notre sang froid.
Je vous avoue que ceci me touche plus que toutes les manifestations, (genre juillet 1870) on se sent, on a confiance en soi, on accepte le sacrifice sans forfanterie, on aurait cru que nous causions d’une partie de chasse. Nous sommes forts puisque nous sommes calmes, cela m’a fait du bien de nous voir, aussi unissons-nous, notaires qui nous rendons compte de toutes les conséquences de la « Guerre ».
Avant de rentrer, j’ai quitté Jolivet, Peltereau, Labitte en vieux amis. Jolivet me disant « Je vous ai donné ma procuration pour ma femme, je compte sur vous au cas où nous ne nous reverrions pas d’ici…là…à Berlin, quoi ! »

« Entendu ! » dis-je, et Labitte « Moi, j’y serai avec l’ami Guédet, quelle flûte nous boirons », et Peltereau d’ajouter: « Je risquerai une crise d’estomac ! »
Je passe à la gare, la cour est noire de monde en calme, un calme qui était impressionnant. Tout le monde disait on sentait qu’on acceptait le sacrifice et on disait : espoir de Paix ? ou Guerre ? Je crois qu’on préférait celle-ci (la Guerre) plutôt que celle-là (la Paix).
Oui on en a assez !!

Jeudi 30 juillet 1914

8H soir . Journée sans nouvelles : on fait le vide ! Plutôt mauvais signe ! Plus de dépêches affichées sans les péristyles des Banques. On est fiévreux en même temps que calme et…fataliste, avec une pointe de regret si cela ne claquait pas ! Tout le monde sent que c’est une occasion de liquider la situation et la dette de 1870 – 1871. Je vais voir les journaux à la gare.

Vendredi 31 juillet 1914

10h soir. Impressions, oui ! Et peut-être souvenirs !!? Quelle nervosité ! Quelle fièvre, je crois que j’en ai aussi. Dans la journée, bruits contradictoires. Les russes vont entrer en Autriche, Berlin en état de guerre (mobilisation) avec la révolution dans ses rues. L’Angleterre est mobilisée… etc …

En France le mutisme. Les régiments partent ! Non, ce n’est pas vrai ! Si, ils sont partis ! Et que d’histoires ! Ce soir je rentre de la gare dont la cour est noire de monde.  Pas de journaux à 9H1/2. On cause on jase. M. Nocton, gérant de la Caisse d’Épargne me dit qu’il vient de rencontrer le Colonel de St Just armé de pied en cap, en vraie tenue de campagne, casque encapuchonné, épée en fourreau de serge etc etc… on dit que les dragons embarquent en ce moment et qu’à 11h ce sera le tour du 132e …alors ? Çà y serait ou près de l’être. Nous saurons cela demain matin.
Dans la journée affolement, plus d’argent, les banques ne paient plus qu’en écus et billets de 20F et 5F. Les fameux billets de l’année terrible (1870 -71) sauf que ceux-là sont datés 24 septembre 1874. Plus rien dans les maisons d’alimentation… Le sel est introuvable ou donné parcimonieusement;  plus de sucre, quant aux conserves…cela est déjà de la fiction ! le riz, les légumes secs, les pommes de terre ? Hier 30/35 centimes la livre, aujourd’hui 0F80 !!! etc… etc… J’ai fait ce que peut faire humainement et professionnellement. J’ai une réserve. J’ai fait virer à la Banque de France semblable somme. J’ai fait ce que j’ai pu, mes valeurs en dépôt sont dans un coffre à la Banque de France, je n’ai donc rien à me reprocher. Je n’ai plus qu’à attendre.

Samedi 1er août 1914

16e1h soir.  Matinée lugubre ou en attendant d’autres, on mobilise bien qu’on s’en défende. Les 16e et 22e dragons et 132e de ligne sont partis cette nuit. Ce matin 3 classes sont convoquées. La plupart des grosses autos mobilisées comme les chevaux hier. On ne rencontre que femmes et enfants les yeux rouges.  Mennesson-Champagne m’a dit tout à l’heure que la guerre était inévitable et que l’on y allait. Michaud m’a téléphoné tout à l’heure que Guillaume le bandit ! l’assassin ! aurait donné 18 heures à Nicolas II et à Poincaré pour s’incliner et promettre de ne pas mobiliser !! Est-ce exact ? – et que la mobilisation générale était décidée et l’ordre donné cette nuit à minuit. Tout est sans dessus dessous soit mais on est calme et on est… comme un homme qui va se jeter à l’eau !! on devient fataliste ! On sent que l’heure est venue et qu’il n’y a rien qui puisse arrêter «la Boucherie » !
Je pars à 3h16 pour revoir les miens chez mon Père. Je ne sais quand je pourrai revenir. Je projette d’être là lundi soir ou mardi midi mais! Et comment reviendrai-je, en chemin de fer ou à pied, après tout ce n’est que 40 km…..à avaler.
Dieu protège la France !!

Lundi 3 août 1914

1h soir.  Je remonte un peu les événements. Le premier août, journée affolante avec les gens qui vous assaillent, la fièvre et la folie dans les rues à 3 heures je pars dans un train de rappelés pour Châlons. Tous sont calmes, gais, on sent qu’ils s’en vont sur le front ayant fait le sacrifice de leur vie, que nous sommes loin des braillards et avinés de 1870 ! C’est réellement réconfortant ! J’arrive difficilement à St Martin à 8h du soir, le cheval de mon père ayant été réquisitionné dans la nuit précédente. Tout mon petit monde calme mais un peu inquiet et ne comprenant pas tout cela, ils ne savent pas ce que c’est. Après une pause comme il faut que je rentre à Reims le dimanche 2 août avant 6 h si je veux rentrer à Reims. Nous décidons avec ma pauvre femme fort courageuse, qu’elle restera avec les petits et grands chez mon Père dans la crainte de la disette à Reims. Je repars à midi et ½ pour le premier train qui s’arrête à Vitry-la-Ville.
Je suis sans nouvelles des miens. Je reçois seulement une lettre de Madeleine du 31 juillet !! Je n’en suis pas surpris. Matinée en ce matin agitée, mais le calme revient dans nos études – nécessairement il n’y a plus d’hommes, je crois que nous fermerons complètement ces jours-ci, je resterai seulement à mon poste, rien de plus. Touzet (principal clerc), Louis Leclerc, Lorillot sont partis sur le front. Ernest Leclerc est venu me serrer la main. Très crâne, très froid en même temps, il m’a promis de me rapporter un casque de prussien !! Dieu l’entende !! Mon expéditionnaire M. Millet m’apprend qu’on vient de surprendre deux individus qui cherchaient à déboulonner des rails sur le pont du chemin de fer d’Épernay, on en a tué un et arrêté le second. C’est un enfant qui s’en est aperçu et a prévenu la troupe. J’espère que ce second là ne fera pas long feu.
Des blessés des escarmouches vers Longwy nous arrivent – mais, malgré les rumeurs, rien de sérieux – il faut s’y attendre.

Mardi 4 août 1914

La guerre est déclarée

declaration
4h3/4 soir . On ne peut sortir dans les rues sans que l’on sente la fièvre et le cœur serré. Je quitte Béliard, mon jeune confrère à la savonnerie veuve Boutinot 57/59 rue Ernest Renan où sa compagnie : la 11e du 46e territorial est cantonnée en attendant qu’il parte cette nuit vers 1 h du matin pour Verdun. Il fait ce qu’il peut pour être ferme, mais en nous quittant nous n’avons pu que nous embrasser les larmes aux yeux. Il laisse une toute jeune femme avec deux enfants dont un de quelques mois à peine.

bouillon kubEn revenant au coin de la rue du Mont d’Arène et de la rue de Courcelles 34, je vois s’arrêter une auto d’où descendent le commissaire de police des 2e/ 4e cantons avec le secrétaire du Bureau de Police central et des agents qui, une pince monseigneur à la main se mettent à faire sauter un écriteau « Bouillon Kub » sur un volet et en brisent l’émail sur place aux cris de « Vive la France ». Comme je demandais pourquoi au commissaire de police, celui-ci me dit en me serrant la main « Je ne puis vous rien dire mais vous devez deviner ! » Quelques pas plus loin j’apprends qu’il y aurait eu une émeute à Paris suscitée par la déclaration de guerre et par le bruit que l’on aurait fait courir que Maggi et Kub auraient empoisonné leurs bouillons (en plaquettes) pour empoisonner les gens et les soldats ? De là fureur du peuple et mise à sac de toutes les maisons et succursales de Paris détenant ou vendant ces produits !! On a voulu éviter pareil fait ici.
Tout cela n’est pas beau et donne à réfléchir sur ce que nos soldats laissent derrière eux : La Révolution avec la Guerre sur la Frontière !

