Les prophéties qui fleurissent un peu partout dans la presse, comme ici dans Le Figaro du 6 novembre 1917, sont le reflet d’un espoir permanent d’une prochaine victoire chez tous les belligérants de la Grande Guerre.
«Une prophétie de plus sur la date de la paix, vient de voir le jour en Angleterre. Elle est très à la mode chez nos amis et prouve au moins n’est-ce pas beaucoup déjà? quelle confiante admiration les Anglais ont en leur chef. Prenez chaque lettre du nom de Haig et indiquez par un chiffre leur place dans l’alphabet, vous obtiendrez la combinaison suivante:
H = 8è lettre, A = 4è lettre, I = 9è lettre, G = 7è lettre soit 8197, qui, renversé, donne 7918.
La guerre finira donc le 7/9 1918 soit le 7 septembre de l’année qui vient.» écrit Le Figaro du 6 novembre 1917.
1 / Référence : SPA 150 R 5116 Ham, Somme, devant l’église Saint-Charles. 07/09/1918, opérateur Edmond Famechon.
Le lieutenant- colonel Maurel, chef de corps du 125e régiment d’infanterie pose en compagnie de ses adjoints devant l’église de Ham. Le régiment libère la ville le 6 septembre 1918. À ses pieds se trouve le coq tombé du clocher de l’église qu’il a fallu, lors de l’occupation allemande, transformer en hôpital de campagne.
Journal du samedi 7 septembre 1918
Nos troupes ont continué à poursuivre l’ennemi en retraite sur le front du canal du Nord et de la Vesle, et réalisé une avance importante.
Nous avons occupé, au sud de Ham, le Plessis-Patte-d’Oie, Berlancourt, dépassé Guivry, Caillouel-Clépigny et Abbécourt.
Au nord de l’Ailette, nous avons atteint les abords de Sinceny et le plateau au nord de Landricourt, Pierremande, Antreville, une grande partie de la basse forêt de Coucy sont en notre possession, ainsi que Coucy-le-Château et Coucy-la-Ville.
Plus de trente autres localités ont été reprises.
Au sud de l’Ailette, nous bordons le ravin de Vauxaillon.
Au nord de la Vesle, nous bordons l’Aisne entre Condé et Vieil-Arcy. A l’est, notre ligne passe au nord de Dhuizel, à Daubonval et sur le plateau de la ferme Beauregard.
Les Américains ont porté leur ligne jusqu’aux abords de Villers-en-Prayères, sur les pentes nord-est de Revillon et ont occupé Glennes.
Les Anglais ont forcé les passages de la Somme au sud de Péronne. Ils ont pris les villages de Saint-Christ, Brie et le Mesnil-Bruntel, ainsi qu’un grand nombre de prisonniers. Leurs troupes, pressant l’ennemi de part et d’autre de la route Amiens-Saint-Quentin, ont atteint Athies et Mons-en-Chaussée.
A l’est de Péronne, nos alliés ont pris Doingt et fait d’importants progrès entre Péronne et Nurlu.
Ils ont gagné du terrain sur le front de la Lys, à l’ouest de la Bassée.
Au Mont Saint-Quentin(petite commune rattachée en 1962 à Péronne), une poignée de soldats australiens réussiront le 1er septembre 1918 à prendre une des plus importantes positions défensives allemandes et à libérer Péronne. Et ce sont aussi les Australiens qui abattront le célèbre Baron Rouge, as de l’aviation, au-dessus de Corbie (à noter toutefois que d’autres hypothèses attribuent ce fait d’arme aux Canadiens).
(…) De son côté, la 4e division canadienne arrive finalement en ligne dans la nuit du 31 août, se faufilant entre la 1ère division et la 4e division britannique. La journée du 1er septembre 1918 est surtout consacrée à l’exécution d’un intense tir d’artillerie qui vise à détruire le réseau de barbelés de la ligne Drocourt-Quéant. Malgré tout, l’infanterie canadienne est passablement occupée à repousser des contre-attaques allemandes qui ont pour but de reprendre quelques positions névralgiques sur la ligne Fresnes-Rouvroy.
