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(Diaporama)131/journal de la grande guerre/13 décembre 1914

Visite du président de la République à Reims

13 décembre 1914. – Reims. – Visite du président de la République : il félicite le maire, M. le Dr Langlet, les membres du conseil municipal, restés à laur poste, ainsi que M. Raissac, secrétaire en chef, de leur courant et de leur dévouement. Il remet 5.000 francs pour les pauvres.

Journal du Rémois Paul Hess (extraits)

Cannonade assez violente et bombardement.

Le Rémois fait état d’un propos  de lecteur dans le Courrier intitulé: « Ne pas confondre censure militaire et censure civile. »

(…)Il faut que le public sache bien que la censure militaire, elle, est une nécessité impérieuse du temps de guerre. Au point de vue militaire, la plus grande prudence doit être la règle et il vaut mieux prendre en patience certains abus que de s’exposer à des dangers qui sont loin d’être imaginaires. En voulez-vous un exemple?Un jour, un certain nombre de projectiles tombaient en un endroit que je ne désignerai pas. Il était évident pour moi que l’ennemi visait un but qui avait pour lui quelque importance. Le tir, en ça cas aurait été très précis en direction, mais il y avait quelque erreur, faible d’ailleurs, en portée. Si vous aviez, le lendemain désigné les immeubles atteints, le renseignement eut été très utile aux Allemands pour régler leur tir, qui eût été certainement plus précis. Je sais bien qu’ils ont assez d’espions pour connaître bien des choses  dans notre pauvre ville, mais du moins ce n’est pas nous de favoriser leur besogne. »

Vu dans le Miroir du  dimanche 13 décembre 1914

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Décision au 118 ème RIT de Verzenay le 13 décembre 2014: recherches tailleurs et cordonniers dans les tranchées

*Réparations. – Les commandants de Cie. feront accélérer les réparations aux chaussures, effets, etc. ; ils sont autorisés, dans les tranchées ou à Verzenay à constituer des ateliers en recherchant dans leur unité tous les tailleurs ou cordonniers de profession qu’ils pourraient y trouver. Pour les chaussures il est recommandé de n’exécuter que les ressemelages, réfections de talons, pose de clous afin d’obtenir un grand rendement journalier. Les chaussures qui auraient besoin d’être remontées seront envoyées au magasin d’habillement de Verzenay.

http://vieuxpapiers.canalblog.com/archives/2005/12/13/1101969.html

L’aviation s’organise

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http://www.asoublies1418.fr/default.asp?367332D3741663E62673362332D36D47260336333D166E6236233D077462330336233DE6

http://milguerres.unblog.fr/organisation-et-emploi-des-formations-aeronautiques-13-decembre1914/

Journée du soldat Louis Lamothe en Lorraine le 13 décembre 1914

lamothe_291145 Le 13 décembre 1914, son unité reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées allemandes en Lorraine. Après une préparation d’artillerie de trente minutes, à huit heures, l’attaque de l’infanterie est déclenchée. Les souvenirs de ce fantassin manquent certes de précision quant aux faits, si on le compare au Journal des marches et opérations de son unité, mais ils sont riches de sentiments et d’impressions et donne à entendre l’expérience du combat.

http://www.ac-toulouse.fr/cid76095/focus-sur-temoin-guerre.html

Ecrivain mort le 13 décembre 1914

Pierre Boudreaux– 1882 – 13 décembre 1914 à au Bois de Mortmare (Lorraine)

http://data.bnf.fr/10427958/pierre_boudreaux/

Lu dans le Moniteur en date du dimanche 13 décembre  -N°57 du 27 décembre)

France.-Combat d’artillerie près d’Arras; dans la région de l’Aisne (une batterie allemande d’obusiers détruite près de Vailly); sur les Hauts de Meuse (deux batteries allemandes détruites) et dans les Vosges; Nous progressons partout.

Les Russes ont repris une offensive victorieuse dans les régions de Mlava et de Lovicz, en Pologne centrale. Aux alentours de Cracovie se livre un très violent combat et le bombardement de la place elle-même devient très intense.