9h1/2 soir . Le sort en est jeté ! La guerre est déclarée par l’Allemagne contre la France. Vandales ! Sauvages !! Soyez maudits allemands ! prussiens ! bavarois ! Et que les prophéties d’Hermann de Lenhnin soient accomplies. Que les Hohenzollern soient anéantis !
A 44 ans de distance : la prédiction de Mayence s’accomplit ! « L’Alsace et la Lorraine seront ravies pour un temps et un demi-temps » (30 ans + 15 ans = 45 = (1870 à 1914/1915) ? singulière coïncidence !)
« Les Français ne reprendront courage que contre eux-mêmes » Oui ! les Français ne reprennent courage que malgré eux-mêmes ! Parce qu’ils ne voulaient pas la guerre. Et c’est l’Allemagne, la Prusse qui nous met le couteau sous la gorge ! Qu’ils en gardent la responsabilité après le Faux d’Ems ! Le guet-apens d’Autriche !! C’est complet ! Dieu nous protège et nous donne la Victoire et l’anéantissement jusqu’au dernier des officiers allemands, qui rêvaient que carnage et guerre, et que l’orgueil teuton soit à jamais écrasé ! abaissé ! piétiné !
A quand la Victoire complète du Bois des Bouleaux « Ce jour-là il commandera à 7 espèces de soldats contre 3 au quartier des Bouleaux, entre Hans, Warl et Padeborn ». Aura-t-elle lieu les 16 – 17 – 18 août 1914 ? Ce serait une belle revanche de nos victoires de Gravelotte, St Privat qu’on a appelées des défaites… Si nous avions eu autre chose que Bazaine !
Mais cette fois-ci il n’y aura pas de Bazaine ! A bientôt les journées du « Bois des Bouleaux » qui existent bien à l’endroit indiqué dans la prophétie de Mayence ! et d’Hermann !

Mercredi 5 août 1914

M. Ensch, photographe luxembourgeois arrêté pour espionnage

bon marché
Des voitures du Bon Marché de Paris comme celles-ci transportaient les troupes vers le front.

11h matin.  En venant de faire une course rue Chanzy je viens d’être arrêté au Théâtre par une colonne de 20 à 30 autobus de Paris et de voitures du Bon Marché de Paris qui vont sur le front. Un chauffeur et un soldat guident chacune des voitures et dans la dernière 10 mécaniciens en soldats. M. Hurault, de la Haubette, notre conseiller général me dit ces autobus et voitures passent ainsi depuis minuit. Chaque colonne s’arrête sur la route devant chez lui pour se ravitailler en essence et pour manger. Il est étonné du calme, du sang-froid et de la joie de ces hommes qui vont là-bas !
J’ai rencontré aussi la femme de Ensch, le photographe, qui m’a appris que son mari avait été arrêté dimanche dans la journée comme espion. Il était luxembourgeois. Est-il bien réellement coupable ? C’est à voir. L’avenir nous le dira.
8h soir. Ce matin vers 11h comme je revenais de la rue Chanzy je suis arrêté au Théâtre par une colonne d’autobus de voitures du Louvre, du Bon Marché, etc… qui remontaient de la rue de Vesle et marchaient à la frontière. Il parait que depuis minuit ces autobus n’ont pas cessé de passer ainsi. Ils s’arrêtent à la Haubette en face de Monsieur Hurault, font leur plein d’essence, les hommes mangent et repartent. J’ai remarqué et je me suis laissé dire que ces voitures devaient avoir à transporter les viandes sur le front (en effet il y a des crochets de bouchers accrochés aux coursives) et ramener les blessés.
A 4 h comme j’étais à la gare je suis interpellé par un chef de train que je connais qui me crie : » Oh ! Mr Guédet si vous saviez comme çà tape à Givet ! » Il venait de cette ville d’où on entendait ce matin une canonnade épouvantable dans la direction de Namur et Liège. Voilà donc le plan de campagne de l’Allemagne bien défini et bien dessiné.
Comme j’étais sur le quai, je vois un curé, bon gros gaillard de 40 ans qui causait avec des aviateurs et des employés de chemin de fer, je m’en approchais de celui-ci, il racontait qu’il était curé à quelques kilomètres de Moineville et qu’il connaissait très bien le curé qui venait d’être assassiné par les sauvages (des prussiens) voici comment cela se serait passé : Une troupe d’allemands arrivent dans le village, un officier aperçoit le curé sur sa porte, il l’aborde et lui demande son livret de soldat. Le curé lui répond « Pourquoi faire ? »

Le prussien lui dit « Vous êtes mobilisable ? »

-Le curé « Cela ne vous regarde pas ! »

Pan ! une balle dans la tête et l’assassin s’en va ! Ce sont les mœurs gratiennes et… élégantes de cette race-là ! Vandales ! Sauvages ! Brutes !
Parent, l’un de nos gardes de Nauroy passant à Reims pour rejoindre à St Mihiel nous apprend la mort presque subite de Thuly, notre vieux garde collègue de Parent et Lallement. Pauvre Thuly ! que de parties nous avons fait ensemble. Il connaissait si bien son terrain de chasse ! avec son franc parler, ne se gênant pas pour vous dire : « eh ! Mr Guédet que vous tirez donc mal !! Eh bien quoi !! çà va pas ? V’n’avez donc pas de plomb dans vos cartouches ! » Mais quelle joie quand on tirait bien !! « Çà va…ça va bien ! »
Tirez M. Guédet : « voyez-vous ce maquereau là (un lièvre) qui vient se faire casser la… figure ! (on ne parlait pas encore de Mme Caillaux) Viens ! viens ! mon vieux ! là….. à vous Mr Guédet ! »

Puis, la bête tuée : « J’te l’avais bien dit !!! Tiens v’là pour la peine (prononcer comme pain) » en lui donnant le coup de grâce !
Et quand il disait à ce brave Caillau (ne pas lire Caillaux avec un x) « Mais M’sieur, c’est un carnier de chasseur d’alouettes !! » en élevant le carnier minuscule de Caillau du bout de son petit doigt ! Puis une heure après quand Caillau avait manqué tout ce qu’il voulait, Thuly s’arrêtant digne et disant : « Excusez-moi M’sieur, mais m’est d’avis qu’vous tirez comme une vache !! » et encore plus digne retirant le carnier minuscule de Caillau et le lui rendant d’un geste d’empereur « T’nez M’sieur Caillau, j’vous rends, car je n’chasse pas avec des chasseurs d’vot acabit qui manquent à tous coups ! on f..terait les perdreaux dans votre culotte qu’vous les manqueriez encore ! Et puis vous n’avez pas besoin de Porteur ! »  Et ma foi il lâche mon Caillau ! qui en est resté tout baba !
Et encore quand je l’ai laissé attendre son furet sur un terrier par une neige, une neige épouvantable pendant 1 heure alors que je furetais avec Henriet et d’autres furets je l’entendais sacrer ! tempêter ! jurer ! tous les Saints du Paradis… Et enfin revenant le revoir sans savoir trop ce que je lui dirai pour causer « Eh bien Thuly, et votre furet ? S’gaillard là ! y n’sort pas ! J’n’sais c’qui tripotte là dedans !! Bon sang ! d’bon sang !! « Mais Thuly, regardez donc si votre autre furet est dans la boite ou est-il avec l’autre dans le terrier ? »