L’assaut sur Drocourt-Quéant débute comme prévu le 2 septembre. Les soldats canadiens marchent derrière l’habituel barrage roulant, avec en appui des chars qui s’occupent à détruire les barbelés restants. Contrairement à toutes les prédictions, la résistance allemande sur la troisième ligne est étonnement moindre que celle sur la seconde. La résistance semble moins bien coordonnée et les assaillants parviennent à pénétrer dans le réseau Drocourt-Quéant, allant même plus à l’est, vers un « affluent » de Drocourt-Quéant nommé la ligne de support Buissy. Devant l’avance canadienne, l’armée allemande se replie derrière le canal du Nord.
Nous avons rejeté sur la rive est du canal du Nord les éléments ennemis qui résistaient encore. Catigny et Sermaize ont été enlevés par nous. Nos troupes ont franchi le canal en deux endroits, en face de Catigny et de Beaurains, enlevé Chevilly et la cote 87 et pénétré dans Genvry.
Plus au sud, des combats acharnés se sont livrés dans la région au nord et à l’est de Noyon; nous tenons Haplincourt et le mont Saint-Siméon. Au cours de ces actions, nous avons fait plusieurs centaines de prisonniers. Entre Avre et Aisne, la lutte a été non moins vive. Sur la rive nord de l’Ailette, nous avons conquis le village de Champs. Au nord de Soissons, nous nous sommes emparés de Chavigny et de Cuffies et nous avons porté nos lignes aux lisières de Crouy. Les Anglais ont livré de vifs combats au nord et à l’est de Bapaume. Ils ont pris Riencourt et Baucourt, Fremicourt et Vaulx-Vrancourt, et atteint Beugny. Sur la route Arras-Cambrai, ils sont maîtres des positions ennemies entre Heudicourt et Hancourt, de la ferme de Saint-Servins, et du village d’Eterpigny. Sur la Lys, ils occupent Lacouture et la ligne de la Lawe, de Vieille-Chapelle à Lestrem. Ils ont pénétré dans Dranoutre et ont progressé au nord du Kemmel. Sur la Somme, ils se sont avancés à l’est de Cléry en faisant plusieurs centaines de prisonniers.
Offensive des troupes anglaises, australiennes et canadiennes sur Albert (Somme)
L’armée anglaise, qui comprend désormais d’importants contingents australiens et canadiens, lance sa première offensive en Picardie, le 21 août, devant Albert. Du 26 août au 3 septembre, les Britanniques livrent une « seconde bataille d’Arras », après celle d’avril 1917, le long de la Scarpe, et reprennent Monchy-le-Preux, totalement anéanti, avant d’entrer en contact avec les défenses de la « ligne Hindenburg », dans le secteur Drocourt-Quéant. Entre le 31 août et le 3 septembre, l’effort se porte sur le secteur de Bapaume qui a donc subi, en 18 mois, trois déplacements successifs du front (retrait allemand de mars 1917, avance allemande de mars 1918, reconquête britannique).
« Le baseball devient le sport officiel de l’armée française »
Particulièrement adaptée à l’entrainement du soldat, la pratique du baseball est encouragée par l’armée française. Selon Le Figaro du 21 août 1918, un champion de cette discipline viendra en personne l’enseigner au camp du général Vidal dans l’Oise.
«C’est le sport national américain dont l’enseignement à l’armée française vient d’être officiellement décidé.
Nos officiers ont acquis la conviction que la pratique du baseball contribue à rendre l’homme habile au jet de la grenade et, en outre, qu’elle constitue un entraînement aux sports athlétiques, qui est sans prix pour le soldat.
Un ancien champion de baseball de Chicago, qui est considéré comme l’“as des as” en ce sport, doit se rendre, ces jours-ci, au camp du général Vidal, avec deux assistants, et le matériel nécessaire, pour y commencer son enseignement. Il passera dix jours au camp. Ses leçons seront continuées par un assistant qu’il y laissera.
C’est la fameuse association américaine des “Chevaliers de Colomb” qui a délégué au camp français son célèbre professeur et lui fournira son matériel de jeu.» écrit Le Figaro du 21 août 1918.
Ernest Vattan, directeur d’agence bancaire correspond avec ses agents mobilisés
Ernest Vattan, directeur d’une agence parisienne de Société Générale, entame une correspondance suivie avec ses agents mobilisés sur le front.