Les Serbes continuent leur poursuite de l’armée austro-hongroise qu’ils veulent repousser au-delà de la Save et de la Drina.

L’Italie a demandé réparation à la Turquie au sujet de l’incident d’Hodeïdah et une très vive irritation  se marque dans la Péninsule contre l’empire ottoman.

D’après les journaux anglais, il serait inexact que l’état du kaiser se fût amélioré. Le kaiser aurait une fluxion de poitrine. La grande caserne de Kiel a été détruite par un incendie dont les causes demeurent mystérieuses.

La Bulgarie a déclaré une fois de plus aux puissances de la Triple Entente qu’elle désirait demeurer neutre.

Grande-Bretagne.-Le premier ministre anglais M.Asquith a prononcé un grand discours à Londres. Il a rendu hommage à l’armée britannique, ui, a t-il dit, vaut celle de n’importe quel empire.

Le cabinet portugais s’est reconstitué sous la présidence de M.Coutinho avec M.Soarès aux Affaires étrangères.

1/2 Les archives municipales de Reims partagent la mémoire de 1914-18 avec les internautes

 

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De gauche à droite: Michel Royer, historien; Pascal Labelle, adjoint à la culture et Sylvie Nélis, directrice des archives municipales et intercommunales de Reims

Bonne nouvelle pour tous les passionnées par la première guerre mondiale. Fortes d’un fonds exceptionnel régulièrement enrichi par des particuliers,  les archives municipales et communautaires de Reims  prennent  leur part dans la commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale. En complément de ce qui se fait et se fera jusqu’en 2018, année par année, sous forme thématique, elles vont mettre à la disposition des internautes une somme colossale de documents valorisés par les documentalistes  du service dirigé par Sylvie Nélis et les commentaires de l’historien Michel Royer.

Sur le site: http://archives.reims.fr

Faire parler de la ville de Reims

« Nous possédions énormément de documents sur la période 1914-1918, nous avons par ailleurs reçus beaucoup de dons venus de toute la France. C’est un juste retour des choses que nous partagions   tous ces documents avec le plus grand nombre. Grâce un travail d’équipe mené depuis 2013, les archives sont heureuses de proposer leurs archives numérisées sur cette période et bien au delà. »

Pour Sylvie Nélis, directrice des archives, toutes ces archives  mises à la disposition des internautes, ainsi qu’aux écoles et aux associations pour les expositions, a nécessité un gros travail de valorisation. « Il nous a fallu d’abord dépouiller les documents, exploiter tous les dons, les analyser, en dresser un inventaire. Il y a eu tout un travail de sélection en amont, de transcriptions des écrits aussi de façon à rendre certains documents plus lisibles. Nous avons aussi fait un gros travail sur la bibliographie relative à cette période.

De nombreuses entrées sur Internet

3 ARCHIVES MUNICIPALESEn tapant l’Url   http://archives.reims.fr et en cliquant sur la rubrique guerre 14-18 dans la colonne de gauche, vous pourrez accéder à de nombreuses « ressources « classées en quatre grands thèmes.

1 Exposition virtuelle-galerie d’images « Reims dans la guerre 1914-1918 » déclinée de façon chronologique en  huit  parties thématiques pour l’année 1914.

Reims à la veille de la première guerre mondiale;

Reims: premiers mois dans la guerre: 3 août-3 septembre 1914;

L’entrée des Allemands à Reims (3-4 septembre 1914);

Reims occupée par les Allemands ;

L’incendie de la cathédrale de Reims;

L’action de la municipalité dans le premier automne de guerre (octobre-décembre 1914)

Les services de santé rémois (août-décembre 1914).

Ceux qui partent, ceux qui restent.

Exemples de photos disponibles sur le site des archives municipales de Reims

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Les années 1915 à 1918 seront abordées par la suite, jusqu’en 2018. Et vous verrez que 14-18 à Reims ne se résume pas seulement à des bombardements.

2 Ecrits de poilus

Cartes postales, lettres, cartes de correspondance militaire, envoyées souvent du front, entre le 28 septembre et le 30 juillet 1918, progressivement mises en ligne et commentées par l’historien Michel Royer. A découvrir plus spécialement au fil des jours les lettres envoyées par le soldat rémois Lucien Pinet mort en 1915.