Mon Thuly ouvre sa boite à furets et…stupeur, les deux furets dormaient tranquillement en rond et au chaud dans leur paille !! Je verrai toujours la tête de ce pauvre Thuly !! Aussi il ne fallait pas trop lui parler de cette aventure, car tous les noms d’oiseaux de son répertoire défilaient la parade.
Pauvre et cher Thuly, il avait fait le siège de Paris dans les mobiles, nous nous étions frôlés souvent quand j’allais voir les mobiles de nos pays de la Vallée de St Martin, Cheppes, etc… avec ma Mère…leur Providence ! nous ne songions ni l’un ni l’autre que 25 ans plus tard nous chasserions ensemble ! quelles bonnes causeries faisions-nous ! alors ! que sa mémoire survive, c’était un brave homme ! Je lui devais bien ce quelques lignes que mes Petits et Grands (enfants) liront avec plaisir je n’en doute pas avec émotion, l’ayant aussi connu lui qui leur a fait tuer avec Lallemant et Parent leurs premiers lapins, perdreaux, lièvres et faisans ! Je l’aimais et… je n’ai qu’un regret c’est qu’il n’ait pas vécu encore quelques semaines de plus. Il aurait il est vrai revécu des heures douloureuses qu’il avait connues comme moi en 1870 l’angoisse de l’inconnu. Du silence, du vide, mais il aurait eu la consolation et la joie de connaître en plus : les heures de la Victoire de la France et de son Triomphe sur les barbares !
Thuly, du moins, vous avez la consolation de savoir là-haut… La grande nouvelle : la Bataille est gagnée ! Nous sommes vainqueurs ! Cri que je ne connais pas encore ! mais que j’espère… Que j’attends de toutes les forces de mon âme !
Thuly, priez Dieu pour nos enfants, pour ma femme, pour mon Père et pour moi : que Dieu nous protège et surtout que Dieu sauve la France et lui donne la Victoire ! Et nous irons tuer ensuite des lapins en souvenir de vous à Nauroy.
10h soir. Je rentre de la gare porter une lettre pour ma pauvre Madeleine. Reçoit-elle mes lettres ? mes journaux ? Je l’espère mais moi depuis dimanche que je les ai quittés – aucunes nouvelles – enfin prenons patience, courage ! J’irai vendredi soir ou samedi matin à St Martin pour les rassurer s’ils n’ont rien reçu de moi.
Ah ! ces coups de sifflets des trains de la mobilisation (c’est une obsession !) qui mènent tous ces hommes à la Boucherie. Ils me frappent, arrivant du nord et de l’ouest, comme autant de coups de poignards au cœur et au cerveau ! Et le vent me les amène toujours… Ces coups de sifflets stridents, aigus, lugubres dans la nuit – on croirait entendre la Mort sifflant dans des tibias son appel au carnage ! Quand donc le vent tournera-t-il pour que je ne les entende plus ! mais alors ? venant de l’Est-ce serait le canon que j’entendrais !! comme en 1870 !
conscritTout cela et le temps lourd, orageux et ces pluies chaudes que nous subissons me remémorent bien les pages tristes et lugubres si fortement burinées par Erckmann et Chatrian dans « L’histoire d’un conscrit de 1813 ». Waterloo 1814-15 ! Oui mais elles seront à cent ans de distance… les pages glorieuses, victorieuses !! Je vois mes pauvres amis courbant le dos sous la rafale chaude, humide comme Joseph Bertha ! Je vois Béliard humant l’air vivifiant des hêtres et des chênes le matin en marchant dans les bois de la vallée de la Woëvre comme Joseph Bertha avec son camarade de lit Buche qui lui trouvait que c’était bon de vivre dans les bois même avec un fusil de guerre dans les mains !
Oui ! mais ensuite nous revivrons les poèmes des pages exquises de l’ami Fritz !
Comme se sera bon de se promener à travers les vallons, les bosquets et les prairies avec ceux qu’on aime, ou que l’on trouvera réuni sous la lampe familiale ou encore quand on entendra la tempête déferler au dehors et que le poêle ronflera avec son ronronnement berceur ! ce sera la Paix ! ce sera bon vivre au calme…. au… calme !

Jeudi 6 août 1914

9h1/2 soir.  Journée calme !? oui calme !? En apparence ! Quand le soleil brillait les hommes passaient ! passaient vers la frontière ! Toujours la même obsession ! obsession qui vient de me reprendre, de me ressaisir, de m’agripper !
Libre seulement le soir, je suis allé à la gare pour avoir les heures des rares trains qui pourraient me conduire près de mes enfants, de ma pauvre femme, demain. Je cause à l’un et à l’autre de ces braves cheminots qui sont admirables de dévouement, et tout à coup j’entends dans la cour de la gare « La Marseillaise » chantée devant l’entrée de l’enregistrement des bagages où je me trouvais. Weiss le chef de factage me dit : « Venez voir ! » Je vais sur le trottoir au milieu des chariots abandonnés et là je vois 200 hommes petits et grands hâlés qui chantaient ! « Ce sont des hommes ! » me dit mon interlocuteur. Ils arrivent, ils ont passé la frontière pour s’engager : or touchant vraiment le sol de la France à Reims ils le saluaient de notre chant de victoire !! Il y en avait des grands et des petits… l’un de ces derniers, un gamin pas plus grand que mon André représentant 10 ans (il avait 15 ans) à qui je demandais comment il se trouvait au milieu de cette bande : « Monsieur mon frère est là qui a 20 ans et je l’ai suivi ! »

-« Que feras-tu quand il sera engagé ? ».

-« Je le suivrai, les Prussiens en tuent trop chez nous !! il faut que nous en tuions aussi des Prussiens !! »

Pauvre gosse !! Et ils étaient là chantants toujours !
Weiss rentrant à son bureau et voyant mon émotion me disait : « Vous auriez du être là à 4 h, il est arrivé une bande d’alsaciens, 800 je crois, qui venaient de là-bas et l’un des leurs me disait que sur 80 qui avaient tenté de traverser la frontière à travers la forêt il y en avait eu 35 de tués par les douaniers allemands qui tiraient sur eux comme sur des lapins ! » Sauvages ! Et malgré tout ajoutait ce malheureux transfuge il y en aura encore beaucoup d’Alsaciens qui viendront chez nous quitte à être fusillés à la frontière !!
Rentré dans la salle d’enregistrement des bagages je repasse sur le quai de la voie de la gare et je vois passer un train de wagons de marchandises (60 à 80 wagons) bondé de soldats : ceux-là venaient du Mans, ils chantaient sans fanfaronnade et ils réclamaient « la peau de Guillaume ! un employé me disait « Ils sont tous comme cela depuis 8 jours… mais M. Guédet sans bousculades et sans blague de leur part ! Vous savez si Guillaume en revient ! J’en rends mon brassard ! »
Et toujours le même calme, le même vouloir, la même simplicité de ces hommes qui vont vaincre ou mourir.
Mourir ? peut-être ? mais Vaincre ? assurément !

Mardi 11 août 1914

Un p’tit tour pour voir ses proches à Saint-Martin aux champs

2 saint martin des champs
9h1/2 matin. Je suis parti le 7 courant vendredi à 3h de Reims pour retrouver les miens à St Martin. Route longue en chemin de fer, je suis arrivé à Vitry-la-Ville vers 7h et de là à pied pour St Martin… Je suis arrêté dans Cheppes devant un barrage de voitures, il faut montrer mon sauf-conduit. A la sortie de Cheppes, au petit passage du sémaphore, vieille route, même cérémonie ainsi qu’à la barrière de St Martin. Je trouve tous les miens en bonne santé, mais sans grande nouvelle.
Les journées des 8 et 9 passent, on pêche un peu mais le 10 au matin on nous averti qu’il faudra retirer de la Rivière la barque et la rentrer chez mon Père. Cela m’ennuie car c’était une distraction pour mes enfants qui en sont un peu marris.
J’ai quitté St Martin à 3h pour prendre le train à Vitry-la-Ville à 4h.
Nous apprenons les combats de Liège et d’Altkirch et l’entrée des français à Mulhouse. J’arrive à Châlons à 4h1/2 et là on m’apprend que je n’aurai pas de train avant 7h13. Je fais les cent pas sur le quai et là je rencontre Monsieur de Quatrebarbes, de Reims qui file à St Mihiel. Lapique m’accoste et là je bavarde avec lui, M. Raynald (ancien clerc de Duval) avocat à Paris et un ami de Bar-le-Duc, M. (en blanc, non cité), tous trois membres du Conseil de Défense à Châlons. Ils m’apprennent qu’ils ont vu une dizaine de Uhlans prisonniers qui paraissaient assez ahuris, tous parlent parfaitement le français sauf un vieux territorial (landwehr sans doute), qui devait être un magistrat allemand car il ne cessait de réclamer : « Un interrogeoir ! » sans doute il demandait qu’on l’interroge et qu’on le relâche ensuite. Comptes-y : assassin ! Vandale !
En rentrant on m’apprend que je loge un officier trésorier payeur. Je ne sais pas combien de temps je l’aurai. Je ne l’ai pas encore vu.
Tout le boulevard de la République est bondé, côté des trottoirs d’automobiles (camions) de toutes marques de tous genres depuis hier soir.
4h35 soir . Les camions automobiles sont toujours là, alignés comme pour une revue face au centre de la voie, adossés (callés) contre le trottoir depuis la Porte Mars au Cirque.
Je rentre de Bazancourt où j’étais appelé par Mt Loeillot mon confrère de Boult-sur-Suippe pour une levée de scellés à l’effet de représenter des absents. Le juge de paix de Witry-les-Reims n’étant pas arrivé, je n’ai pas quitté la gare de Bazancourt et j’ai fait les cent pas avec Loeillot en attendant mon train de retour de 3h29 (j’avais quitté Reims à 2h1/4) Là je fis connaissance d’un avoué de Paris, M. Chain, 4, avenue de l’Opéra, qui comme capitaine, assure le service des étapes. Il s’embête à mourir en attendant impatiemment l’heure où il partira pour faire son service d’étapes du côté de Coblentz, Cologne, Mayence ou autre bonne Ville de la noble !, de la douce ! Allemagne ! Nous avons causé de Narcisse Thomas son ex-collègue, de Parmantier gendre et successeur d’y celui.
En revenant notre train a croisé 3 ou 4 trains de troupes avec des canons : 155 long, genre grosses pièces – tout neufs –
En descendant sur le quai de la gare de Reims, comme cela m’avait intrigué, j’aborde M. Desplas notre commissaire de surveillance traction qui m’a avoué qu’on livrait une grande bataille sur la frontière. Que Dieu protège nos soldats et leur donne la victoire sans coup férir. Nous avons tous confiance, espoir. J’ai confiance !! en la Victoire !
Demain nous le dira !