21 août 1918
Cher Monsieur Vattan,
Nous montons demain soir en ligne. J’espère toutefois ne pas y rester bien longtemps, je compte partir sous peu pour la France. […] La chaleur persiste ici de façon inquiétante et nous sommes dans un coin où il n’y a pas d’eau sinon celle du lac et elle n’est pas fameuse comme boisson. Et nous faut-il y aller de nuit, nos cousins d’en face ne tolèrent pas que nous y allions de jour…
Recevez mes respectueuses salutations.
Le 21 Aout 1918, Helge en compagnie de plusieurs navires se met en route en convoi depuis Londres à destination de Brest avec un chargement de 1510 tonnes de ciment en sacs. Après une escale au Havre puis à Cherbourg, il reprend la mer le 25 en compagnie du vapeur français Pontet-Canet et de deux autres suédois, les vapeurs Dux et Venersborg. Le convoi est escorté par deux chalutiers armés.
Mais sur la route de Brest, à une douzaine de milles dans le NNW des Héaux de Bréhat, le convoi croise le sous-marin UB 109, Kplt Kurt Ramien, qui rentre d’une patrouille peu fructueuse en Atlantique. (…)
(…)Peine perdue, l’UB 109 a gardé le contact et les suit puis se place une nouvelle fois en position de tir. Une torpille part et touche le Helge à hauteur de la soute avant. Le vieux navire est littéralement coupé en deux par l’explosion et coule instantanément. Sur un équipage de 17 hommes, il ne reste que 4 naufragés dont le capitaine, qui surnagent en s’accrochant à des épaves. Le sous-marin vient en surface et après avoir demandé aux rescapés le nom de leur navire, sa provenance et sa destination, il disparait dans la nuit. Deux marins suédois vont dériver longuement jusqu’au cap Fréhel tandis que le capitaine et un homme vont passer trente trois heures dans l’eau avant d’être recueillis par un dragueur et débarqués à St Malo.
Bombardements réciproques dans la région de Lassigny et de Dreslincourt. Entre Oise et Aisne, nous avons occupé le village de Vassens, au nord-ouest de Morsain. Un coup de main ennemi, à l’ouest de Maisons-de-Champagne, n’a pas obtenu de résultat. Les Allemands ont lancé une violente attaque contre les positions anglaises, entre Lihons et Herleville. Ils avaient pénétré dans les lignes sur deux points, quand ils ont été rejetés par une contre-attaque. I1s ont subi de fortes pertes. Dans le secteur de Merville, nos alliés ont progressé sur un front de neuf kilomètres. Ils ont pénétré dans Merville.
Le total des prisonniers qu’ils ont capturés aux environs d’Outtersteene dépasse 750. Ils sont, de ce côté, au voisinage du chemin de Vieux-Berquin à Outtersteene. Quatre tentatives ennemies ont été repoussées, au nord-est de Chilly. Les patrouilles anglaises ont fait des raids heureux entre la Lawe et la Lys et sont arrivées à l’est du chemin de Paradis à Merville. Les aviateurs alliés ont abattu trois avions allemands et incendié un ballon captif. Ils ont jeté huit tonnes de projectiles sur les bivouacs de la région de Berry-au-Bac et de Guignicourt, les gares de Mézières et de Chatelet. Les Italiens ont repoussé une violente attaque des Austro-Hongrois sur le Sasso Rosso. Cette attaque avait été précédée de tirs d’artillerie. La lutte s’est déployée corps à corps. L’ennemi a subi de graves pertes et laissé des prisonniers. D’autres tentatives ennemies au col del Rosso ont été enrayées par les feux d’artillerie. Des patrouilles britanniques ont capturé des prisonniers au plateau d’Asiago. Canonnade du val Laguna au val d’Astico. L’aviation britannique opère près de Sérès en Macédoine.
Au printemps 1918, les Allemands veulent reconquérir du terrain. Ils lancent différentes attaques sur Péronne et Saint Quentin, puis rompent le front allié et passent en force la Somme le 25 avril 1918. Bray est évacué et les Allemands y font leur retour. À Doullens, les alliés signent le commandement unique qui désigne un seul et unique chef : le général Foch. Le 12 août 1918, Bray est libérée après de durs combats dans la vallée de la Somme avec l’aide des Australiens. La ville ayant beaucoup souffert durant quatre années, le ministre André Lefèvre lui attribue, le 27 octobre 1920, la croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée. De nombreuses années seront nécessaires pour reconstruire Bray.