3 Expositions empruntables

Trois expositions itinérantes sur panneaux sont à la disposition d’ établissements scolaires, d’associations ou d’organismes et peuvent être empruntées dans le cadre d’une convention de prêt.

-« Les Rémois en 1918, de l’évacuation au retour »

-« Artisanat des tranchées 1914-1918″

La croix (Légion d’honneur) des braves

4 Témoignages, ouvrages et documents d’archives

Des témoignages rémois recueillis, transcrits et librement accessibles à découvrir, des listes des ouvrages conservés aux Archives de Reims pour faciliter les recherches sur la période, des documents numérisés à consulter en ligne.

Autres ressources

Octobre 1914: en réunion de conseil municipal Jean-Baptisite Langlet, maire, fait savoir clairement qu'il ne souhaite pas que les Rémois quittent la ville
Octobre 1914: en réunion de conseil municipal Jean-Baptisite Langlet, maire, fait savoir clairement qu’il ne souhaite pas que les Rémois quittent la ville

Les archives mettent aussi en ligne d’autres documents: témoignages de civils ou de soldats souvent inédits, les délibérations du conseil municipal. Proposition d’une sélection de sites dédiés à la guerre 1914-1918  (sur autres sites )dont le fameux livre d’or de 1929 recensant (en partie) commune par commune les soldats morts pour la France.

Il y a aussi de nombreux autres documents concernant les communes du Pays Rémois   (sur rechercher sur les lieux)

Enfin, des ateliers seront aussi proposés aux scolaires dans le cadre du service éducatif  àpartir d’une correspondance de guerre et l’étude du journal de Louise Deny, 11 ans en 1914 (sur accueil de scolaires )

Voir aussiaccueil de scolaires (ateliers sur la guerre),), autres sites dédiés à la guerre 1914-1918

Réponse à la question: pourquoi le nom de tous les Rémois ne figure pas sur le monument aux morts de la ville?

1926 :la ville répond à une question posée par la veuves Pinet quant à l'impossibilité de mentionner sur le monument aux morts les noms des milliers de soldats et de civils mort à Reims
1926 :la ville répond à une question posée par la veuves Pinet quant à l’impossibilité de mentionner sur le monument aux morts les noms des milliers de soldats et de civils mort à Reims

VIDEOS

Sylvie Nélis et Michel Royer

http://wp.me/p4mPAZ-1gl 

Alain MOYAT

 

(Diaporama): il ont osé bombarder la cathédrale

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Journal du rémois Henri Jadart

Samedi 19 septembre

Grande pluie toute la nuit ; pas de bombes avant le matin. Le concierge du Musée des Beaux-Arts me dit en p      assant qu’un obus est tombé hier sur l’immeuble et qu’il a détérioré le grand escalier. Dès 7 heures du matin, du reste, le bombardement a recommencé ; un obus tombe loin de nous ; nous sommes décidément sous le feu des canons, et cette atrocité dure jusqu’à 11 heures ¾. Chaque coup nous fait tressaillir, nous menace en somme jusque dans notre retraite. Que nous veut-on, à nous autres, population civile, irresponsable de toute acte de guerre ? Au moins, si l’on voulait réduire la ville, aurait-on dû laisser sortir les enfants, les femmes, les vieillards, les infirmes, les pauvres malades ? Rien de semblable n’a été proposé aux Rémois ; l’ennemi reste implacable, violant toutes es règles d’une lutte loyale.

A midi, nous faisons un déjeuner sommaire, toujours dans la cave ; on y a installé la cuisine dans un cuveau, sur une lampe à alcool. Le bombardement, qui n’avait pas cessé complètement, reprend bientôt. Il répond au canon français en tirant sur tout et sur tous, dans une cité qui offre une bien plus large cible que nos batteries et qui n’a ni remparts, ni casemates, ni refuges.