Mercredi 12 août 1914

On dit que les Allemands achevaient les blessés

8h3/4 matin. Je viens de recevoir la visite de mon sous-lieutenant trésorier-payeur, qui est de Paris dans l’administration des Postes, son Père aussi, il se nomme Brizard : 27 ans. Il pense être dirigé bientôt vers la Belgique. Il m’a dit qu’il avait vu hier un gamin de 14 ans revenant de Liège, blessé au
poignet gauche, qui lui racontait que les allemands achevaient les blessés et que dans les rues de Liège où il avait été blessé il n’avait dû le salut qu’en faisant le mort et que près de lui 2 ou 3 blessés qui avaient remués avaient été aussitôt achevés à coup de revolver. Sauvage ! Et on prend des ménagements envers les prisonniers allemands qui nous arrivent. C’est honteux on ne devrait leur donner que de la bouillie de farine d’orge ou d’avoine comme ils en donnaient à nos prisonniers en 1870, juste de quoi pour qu’ils ne meurent pas de faim. On me rapportait qu’un de ces prisonniers, officier de Uhlan, avait eu le toupet d’inviter à la chasse l’année prochaine le lieutenant français qui l’escortait. Celui-ci lui a répondu qu’il espérait bien qu’il chasserait chez lui avant sans son invitation.
8h1/2 soir. Toujours peu ou pas de nouvelles. Rencontré Fréville (notre receveur particulier des finances) au coin de la rue de l’Étape et de la rue de Talleyrand en face du Petit Paris, à qui je demandais des nouvelles de son fils qui est dans l’aviation (mais aucune nouvelle) … et en causant de choses et d’autres ayant trait à la guerre il me disait s’être trouvé quelques instants auparavant avec un Monsieur très chic qui convoie en auto des officiers généraux et qui contait qu’ami intime de notre ministre de la Guerre qu’il tutoie, M. Adolphe Messimy, venant avec un corps d’armée de l’Ouest il avait séjourné quelques heures à Paris et en avait profité pour aller serrer la main de son ami Messimy, mais aussi pour tâcher de savoir où se trouvaient ses deux fils partis sur le front et comme tous les autres dont il ignorait la région ou zone où ils étaient puisqu’ici nous ne savons même pas où sont nos régiments de garnison.
Or ce Monsieur demandait au ministre de la Guerre de lui dire tout au moins où étaient approximativement ses deux enfants. Messimy lui répondit : « Mon cher, impossible de vous le dire, mais si je vous disais par contre que d’ici 3 jours vous apprendrez une nouvelle qui vous ferait bondir de joie vous ne songeriez pas à vous inquiéter de vos enfants car s’il s’agit du succès de nos armes. » Qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? Nous le saurons dans 2 ou 3 jours.
Porté lettres à la Poste de la gare. Deux tentes sont plantées dans la cour près et en face de la salle des 3e classe (entre le buffet et l’entrée du grand Hall des billets). En revenant par la place Drouet d’Erlon j’ai vu 40 ou 42 autobus massés par quatre de la fontaine Subé à la rue St Jacques côté St Jacques (est) prêts à partir vers la gare.
Appris par dépêche mort d’Edmond Cosson un mien cousin (il ne reste plus que Charles) décédé en son village de Perthes (Hte Marne) près de St Dizier. Je l’aimais bien et puis… que de souvenirs d’enfance et de jeunesse disparaissent avec lui. C’était le bon temps où tout était soleil. Que de parties (1872-1880) de chasses, de pêches à St Martin avec Charles Cosson, Edmond Cosson, Henri Cosson. Albert Oudinot, Narcisse Thomas avoué à Paris, docteur Aluison d’Eurville etc… !! Edouard conduisait « Blonde », son cheval préféré boire au gué du moulin de St Martin et défiant au retour les deux ou trois autres qui l’accompagnaient avec leurs chevaux dans le même but. Partant au galop, arrivant comme le vent dans la cour de la maison et la « Blonde » emballée s’engouffrant avec son cavalier dans l’écurie qui, ne pensant plus à se baisser pour franchir la porte est abattu net les quatre fers en l’air dans la cour. Pas grand mal ! une bosse à la tête qui aurait du le laisser mort… Mais il était arrivé bon premier ! C’est sans doute cela qui l’avait ressuscité !
Heureux jours ! Sans soucis ! Sans tristesse! En verrai-je jamais de semblables ?

Jeudi 13 août 1914

8h1/2 soir Rien de saillant, je suis allé à Bazancourt pour une levée de scellés qui cette fois a réussie !
C’est fini de faire la fête ! il faut penser à ceux qui râlent sur la glèbe où les chaumes vers le Liseré Vert ! La Patrie est au Garde à Vous !
Elle voit le sang de ses enfants couler ! Il faut penser à la Mort ! A la grande faucheuse !

Mercredi 19 août 1914

10h1/2 matin . Je suis parti pour St Martin vendredi courant 14 à 3 heures comme d’ordinaire ; trajet insipide comme d’habitude, lenteur, arrêt de 1h1/2 à Châlons. On nous expulse de la gare. Il faut attendre notre train dehors. Arrivée à St Martin vers 8h1/2. Tout mon monde va bien. Le 15 se passe sans nouvelles. Du reste Saint Martin est d’un calme. On ne se douterait pas qu’on est en guerre. Quelle différence avec Reims ! où il y a toujours du bruit cohue sans désordre, mais fébrilité.
Je conte à mes enfants et à Madeleine que l’officier que je loge m’a dit avoir vu la nuit du 13/14 août un chasseur à pied, blessé et mutilé par les prussiens qui lui avaient coupé les deux oreilles !
Les sauvages ! il vit aussi un gamin de 15 ans avec une balle dans le poignet reçue dans les rues de Liège qui n’avait dû son salut qu’en faisant le mort, les prussiens achevant tout blessé qui avait le malheur de remuer !
Le 16 août je décide d’aller à Vitry-le-François pour tâcher de voir Fernand Laval gendre de M. Lorin des Galeries Rémoises, dont la famille est sans nouvelle.
Anne Laval (Lorin) femme de Fernand Laval, restée avec ses enfants à Cauteret est affolée de ne rien recevoir. Je prends avec moi Marie-Louise et André.
Nous partons à pied pour Songy où nous prenons le train à midi 50, arrivée à Vitry-le-François vers 1h3/4. Entrée rigoureusement gardée, on voit qu’on est au siège du Grand État-major : on le garde bien. Vitry est bondé de troupes : cavaliers surtout, même aspect que Reims comme autobus automobiles etc… qui garnissent toute la Place d’Armes.

Je me renseigne et on me dit que le 6e  bataillon territorial du Génie, la 47e Compagnie dont fait partie Fernand Laval comme maréchal des Logis est caserné à la caserne Lefol près des Halles. J’y arrive et voit Fernand qui me montre la flottille de péniches (40) amarrées à quelques mètres de là sur le canal et dont il commande une des unités. Il doit au premier ordre partir avec son peloton et 4 chevaux, à vide, vers une ambulance du front pour prendre un chargement de blessés qui sera fait et organisé par les infirmiers de la Croix Rouge de l’hôpital évacué, et revenir à un point intérieur qu’on doit lui indiquer à ce moment-là seulement. Je vois M. Maurice Gosset 24, rue des Templiers. Tous deux me donnent des lettres pour les leurs.

Le général Joffre au collège de Vitry

joffre
Joffre

J’apprends que le drapeau du 132ème allemand a été apporté par le chasseur à pied qui l’a pris en automobile du front pour le remettre au Général Joffre. Celui-ci est installé avec son état-major au Collège de Vitry, place Royer Collard ; cette place au pied de l’église Notre Dame de Vitry est gardée militairement et encombrée d’automobiles de luxe pour le service du général et de son état-major qui a aussi près de lui des officiers du Grand État-major Belge, Anglais et Russe. Mes deux enfants ont été enchantés de rencontrer dans les rues des ordonnances et des officiers anglais et russes ainsi que des Cosaques. La T.S.F. est installée sur les tours de l’Église et reliée par téléphone au Collège. Le Général Joffre sort peu et ne se transporte qu’en auto. Il se promène quelques fois sur les routes de Vitry vers les Indes, route de Châlons (vers Loisy et St Martin) il est précédé de deux gendarmes, révolver au poing, et suivi de 2 autres gendarmes également au garde à vous, accompagné de deux ou trois de ses officiers armés et de deux ou trois agents de la sûreté armés d’un révolver.
Nous revenons vers 4 h sans encombre.
Je reviens ici mardi 18 après-midi après avoir remis la barque à flot pour mes enfants qui en étaient bien privés, il suffisait seulement qu’elle fut cadenassée et dissimulée dans les herbes ou sous des (arbres) saules et non rentrée dans les habitations.
En rentrant ici même aspect de la ville, mon payeur est toujours là ! Je vois les Lorin, Laval, donne des nouvelles. Vu hier soir Mareschal et sa femme ; on cause toujours sur le même sujet la Guerre. Maurice Mareschal me dit qu’il y a à l’Hôpital Mencière rue de Courlancy où il est affecté comme officier intendant des blessés français, la plupart aux jambes. Un sergent lui disait que les Allemands tiraient trop bas et que leurs balles plus petites que la notre faisait ses blessures rarement graves, par contre la notre cause dans l’organisme des désordres terribles et les blessures sont toutes très graves. Notre supériorité de plus sur ces sauvages avec notre artillerie de 75. Gare à eux. Je crois qu’ils s’en rendaient très bien compte car ils se sauvent aussitôt, et nous aussi nous nous rendons compte de notre supériorité. Les rôles sont changés depuis 1870.