Carte de remerciements de Pétain écrite le 12 août 1918, après qu’il ait reçu la médaille militaire (6 août), cité comme « Soldat dans l’âme, n’a cessé de donner des preuves éclatantes du plus pur esprit du devoir et de haute abnégation. Vient de s’acquérir des titres impérissables à la reconnaissance nationale en brisant la ruée allemande et en la refoulant victorieusement. » Il écrit à un journaliste : « Merci, mon cher ami, de vos félicitations auxquelles je suis très sensible. Croyez bien que vos articles ne passent pas inaperçus ». [Il recevra le bâton de maréchal peu après l’armistice, le 21 novembre 1918].
« Un million de montres suisses pour l’armée américaine »
Le Figaro annonce, le 12 août 1918, la livraison prochaine de montres suisses à l’ensemble des troupes américaines présentes sur le front français.
«Le gouvernement des États-Unis vient de donner la commande à plusieurs fabriques suisses d’un million de montres, destinées à l’armée américaine opérant sur le front français.
Les montres destinées aux officiers seront en or; celles du personnel sanitaire, en argent ; celles des hommes de troupe, en métal.» écrit Le Figaro du 12 août 1918.
« Des pigeons voyageurs sont enrôlés par les camoufleurs »
Le 12 août 1918 Le Figaro relate l’étrange initiative d’un officier allemand, surpris en train de peindre des pigeons voyageurs couleur kaki.
«Un de nos confrères du soir donne un détail curieux sur la minutie de l’organisation allemande:
Nos troupes avançaient si vite qu’elles capturèrent un officier porteur dans son auto de pigeons voyageurs.
Quelle fut la surprise de nos poilus en constatant que ces malheureuses bêtes avaient été camouflées avec soin et revêtues d’une jolie couche de couleur kaki!
Même aux admirateurs de la prévoyance boche, ce soin de peindre des oiseaux ne semblera-t-il pas un peu oiseux?
Est-ce plus difficile de tirer sur un pigeon jaune que sur un pigeon blanc?
Et le kaki se détache-t-il moins bien sur le bleu du ciel que la couleur naturelle des petits télégraphistes de l’air?
L’avantage doit être en tout cas peu considérable et ce n’est pas avec des inventions de ce calibre que les Boches éviteront la défaite inéluctable.» écrit Le Figaro du 12 août 1918.
Les opérations commencées dans la région de la Somme, sous le commandement du général Debeney et du général Rawlinson, se développent favorablement. Massées à la faveur de la nuit, les troupes alliées se sont élancées vers les positions allemandes sur un front de plus de 20 milles. L’ennemi a été surpris et nos progrès ont été rapides. De bonne heure, tous les objectifs étaient atteints. Les troupes françaises attaquant avec une grande bravoure, ont traversé l’Avre et, en dépit de la résistance de l’ennemi, ont enlevé les positions allemandes. Au nord de la Somme, deux combats ont été livrés aux environs de Chipilly et de Morlancourt. Au sud de la Somme, nos attaques ont plus aisément triomphé de l’ennemi. La cavalerie a dépassé l’infanterie, bousculant les convois allemands en retraite, s’emparant de plusieurs villages. Les troupes alliées ont enlevé Plessier, Rozainvillers, Beaucourt, Caix, Framerville, Chipilly, la région à l’ouest de Morlancourt, Fresnoy-en-Chaussée. Les prisonniers capturés depassent le total de 14000. Entre Béthune et la Lys, les Allemands ont également reculé.
Nos alliés britanniques ont avancé leur front de deux kilomètres en moyenne entre la rivière Lawe et la Bourre, au nord-ouest de Merville. Ils tiennent Locon, le Cornema1e, Quentin-le-Petit, Pacaut et le Sart. Ils ont effectué une opération heureuse au nord de Kemmel, avancé leur ligne sur un front d’un kilomètre en faisant 30 prisonniers.
18 hydravions de chasse allemands attaquent des vedettes britanniques
11 août 1918
18 hydravions de chasse allemands Brandenburg W29 attaquent 6 vedettes de patrouille britannique près de Borkum. Ils réussirent à couler 3 de ces navires et à endommager les trois autres. Les 3 bateaux rescapés s’échappent aux Pays-Bas où ils sont confisqués.