Jeudi 20 août 1914

9h soir.  Toujours le vide, le silence, sur ce qui se passe à la frontière et en Belgique !
On dit ce soir que : 1) les prussiens (les sauvages) ont passés la Meuse entre Liège et Namur (c’est possible) 2) qu’ils ont pris Bruxelles !! (c’est moins possible).
3) que Pie X est mort, çà ? cela se pourrait. Attendons à demain ! les uns ne considèrent cela que comme un évènement secondaire, tout en s’écriant : à cette fois si cette vielle ganache de FrançoisJoseph veut mettre son veto ! J’espère bien que nos cardinaux le mettront dans leurs poches et s’assiéront dessus en disant allez f…tez nous la paix, vieille canaille !
Les autres et de nos amis (Heidsieck, Mareschal) trouvent que c’est un trait de la Providence qui permettre, l’Italie restant neutre, pour le moment, aux cardinaux de se réunir facilement pour le Conclave et nommer un Pape ! soit !! mais, ma foi ! j’aimerai plutôt mieux que l’Italie déclare de suite la guerre à l’Autriche et se mette avec nous. Foin du Pape ! (Dieu me pardonne !) mais : « Un bon tient vaut mieux que deux tu l’auras ! » et une bonne frottée aux autrichiens par les italiens ! me plairait bien mieux tout de suite que dans un mois et puis après nos vénérés cardinaux auraient toujours le temps de nommer un successeur à Jésus-Christ qui peut très bien lui se passer d’un vicaire en ce bas Monde pendant quelques temps, tout en nous donnant la Victoire. La Fille aînée de l’Église (la France) a besoin de Dieu et peut à mon humble avis, se passer de son Représentant sur terre pendant quelques mois pour faire éclater la Justice contre la Force et la Fourberie et nous permettre de battre à plates coutures les germains et le protestantisme !
Déjeunant ce matin chez mon bon ami Maurice Mareschal avec le curé de la Cathédrale Monsieur l’abbé Landrieux nous sommes venus à parler, dans la conversation, des fêtes de nuit du parc Pommery (parc des sports) qui ont été données au commencement de juillet 1914 et ce dernier faisait un rapprochement des ces fêtes, réminiscence des grecs et de la décadence avec les événements qui nous troublent et inquiètent actuellement. Lui comme moi disait : Que ces fêtes ou des femmes du monde (la haute bourgeoisie de Reims) n’avaient pas craint de se montrer à peine vêtues au public, à la masse du peuple, étaient à son point de vue, le dernier défi donné à Dieu et presque une provocation au châtiment qui, quelques jours, quelques heures plutôt, après devait fondre sur nous. « La guerre ! avec ses suites ! et ses conséquences !
Oui ! J’ai, moi aussi, à ce moment-là réprouvé ces saturnales ? (oh ! le mot paraîtrait due à tous nos petits snobs d’alors !) mais je voudrais dire : N’intriguons pas !! saturnales ? Traduisez-le en Grec et vous serez satisfaits, car le mot n’aura changé que de costume ou de fard et il n’y aura que la différence qui existait jadis entre les romains et les grecs !! Plus délicats, ceux-ci que ceux-là ! plus raffinés ! plus fins ! soit ! mais tout aussi pervers ! par suite, plus coupables devant le Monde ! devant l’Histoire ! A cela il fallait le châtiment ! La Rafale ! qui courbât tous ces fronts étroits de nos snobs efféminés ! Allons Mesdames ! Faites des Grâces ! Dansez ! Faites des effets de jambes ! de torses ! Minaudez ! Livrez-vous aux regards de la populace ! Vos mâles (maris) sont à la frontière !!

Vendredi 21 août 1914

9h soir. Grande nouvelle !? Désespoir des uns ! Calme des autres ! Je suis de ces derniers. Bruxelles est occupé pris ? par les allemands ! C’est une défaite pour nous, une victoire pour eux !! Et pourquoi ?
Ne nous emballons pas inutilement ! Je ne suis en aucune façon grand clerc en stratégie ou tactique ! mais il me semble qu’il n’y ait pas lieu de se désoler. Quoi ? les allemands sont entrés à Bruxelles ? L’ont-ils prise de vive force ? non ! Alors où y a-t-il eu défaite ? Comment on se retire même très vite pour leur laisser la place libre. Où est la grande victoire allemande ? Nulle part ; et à mon humble avis j’estime qu’en ce moment nos sauvages sont en train de s’embouteiller. On les canalise, voilà tout ! Ils passent où nous voulons qu’ils passent. On leur a ouvert la porte et comme des imbéciles ils se sont précipités pour enfoncer la……porte ouverte !!
Nous verrons la suite, mais je crois bien que Messieurs les prussiens vont se faire flanquer une pilée magistrale dont on garde le souvenir pour toujours. Nos bons belges, d’Anvers, vont leur tomber sur le flanc droit au moment où ils vont faire leur conversion à gauche ; c’est très dangereux cela ! Quand les anglais « Aoh ! Yes ! » leur tiendront tête et nous les français nous leur tomberons dessus du côté gauche (côté du cœur) et on les coupera en deux. Le tronçon de tête sera flanqué à la mer via Ostende, on fera de la soupe de prussiens ! un peu salée pour eux ! quant à la queue…eh bien ? nous la mangerons ! ou la culbuterons sur le Rhin. Je ne crois pas me tromper et espère bien que je suis bon prophète !

Mardi 25 août 1914

10h soir.  Je suis rentré de St Martin avec Robert à 5 h soir. Partis à 9 h de St Martin, pris train Vitry-laVille 10h, arrivés Châlons 10h3/4 rencontrés des trains de blessés venant du Nord. Attendu dans Châlons de 11h à 1h. Déambulé dans les rues et acheté journaux nous annonçant retraite sur nos
lignes de défense, défection des bataillons du midi, qu’on aurait du fusiller séance tenante sans jugement (il parait cependant qu’on a fait des exemples) Partis de Châlons à 1h1/2 pour Reims, après avoir fait voir à Robert certains coins pittoresques de cette vielle ville que j’aime et si poétique dans sa mélancolie de vieille cité de champagne pouilleuse. Passé devant l’École des Arts, dont a fait partie mon grand-père qui lui a fait le coup de feu dans les rues de Châlons comme Artiste en 1814 contre les russes.
Arrivés à Reims à 5 h après avoir attendu 1h au pont Huet le droit d’arriver à la gare. A Saint-Hilaireau-Temple invasion de transfuges de Sedan, d’Étain, geignards mais peu intéressants. Ce sont ces gens-là qui démoralisent et font courir de faux bruits.
Reims a un aspect moins ferme qu’à mon départ, nervosité et affolement, pourquoi ? « Mais hier soir, Monsieur ! Un Zeppelin ! a survolé Reims pour la bombarder ! » Conclusion on avait tiré avec nos mitrailleuses sur un dirigeable français malgré les signaux de reconnaissance : trois blessés et peut-être destruction du dirigeable !! mais mutisme sur toute la ligne !
On perd la tête quoi. Autre histoire, vraie, celle-là. Le 132e serait décimé, on le reforme à Troyes d’où il est refoulé ! 1.000 hommes.
A la gare je me cogne dans le Beau-Père et cri du cœur… non du ventre ! Sans dire bonjour : « Ah Marthe a les Boileau ?? (qu’é qu’c’est q’çà ?) à dîner et elle vous invite à dîner avec eux ! » Je l’envoie bouillir !!
Comment, son mari, à cette petite pimbèche amorale, est parti avec son train sanitaire sur le front où, mon Dieu il peut attraper un accroc. C’est peu probable, mais cela peut arriver. Et la turlurette invite à dîner des amis et connaissances !! Il faut se distraire… repriser un peu la vie triste et si peu agréable par ces temps ! C’est honteux… penser à dîner, à inviter des étrangers quand on meurt et souffre à la Bataille !! Dieu y a-t-il une justice qui cingle les pécores de cette espèce !!
Le Beau-Père n’est pas encore revenu de mon refus !! Comment refuser sa proposition ?! refuser une si belle occasion de se remplir le ventre !! et… de rire un peu !! on a si peu de distractions ! C’est si triste la Guerre !
Ilote ! Va ! vieux cochon Porc !! et Lâche !!! comme son fils du reste… J’en reparlerai demain !! (Ilote : esclave, sens péjoratif)

Mercredi 26 août 1914

« Les Rémois sont des peureux et des idiots… »

11h soir. Journée déprimante. Tout le monde est affolé et se rue vers la gare pour se sauver. On ne connait plus rien, plus personne. On se sauve pour sauver… sa chère petite peau !! si ce n’était triste et écœurant… ce serait très drôle. Là on juge et on jauge les bravoures !! Les noblesses de cœur !!
Toute la sainte et haute séquelle quoi !! s’enfuit, non pas vers la frontière non ! mais vers les plages agréables de l’ouest. Là on pourra parader, raconter ses hauts faits lire avec de petits frissons, si agréables quand on est bien à couvert et à l’abri des coups, lire dis-je les horreurs de la guerre, les incendies, les pillages, les assassinats… les mutilations surtout de ces bons diables de rémois qui ont été assez vernis (parce qu’ils n’ont pas eu les moyens ou encore parce qu’ils ont estimé que leur devoir était de rester là) de ne pas faire… tête….. non dos à l’ennemi. Ah ! que ce sera charmant de se retrouver dans quelques mois et de reprendre ses petits potins et papotages d’antan… Ma chère ! Ma Mignonne oh ! ah ! que nous avons été malheureuses !! nous n’avons même pas pu avoir du champagne dans la plage où nous étions. il n’y avait personne à voir ou à recevoir. Pas de viande tendre, pas de beaux turbots… Oh ! que nous avons soufferts ! Pas de nouvelles ! etc etc… Et ensuite par remord de conscience, oh ! si peu ! Et Mr X ? et Mr Z Mr B ? M.M.D et R, ces jeunes gens si biens ?….  Morts, morts, tués, blessés ! oh que c’est malheureux ! Vraiment ce n’est pas de chance, et patati et patata ! Oui mais notre petite peau est bien fraîche ! bien rondelette et surtout pas trouée par ces petites balles de mitrailleuses qui sont si gentilles à voir.
Malédiction sur ces gens là ! C’est tout ce que je puis dire !! Quand on a passé une journée comme celle que je viens de passer au milieu de tous ces affolés !
Et cependant je ne puis croire que Reims sera occupé. Que nous n’aurons pas la Victoire !! C’est une obsession pour moi, nous devons être victorieux d’ici quelques jours !
A midi le fils Eydoux, de Besançon, me fait dire par un sergent du 132ème qu’il est là au buffet de Reims avec son auto conduisant le général Bonneau à qui on vient de retirer son commandement après ses fautes en Haute-Alsace où il a laissé décimer ses troupes à Dornach. J’y cours et je vois ce brave garçon qui est plein d’espoir et me quitte en me confiant un casque du 99 ème allemand et une épée ramassée sous les feux de Dornach. A côté de lui un lieutenant-colonel me dit : « Vos rémois sont bien affolés. Ce sont des imbéciles ! » « Je quitte le Général Joffre et tout est à l’espoir au succès pour lui et son entourage !! »
-Je lui réponds « Colonel je suis de votre avis, les Rémois sont des peureux et des idiots, moi aussi j’ai confiance et espoir ! Dieu nous entende ! »

Jeudi 27 août 1914

Les Mareschal partent demain, rien à leur dire !! Mais la petite femme est plus crâne que le mari. Pauvre et bon ami… il est Rémois aussi celui-là. C’est dans le sang. Dans l’air quoi… Je serais curieux si j’en avais le temps de prendre le Matot (NDR :Bottin rémois) pour relever la liste de toute cette noble clique qui a fait dans ses culottes (mâles ou femelles) tous ces 3/4 jours-ci. Toute la noble Gent ! a foutu le camp, et à Paris a pris pour le départ des plages agréables et suivi les numéros de trains comme on prend des numéros d’omnibus !! Mme Blondeau et sa séquelle, Mme Émile Charbonneaux 2e séquelle n’ont des numéros que pour après-demain. Ce qu’elles doivent… fuir… dans leurs dentelles… ou leurs maillots (à toi Polignac dit Parc des sports nuit de juillet !)
Ces noblesses-là… Putains ! va ! ces dames font dans leurs dentelles !! Çà sent très bon, dit-on !

9h1/2 soir . Je ne voudrais pas recommencer une journée semblable à celle-ci et aussi déprimante. Tout le monde se sauve, tout le monde fait (dans ses culottes!) Déjeuné avec Robert chez mon noble Beau-Père qui cale de plus en plus, c’est çà la pierre ! NDR: (Maladie de la pierre, calculs dans les reins ou les voies urinaires).Dans la journée bruits !! racontars ! Tant qu’on veut.

9h1/2 soir.  Je ne voudrais pas recommencer une journée semblable à celle-ci et aussi déprimante. Tout le monde se sauve, tout le monde fait (dans ses culottes) !
A 11h3/4 je trouve la rue Thiers qui était noire de monde, d’émigrants, peuple peu intéressant qu’enfin on évacuait dehors au diable ! on ne se figure pas ce que ces gens (intéressants peut-être) ont fait de mal ici au point de vue moral. On comprend ce que peut la panique de la foule bête ! veule ! Bon débarras ! Ce soir mon jeune lieutenant du Trésor me quitte pour Noisy-le-Sec. Très gentil, très crâne le petit Brizard ? très doux ! il m’apprend que notre 11e corps a décimé et mis en déroute le XXIe corps allemand vers Sedan. Souhaitons que le reste de nos troupes ait fait d’aussi bon ouvrage ! Certainement on a cédé à une panique depuis le 20 août… C’est terrible et honteux mais aussi bien angoissant et il faut se cuirasser le cœur trois fois pour résister à de telles dépressions !
Les Mareschal partent demain, rien à leur dire !

Vendredi 28 août 1914

8h1/2 matin . Le matin passe devant chez moi une compagnie du 161e qui va rendre les honneurs à un général mort des suites de ses blessures à la clinique Roussel, rue Noël, 9.
Les nouvelles paraissent rassurantes ce matin sur toute la ligne, mais que la journée d’hier et celles précédentes avec tous ces fuyards ont été angoissantes. Il m’a fallu hier plus de courage que tout ce que j’en ai mis depuis l’ouverture des hostilités.

dirigeable
Le dirigeable « Dupuy-de-Lôme »

Depuis la fusillade de dirigeable « Dupuy-de-Lôme » qui est réparable, mais on a déploré la mort du lieutenant aviateur Jourdan qui était un pilote de grande valeur. Bref dans cette affaire tout le monde a perdu la tête depuis les chefs jusqu’au dernier pioupiou. Il parait que tous les habitants étaient descendus dans les rues à peine vêtus et tout cela a déclenché la panique d’autant plus que tous les fuyards et transfuges des campagnes occupées par les belligérants ont accentués cette panique. Il est fort regrettable que toute cette foule, je devrais dire « tourbe » car peu m’ont paru intéressants de ces fuyards, n’ait pas dès son débarquement à Reims été parquée au fur et à mesure de leur arrivée dans des usines et éloignée de tout contact avec notre population et ensuite canalisée, évacuée militairement dans le centre de la France. On aurait évité cet affolement des habitants de la ville de toutes classes, ce qui n’était pas encore arrivé à ce point depuis la déclaration de la guerre. Bref nous sommes débarrassés de tous ces fuyards, geignards, pleurards, ainsi que des peureux et froussards de notre cité. Bon débarras !
Pour revenir à cette malheureuse erreur de dimanche soir : je suis surpris, attendu que les prussiens abusant toujours comme cela a toujours été chez eux (1870, 1813, etc…) de nos couleurs et ne se gênant pas pour peindre notre cocarde tricolore sur leurs avions, je suis surpris dis-je que l’État major ne décide pas que nos avions devront porter (en outre de la cocarde tricolore sous les ailes) une flamme de guerre de diverses couleurs qui, comme le mot d’ordre, changerait chaque jour. On éviterait ainsi de fatales erreurs et il y aurait beaucoup de chance que les sauvages arrivent à en deviner le roulement journalier de longtemps.