La quatrième armée britannique et la première armée française, sous le commandement du maréchal sir Douglas Haig, ont attaqué sur un large front à l’est et au sud-est d’Amiens. Entre l’Oise et l’Aisne, après un violent bombardement, l’ennemi a tenté deux coups de main près de Bailly et de Tracy-le-Val et a été repoussé. A l’est de Braisne, quelques-uns de nos éléments agissant en liaison avec les troupes américaines ont franchi la Vesle et se sont installés sur la rive nord. Ils s’y sont maintenus malgré deux violentes contre-attaques ennemies. Au nord de Reims, nous avons avancé notre ligne de 400 mètres entre les voies ferrées de Rethel et de Laon. En Macédoine, au nord-ouest du Vardar, l’artillerie ennemie a vigoureusement bombardé nos positions du Skra di Legen. En Albanie, des détachements bulgares, qui tentaient de pénétrer dans nos lignes, dans la région de Gramsi, ont été repoussés et ont laissé des prisonniers entre nos mains. L’aviation française a bombardé les dépôts ennemis au sud de Topeleance, et l’aviation britannique, des dépôts dans la région de Sérès. Sur l’ensemble du front italien, activité normale des deux artilleries. Entre Astico et Brenta, les patrouilles italiennes ont harcelé efficacement les lignes de l’ennemi, lui infligeant des pertes et capturant des prisonniers. Six avions ennemis ont été abattus au cours de combats aériens.
Les nombreux mensonges autour de la grippe « espagnole »
Dans son édition du 7 juillet 1918, le quotidien Le Matin titrait : « La Maladie à la mode – LA GRIPPE ESPAGNOLE A GAGNÉ L’EUROPE – En France, cette influenza est bénigne et elle est guérie en une semaine environ ».
L’auteur de l’article, indiquant que cette maladie originaire d’Espagne avait été contractée par le roi Alphonse XIII lui-même, assurait également de façon fantaisiste que les Allemands y étaient « particulièrement exposés ».
« En France, elle est bénigne ; nos troupes en particulier y résistent merveilleusement. Mais de l’autre côté du front les boches semblent très touchées par elle.
Est-ce le symptôme précurseur de la lassitude, de la défaillance des organismes dont la résistance s’épuise ? Quoi qu’il en soit, la grippe sévit en Allemagne avec intensité. »
Dans un même ordre d’idées, Le Matin affirmait une semaine plus tard que l’ennemi était contraint de « combler les nombreux vides creusés dans ses rangs, vides transitoirement agrandis par la grippe […]. »
Néanmoins, le quotidien L’Homme Libre de Georges Clemenceau, dans son édition du 31 mai 1918, affirmait sur un ton déjà plus sérieux que l’épidémie de grippe avait déjà fait de nombreuses victimes sur le territoire espagnol :
« L’épidémie grippale va en s’intensifiant, on signale quelques morts. Les personnes atteintes sont au nombre de 150 000. Les causes du mal restent inconnues. »
Les symptômes généraux de cette maladie furent très similaires à ceux de la grippe « traditionnelle », du moins dans un premier temps, comme nous l’explique Le Matin :
« Celui qu’elle atteint se lève, frais et dispos un matin, puis dans la journée il est pris brusquement de courbature et d’un malaise général : le jour même il a de la fièvre ; la nuit suivante est agitée et le lendemain on a mal à la gorge et bientôt on tousse. »
Le 7 juillet 1918 Le Figaro relate cette information.
«Dans beaucoup d’hôtels de province situés à proximité de quelque centre universitaire, on voit, en ce moment, des pères, des mères de famille venus de Paris implorer la faveur d’être hébergés pour quelques jours, à n’importe quel prix. Un tout jeune homme, ou une toute jeune fille sont avec eux. Peu de bagages mais au fond d’une des valises qu’on ouvre des cahiers, plusieurs bouquins cartonnés, des dictionnaires.
Cet adolescent, cette jeune fille sont simplement un lycéen, une lycéenne qu’accompagnent leurs parents et qui viennent passer, en province, leur baccalauréat à l’abri des gothas et d’un retour possible, des gros canons.