(1)Les inter titres et les illustrations ont été rajoutés par nos soins

(2) Carnets du Rémois Louis Guédet (1-4 septembre 1914)

Mardi 1er septembre 1914 9h1/2 soir.-Samedi et la veille vendredi exode toujours déprimante des émigrés qui fuient l’Invasion. Mais pourquoi donc ne pas parquer ces gens-là ! Je pars avec Robert à St Martin vers 3h. Bousculade, empilade ! Et mauvaises nouvelles à l’horizon… Nous attendons 3 heures à Châlons. Pas de nouvelles intéressantes. Avant de partir j’avais donné l’ordre à Heckel mon caissier de m’envoyer une dépêche au cas où l’armée allemande progresserait vers Reims afin que je puisse revenir à mon Poste. Durant le trajet de Reims à Châlons nous avons voyagé avec la femme d’un officier d’artillerie de La Fère qui disait que les Prussiens avançaient fortement de ce côté. La Coulée de l’Oise sur Paris. Arrivons à St Martin vers 8h. Tout mon petit monde va bien. Ma pauvre femme s’inquiète. Nous causons le soir de ce qu’il faudrait faire en cas d’invasion sur Reims et Châlons. Je n’hésite pas : Fuir avec ses 5 enfants vers Granville (Manche) chez les Paul Bataille, par Vitry-le-François, Troyes, Orléans, puis de là vers Granville. Le dimanche matin nous envoyons une dépêche pour demander à Berthe Bataille si elle reste à Granville. Nous recevons réponse lundi que « nos lits sont prêts ». Dimanche pas de nouvelles d’Heckel ! Lundi matin vers 8h j’entends le canon pendant une heure, cela m’inquiète. Ma pauvre Madeleine croit que ce sont des exercices de tirs du camp de Châlons. Je la laisse dans cette croyance mais la suite me dit que je ne me trompais pas. On approchait de Reims et de Rethel. Journée lourde de chaleur, du reste comme depuis l’ouverture des hostilités ! A 2h1/2 dépêche d’Heckel : « Revenez d’urgence avec famille » Affolement de ma femme et angoisse des enfants qui sentent qu’une heure grave approche peut-être. La fuite éperdue… vers l’inconnu. Je les quitte pour prendre le train. C’est peut-être la dernière fois que je les vois… d’ici longtemps. Madeleine pleure, mes petits m’embrassent avec des yeux apeurés… ils ne comprennent plus… ils ne comprennent pas… si ils comprennent qu’il se passe quelque chose qui fait le vide devant eux. Jean et Robert m’accompagnent jusqu’à Châlons « aux nouvelles ». A Vitry-la-Ville, mauvaise impression des Gendarmes qui sont avertis de se tenir prêts à partir. A Châlons semblant de meilleures nouvelles, je rembarque mes 2 grands à 6h11 en leur recommandant leur Mère et les 3 petits. Le calme et d’attendre de mes nouvelles. Je pars de Châlons plus calme à 7h13, nous arrivons à 10h1/2. Reims morne est là, j’apprends que le canon a tonné près de Rethel et Vouziers et même vers Tagnon. 17 Affolement, débandade, panique de toute la « Gentry » Rémoise. (Deux lignes de rayées) malgré les instructions… (rayé) Maaaarrrccelle ! son lâche de mari) avec toute sa smala et 4 domestiques !!!… C’est peu pour une Duchesse de son acabit. Et comme on a ouvert (cambriolé) une dépêche de Berthe Bataille qui disait à Madeleine de venir, on s’est empressé de prendre l’invitation pour soi ! Elle est de plus en plus complète, ma petite bécasse de belle-sœur. Adieu j’espère et bon débarras !! Bon voyage ! (Marthe Benoiston, épouse de Marcel Bataille (1884-1972)) Ce matin 1er septembre, nouvelles plutôt lugubres, on me dit tout ce qui s’est passé ici : une débandade de 10/15 000 nobles Rémois me dit-on. Les dames de la Croix-Rouge et non des moindres ! Mmes Werlé, Pierre de la Morinerie. Toute la noble séquelle. Ce soir des nouvelles plus calmes… mais encore peu rassurantes. Quelle journée !! Je commence à me décourager, surtout quand je me pose la question de savoir si je dois faire partir les miens à Granville. J’ai envoyé une dépêche pour dire d’attendre, mais de se tenir prêt. Bref ! J’ai souffert terriblement de cette incertitude. Que sera demain ?! Mon désir est de patienter jusqu’à la toute extrémité, car déclencher le mouvement de départ de mon petit monde et 2 jours après apprendre la Victoire !! Quel point d’interrogation ! Quelles angoisses !! Que sera demain ?? Toutefois notre droite dirigée par le Général Pau qui était à Tagnon hier soir encore a refoulé, bousculé les Prussiens, mais ceux-ci glissent toujours sur notre gauche sans pouvoir nous tourner, tout en progressant vers Laon… Soissons… vers Paris !! Mouvement très curieux s’il est voulu de nos chefs !! qui s’il s’orientait selon leurs vues amènerait l’acculement des allemands sur Paris et leur encerclement. Alors ?? (Raisonnement enfin compris par l’État-major allemand et qui aboutira à leur retraite précipitée…) Attendons ! Demain nous dira si c’est un Sedan allemand qui se prépare !! Quel anniversaire tragique. Pour ce pauvre Wilhem !! le Petit, le Klein !!