Comme pour le mariage des mobilisés, les formalités d’usage ont été à cette occasion, très simplifiées; aussi nos Facultés du Centre, de l’Ouest, du Midi, voient-elles s’empresser vers elles tous nos déracinés du Bachot parisien.
L’une des plus encombrées de ces universités est celle de Clermont-Ferrand, où la session du baccalauréat vient de s’ouvrir. Plus de mille candidats indigènes et immigrants y sont inscrits» écrit Le Figaro du 7 juillet 1918.
Toujours en réserve de je ne sais quoi, tapi sous une inconfortable et perméable toile de tente dans un petit bois humide… On attend toujours une hypothétique relève qui finira cependant bien par se faire. Le pays est plein d’Américains… il y en a, il y en a… ils sont même beaucoup trop nombreux. Là où il y a un Français ils se mettent facilement cinquante ce qui permet aux boches de faire de splendides coups au but. J’ai été la nuit dernière témoin des deux plus beaux coups de canon que l’on puisse réussir : l’un a tué 23 Américains, l’autre 15… et je ne compte pas les blessés !! Ces types là sont courageux mais ils ont rudement besoin d’apprendre à faire la guerre et en tout cas s’ils étaient utilisés rationnellement ils nous rendraient deux fois plus de service.
Je partirai à peu près sûrement en permission aux environs du 15 août, j’espère que ce sera pour douze jours quoique je ne sache pas si ma citation sortira avant car j’ai été proposé à l’armée et c’est assez long à venir, surtout si elle descend plus bas ce qui est probable. Maintenant nous sommes un peu reposés mais certes jamais je ne me serais cru capable de faire ce que nous avons fait. La résistance humaine a des limites que l’on ne suppose pas.
Enfin heureusement que bientôt je serai en permission et que tous ces mauvais moments seront vite oubliés.
Georges Clémenceau de passage à Bussy-les-Daours (Somme)
Portrait of French Premier Georges Clemenceau (1841-1929).
Le 7 juillet 1918, Georges Clémenceau, président du Conseil et surnommé « le Père de la Victoire » se déplace personnellement dans la commune de Bussy-les-Daours où sont en repos les soldats de l’armée australienne. Il vient les remercier et les féliciter d’avoir remporté la bataille de Le Hamel. C’est un des actes fondateurs de l’amitié franco-australienne. Un extrait de son discours est gravé sur le Mémorial du Corps d’Armée Australien à Le Hamel.
Nos détachements et nos patrouilles, opérant entre Montdidier et l’Oise, en Champagne, sur la rive droite de la Meuse et en Lorraine, ont ramené des prisonniers. Le nombre des prisonniers que les Anglais ont faits dans leur dernière opération sur la Somme dépasse 1300. Un canon allemand de campagne, plus de 100 mitrailleuses et un certain nombre de mortiers de tranchées ont été capturés. Une contre-attaque allemande sur les nouvelles positions de nos alliés à l’est d’Hamel a été facilement repoussée. Quelques prisonniers sont restés aux mains des soldats britanniques. Ces derniers ont exécuté avec succès un coup de main dans le secteur de Beaumont-Hamel. Ils ont repoussé une tentative ennemie aux environs de Strazeele. Pendant le mois de juin, la défense française contre avions a abattu 29 appareils ennemis dont 3 de nuit. 15 autres appareils ont été désemparés par le tir. Le sultan de Turquie Mehmed V, qui avait succédé à Abdul Ramid en 1909, est décédé. Le prince le plus âgé de la famille impériale ottomane prend le pouvoir sous le nom de Mehmed VI. Une séance tumultueuse a eu lieu au Reichstag. Scheidemann a déclaré que la social démocratie majoritaire voulait à bref délai une paix honorable et qu’elle ne voterait pas les crédits budgétaires au chancelier de Hertling. Le socialiste minoritaire Ledebour a lancé un appel à la révolution du haut de la tribune parlementaire.
lire aussi: Belle victoire du corps australien qui marque un coup d’arrêt magistral à l’offensive allemande du printemps (ou bataille du Kaiser) ayant mené l’ennemi aux portes d’Amiens. Les troupes australo-américaines sont commandées par le lieutenant général John Monash qui inaugure quelques principes de combat interarmées combinant chars d’assaut (60 chars Mark V), mitrailleuses, feux roulant d’artillerie devant l’assaut, ravitaillement parachuté par avion,…). Le combat dure seulement une heure et demie et est un brillant succès.