Mercredi 2 septembre 1914 9h1/4 soir .-Oh ! L’horrible journée !! Ce matin, après une nuit plutôt douloureuse, il me fallait prendre une détermination pour faire partir ma femme et mes enfants, tout ce qui m’est cher !!, nouvelles des journaux rassurantes. Je me dis j’ai le temps ! pour envoyer une dépêche… on se tient. Vers 8h je descends dans mon cabinet et je sonne le téléphone pour téléphoner à Maurice Mareschal pour lui dire que j’ai les fonds de l’oncle Césaire et que je vais les envoyer. Pas de réponse !! Je resonne, rien, c’est grave me dis-je. Je saute à la Poste pour voir si je pourrais télégraphier ce qu’il y a, accident d’appareil ou… quoi ??… Hélas ! Je demande : « Puis-je envoyer une dépêche ? » Un soldat surgit du guichet du télégraphe au lieu de l’employé ordinaire de service, et me dit : « Plus de dépêche depuis 1h ». Vraiment ! Je m’impressionne devant cette réponse. Que faire ? Je saute chez le Beau-père qui se purgeait, il avait bien choisi le moment !, je lui dis que je ne puis plus prévenir Madeleine de partir pour Granville (Manche) et que je vais aviser. Lui, vautré sur son lit me dit : il ne faut pas vous émotionner !! J’te crois !! 18 Je file sur le boulevard de la République de la rue des Consuls en me disant que faire ? Aller à la Gare pour trouver quelqu’un qui aille à Châlons et obtenir de lui de prévenir ma pauvre femme et mes pauvres enfants. Quand j’aperçois Mt Chappe avocat, adjoint au Maire de Reims qui descend d’une auto en face de chez lui. Je l’agrippe et lui dit « Impossible de télégraphier à ma femme de partir loin des lignes de combats : connaissez-vous un moyen ? » D’un geste las ! il me dit : « Rien à faire, mais Georges Théron est là dans son auto qui vient de me conduire ici. Il part pour Châlons, demandez-lui ce qu’il peut faire ». D’un bond je suis sur mon G. Théron et lui dit à brûle-pourpoint : « Ma femme et mes enfants sont entre Châlons et Vitry-le-François, j’arrive de la Poste pour leur télégraphier de partir à Granville se mettre en sécurité. Impossible ! Chappe me dit que peut-être vous pourriez m’être utile dans l’occurrence. « Pouvez-vous ??? !!! » – « Tout ce que vous voudrez M. Guédet, écrivez-moi ce que je dois dire, à Châlons je télégraphierai à Mme Guédet. De toute façon je lui ferai parvenir votre dépêche, ne vous inquiétez pas ! Je vous le promets ». Le temps de griffonner cette dépêche sur une carte de visite « Mme Louis Guédet St Martin-aux-Champs par Vitry-la-Ville (Marne). Pars d’urgence Granville Guédet » – « Adieu M. Guédet, je vous le promets » Oui je suis sûr qu’il fera l’impossible pour prévenir ma pauvre femme !! Dieu ! c’est l’exode !! que j’ai déclenché. Pauvres miens ! après ce que j’ai vu ici !! Oh ! que mon pauvre cœur saigne !! Je le quitte sur une poignée de main, un sanglot et je file sur la clinique Mencière où est Mareschal qui y est encore. Je cours et je me cogne dans lui au pont tournant de la rue de Vesle. Je lui dis mon inquiétude et sur sa réponse de ne pouvoir rien télégraphier parce que militaire, il ajoute : « J’emmène Jacques. Eh ! bien ce que tu ne peux faire Jacques le fera ! » (Jacques Wagener son chauffeur) Oui entendu ! un flot de fuyards et puis Mareschal disparu… Le reverrai-je ? Lui sera vivant après la guerre ! mais moi, le serai-je ? Si on brûle Reims. Déjeuner chez les Peltereau avec Charles Heidsieck (Déjeuner que j’ai accepté malgré les impairs du confrère naguère !!)… Déjeuner insignifiant comme intérêt. Peltereau est déprimé. Sa femme aussi chatte, qui en résumé trouve que c’est une belle occasion de rester ici à son Poste (son mari) parce qu’on espère bien que par la suite… on vous en saura gré !!!??? C’est colossal comme disait ces bons allemands ! Nous prenons le café dans le jardin, et là 3 coups de canon !!! Madame (Peltereau) blanchit, Monsieur (Peltereau) verdit. Moi et Charles Heidsieck nous nous disons : « çà y est ». Nous disons : « çà y est » on faisait sauter les ponts et rails etc… Givelet nous arrive de Courcy, fort impressionné… Tout cela me fait voir bien des intrigues… notariales !! L’avenir nous dira le reste. Marche, mon cher confrère, combien ! sous le canon tu n’en n’es pas plus brave !! Mercant ! Va ! Oui Mercant… mais Notaire : jamais !! Depuis la déclaration de Guerre je me suis sacrifié, éreinté ! pour les autres !! Quand j’aurais pu tout aussi rester avec mes pauvres Petits et ma femme pour jouir ces dernières heures que je les ai vus, mais loin de moi le soupçon d’une pensée de lucre dans ce que j’ai fait… Noblesse oblige !! mais l’autre pense autrement !! çà ne m’étonne pas. Dieu jugera !! et j’espère en voir les résultats et les résultants… La Guerre n’empêche pas les affaires !!! Dieu !! Je n’ai pas de révolte suffisante pour ce genre d’opération, quand la France râle peut-être… déjà !! sous l’étreinte des Soudards Germains. Je rentre au son (non du canon) mais des ponts et rails qui sautent et je descends mes minutes (20 ans) à la cave. Fièvre, agitation etc… Heckel, Millet et mes deux petits clercs (en blanc, non cités), forts dévoués simplement. Cela repose des… problèmes élaborés par M. Peltereau (de) Villeneuve !!!! Le soir je fais le tour des promenades avec Léon Collet après avoir expédié au cirque 19 armes et cartouches. Les reverrai-je jamais !! adieu mes vieux compagnons de chasse, adieu mes poudres T !! (Poudres de chasse mises en vente à partir de l’année 1900) C’est dur ! Léon Collet, dis-je, est fort inquiet mais ferme, nous causons comme on peut causer quand on sent l’ennemi qui vous guette. Serons-nous mangés à la croque au sel… ou au vinaigre. Là est toute la question. Je rentre pour dîner. L’appétit n’y est guère, que nous donnera la nuit ? Demain ? Nous sommes entourés par les troupes du Général Pau. Que le Dieu de la justice, du droit et des armées nous sauve ! il est temps ! grand temps !! Mais se que je souffre ! où sont mes aimés, ma femme, mes chers petits. Dire que je suis là à écrire !! Quel toit les abrite maintenant !! Quelle angoisse ! quel cauchemar pour oreiller ! J’ai souffert en 1870 – 71 à 8 ans. Mon Dieu pourquoi m’imposer cette souffrance à 52 ans !! Voir deux Guerres dans sa vie c’est trop !! ou alors quelle récompense donnerez-vous à nos chers Miens !! Pauvre femme, pauvres petits ! Que je souffre !! Ces coups de mine ou de canon m’entrent dans le cœur, et chaque coup résonne, et combien plus fort en mon cœur de vieillard qu’en mon cœur de 8 ans !! Quel souvenir, quelle impression à 44 ans de distance !! C’est le même choc sourd, mais plus douloureux puisqu’il est doublé du souvenir d’enfance et de l’angoisse de l’absence des miens, de l’isolement. Je suis seul !! seul !! avec les soucis de mes chers petits et de ma femme en plus en 44 ans de distance. Comment craindrai-je les shrapnels allemands, le bombardement, l’incendie, le pillage. Je suis seul !! seul !! 10h1/2 soir Quelle nuit calme ! Il me semble entendre des coups sourds ! Est-ce le canon ou le battement de cœur de nos soldats qui nous entourent ? et qui veillent !? Oh ! un coup de canon !? qu’est-ce ? à cette heure ??! Non ce doit être un coup de mine qui fait sauter un pont… Que sera le réveil ? …Demain ?… …Demain ?!…

Jeudi 3 septembre 1914 5h soir .-Demain ? c’est la reddition ! la capitulation ! Reims est considérée comme Ville ouverte et les allemands entreront demain dans la Ville. Moyennant 25 millions, parait-il, on rendra à la Ville sa vie normale !! Je ne puis en écrire plus ! 9h soir Et mes pauvres petits et ma pauvre femme ?? Sont-ils partis ou non ? Quelle angoisse, surtout après avoir vu les exodes des jours passés, que je souffre ! Tous les postes abandonnés hier. La gare ce matin était lugubre, plus rien, toutes portes fermées et grilles de la cour fermées, plus un wagon ! que c’était morne, et je ne savais pas le reste ! Ce soir à 8 heures, réunion du conseil municipal, que va-t-il se passer ? Oh ! nos Rémois sont si braves !! Une bombe jetée rue Hincmar par un « Taube » a suffi pour les agenouiller, non les aplatir !! Ils diront : Raison, sagesse, prudence et surtout négoce : juifs ! va !! Du reste les Rémois ont toujours été comme cela depuis César jusqu’à nos jours en passant par la Guerre de cent ans et 1814 (voyez A.Dry) (Reims en 1814 pendant l’invasion, par A.Dry, Plon 1902) !! J’entends encore quelques coups de canon du côté d’Ormes et Bezannes, (la capitale des Bataille). Les Prussiens ont tourné la ville et ils refoulent nos troupes, qui se sont volatilisées ! En somme depuis hier matin nous n’avons pas vu un soldat, français ou prussien !! C’est singulier ! 20 Je me demande ce que le Beau-Père va me sortir de sa réunion du Conseil Municipal de ce soir. Il trouvera cela très bien, sa peau ni sont ventre ne seront crevés. Et sa bonne bourse pas trop ébréchée. A quand le Champagne offert par lui à nos bons allemands ? Ce que je vais entendre de lui et d’autres Nobles Rémois dont les femmes sont si braves !! Ce sera curieux, oui, mais surtout fort triste. On aura évité le pillage, l’incendie etc… soit !… mais la France ne vaut, ne vaut-elle pas mieux qu’une Rançon de 25 millions ? Avec ces 25 millions Reims aurait pu facilement à mon avis panser ses blessures et relever ses ruines !! Mercants !! Mercants !! (marchands avec un sens péjoratif) disais-je. Non. La Bédite Gommerce ! Y compris le Beau-Père. Peu lui chaud que sa fille, ma pauvre Madeleine, soit dans le flot de l’exode avec ses 5 petits !!! Vieux lâche, vieux ladre. Vieux banquier Juif de Frankfort an der Main !! Il a sauvé sa peau, cela suffit ! Malédiction sur lui et son lâche de fils. Le Directeur de la Pièce humide, ce qu’il a dû faire dans ses culottes quand il lui a fallu chercher des blessés à 25 kilomètres s’il vous plait de la ligne de feu, mais aussi il a fuit aussitôt vers Montereau, pourquoi pas au-delà des Pyrénées. Et mes pauvres petits, et ma pauvre femme qui sont sur les chemins. Oh ! Quel cauchemar !! J’aurais préféré être bombardé, tué par un shrapnel allemand. Ce qui ne serait pas du goût des Rémois !! Oui, chacun son goût !! L’Honneur ou l’argent, quoi ! Les Rémois n’ont pas hésité !! Vous n’en doutez pas !

Reims: vendredi 26 janvier conférence d’Hervé Paul à propos du Dr Langlet

Vendredi 26 janvier à 19 heures à l’hôtel de ville, Hervé Paul parlera sur le thème  « Le docteur Langlet »

Le docteur Jean-Baptiste Langlet (1841-1927) héroïque maire de Reims pendant la première guerre mondiale est un médecin et un homme politique rémois hors du commun. Son attitude pendant la Grande Guerre dans sa ville bombardée à outrance pendant 1 051 jours est à l’origine d’une aura qui a magnifié une déjà longue carrière.

Hervé Paul est l’auteur d’une biographie intitulée: « Le docteur Jean-Baptiste Langlet (1841-1927) parue aux Editions  Defg.

Vendredi 26 janvier à 19 heures dans les salons Mars de l’hôtel de ville de Reims. Entrée gratuite.

 

27 février à Reims: découverte de l’artisanat des tranchées pour les 8-12 ans

 

A l’occasion des vacances de Février, la ville de Reims organise au Fort de la Pompelle une animation gratuite, (mais sur réservation obligatoire)  à l’intention des enfants de 8 à 12 ans sur l’artisanat des tranchées.

Contact / Réservation

Organisateur : Musée du Fort de la Pompelle

Téléphone : 03 26 35 36 91

site web : http://musees.reims.fr

Tarifs

Tarif enfant : 2 €