Le 4 juillet 1918 Le Figaro relate cette information.
«Depuis quelques jours les personnes absurdes et froussardes nous avaient annoncé le bombardement par grosse pièce d’abord, pour le 21, puis pour le 28 juin, le fixaient le 4 juillet 1918.
À l’heure où ces lignes paraîtront, on saura à quoi s’en tenir.
Pourquoi le 4 juillet? Demandons-nous à l’un de ces pronostiqueurs pessimistes.
– C’est la Sainte Berthe.
Et cela du moins, c’est vrai. C’est aujourd’hui la Sainte Berthe» écrit Le Figaro du 4 juillet 1918.
4 juillet: les Bretons défilent sous les couleurs américaines
Tous les 4 juillet, l’Independence Day est commémoré aux Etats-Unis. Naturellement limitée au continent américain, la fête s’exporte néanmoins en France à partir de 1917. Elle devient en effet une occasion unique d’affirmer le lien fraternel qui unit les deux peuples désormais engagés dans le même conflit. L’organisation de cérémonies publiques est même vivement encouragée par le gouvernement français. Au début de l’été 1918, Georges Clémenceau déclare qu’il appartient aux autorités locales « d’encourager ou de provoquer, au besoin, toutes initiatives locales afin de fêter dignement dans des réunions artistiques, concerts, banquets, etc.., l’Independance Day ». Pour le président du Conseil, ces manifestations doivent permettre de « témoigner à nos vaillants Alliés dans un élan unanime, la reconnaissance du peuple français pour l’œuvre splendide qu’ils sont en train d’accomplir ».
Les principales villes bretonnes répondent favorablement à cet appel. C’est le cas à Saint-Nazaire ou encore à Brest où ces initiatives sont probablement motivées par la proximité de nombreux Doughboys. C’est également le cas à Vannes qui voit, depuis quelques semaines, transiter des milliers de soldats américains vers le camp de Meucon. La ville morbihannaise organise dès le dimanche 30 juin une formidable cérémonie devant l’Hôtel de Ville qui réunit des militaires français et américains, mais également de nombreuses personnalités publiques tels le préfet, le procureur de la République, le président du tribunal civil ou encore l’évêque, Monseigneur Gouraud3. Ce rassemblement marque le départ d’une semaine de commémorations puisque le 4 juillet « la plupart des maisons » sont encore « pavoisées aux couleurs françaises et américaines ».
A l’ouest de Château-Thierry, une opération locale, exécutée en liaison avec les Américains, nous a permis d’améliorer nos positions sur le front Vaux-cote 204. Le village de Vaux et les hauteurs à l’ouest ont été enlevés par les troupes américaines. Le chiffre des prisonniers faits au cours de cette action dépasse 300, dont 5 officiers. Des coups de main entre Montdidier et Noyon et a l’est de Reims nous ont donné quelques prisonniers. Près de Belloy et en Haute-Alsace, des tentatives ennemies ont échoué sous nos feux. Sur le front britannique, les Allemands, à la suite d’un violent bombardement, ont attaqué au nord-ouest d’Albert, dans le but de reprendre le terrain récemment conquis par nos alliés. Ils ont été repoussés partout, sauf en un point, où ils ont réussi à prendre pied dans une tranchée. Aux environs du bois d’Aveluy, d’Avion et d’Hinges, des tentatives de coups de main de l’ennemi ont échoué.
Nos alliés ont fait des prisonniers au cours de rencontres de patrouilles. Les Italiens ont brisé de nouvelles attaques autrichiennes contre le mont Val Bella. Ils out ensuite avancé dans la même région en faisant 127 prisonniers et en capturant des mitrailleuses.
Au sud d’Asiago, les détachements britanniques ont effectué un coup de main heureux, capturé un officier, 42 hommes et une mitrailleuse. Au nord-ouest du mont Grappa, les Italiens ont enlevé des positions importantes et capturé 569 prisonniers, dont 10 officiers. Ils se sont emparés aussi de canons et de mitrailleuses.