-A 3 heures, un homme, qui vient chercher les bons de la ville, nous raconte la mort d’un ancien juge de paix et de sa femme, réfugiés dans la cave de leur maison, voisine de celle de M.l’abbé Brouet, dans la rue Ponsardin ; les pertes subies par une compagnie française dont tous les hommes ont été fauchés par un obus ; enfin, l’incendie de l’énorme échafaudage installé pour des réparations devant la tour nord de la cathédrale.

Je monte au grenier et j’aperçois tout l’édifice entouré d’une fumée lourde. C’est le prélude du plus grand malheur qui pouvait nous atteinder. L’échafaudage, en effet, s’enflamme bientôt, et les poutres en tombant forment un énorme brasier sur le parvis. Plus haut, le feu atteint la toiture en plomb des grandes combles, à l’angle nord de la nef, et monte de l’autre côté à la hauteur de la « Galerie du Gloria », dont une partie est détruite (1)

Les flammes lèchent une partie de la scène de David et Goliath, endommageant en même temps les sculptures du haut en bas et mutilant les statues des saints du diocèse dans toute l’étendue du portail de gauche. Le grand comble est bientôt entamé ; le plomb fondu avec une prodigieuse rapidité court en ruisseaux et zigzague sur la toiture. La magnifique charpente en chêne – qu’on a cru si longtemps en châtaignier- brûle à son tour-

Vers 4 heures, de nos mansardes, c’est un spectacle d’horreur renouvelé du terrible incendie advenu le 24 juin 1481. Les toitures du transept s’allument bientôt, et la base du clocher central apparaît scintillant des poutres drapées de flammes. Au sommet, on distingue l’horloge, la cage du carillon et même la cloche de l’heure ; puis tout s’effondre, disparaît, s’écroule sur la voûte, au carré du transept, en un amas de poutres braisillantes, de ferailles tordues, de plomb liquide (2). On peut voir ensuite le Sagittaire refait en acajou au sommet du transept sud, prendre feu et se consumer lentement dans sa chape de plomb.

-L’abside fut bientôt embrasée de même ; le clocher à l’ange trembla sur sa base déchaussée des figures de plomb qui lui faisaient une couronne si pittoresque, et s’écroula du côté de l’archevêché. Les toitures en ardoises des tours flanquant le transept étaient en même temps détruites ; celles des bas côtés brûlaient de part et d’autre.

-Les tours du grand portail avaient cependant déjà laissé sortir des flammes et des nuages de fumée blanche, tant qu’on se demandait quel serait le sort des cloches suspendues dans leurs beffrois. Dans la tour nord, devenue comme une cheminée de feu, les huit cloches formant la célèbre « Gamme des Cauchois – trois suspendues et cinq reposant sur le sol- subirent les atteintes de l’incendie. Devant la toursud, il n’y avait pas du reste de foyer contigu ; elle garda ses deux bourdons intacts sous leur vaste charpente. Pendant que le feu dévorait les combles de l’église, l’intérieur se trouvait également atteint par les flammes- alimentées par la paille qui jonchait les nefs, par les chaises entassées dans le chœur, par les tambours latéraux du grand portail. Au milieu de cet enfer surgissaient les blessés allemands (3)que la foule furieuse voulait venir achever, et qui furent sauvés presque tous par le clergé et quelques courageux citoyens, d’ailleurs avec beaucoup de peine.

Après la cathédrale, le palais archiépiscopal contigu avait été de même bombardé ; il avait reçu vingt quatre projectiles dont plusieurs incendiaires. Il prit feu par la toiture et l’incendie gagna ses diverses constructions. Ce fut d’abord le bâtiment gothique et la salle des Rois, où douze tapisseries de Peprsack furent détruites ; puis le feu prit au comble de la chapelle, qui pourtant resta debout ; aux appartements des archevêques et à la bibliothèque du cardinal Gousset, qui projeta des gerbes de feu d’une hauteur prodigieuse. Les combles voisins contenaient le musée ethnographique de la Champagne, et s’enflammèrent vers 5 heures ; le reste, salons et galetas des deux étages, brûla successivement. La bibliothèque de l’Académie de Reims, son mobilier, ses archives et collections, le musée archéologique de la ville, où étaient des meubles précieux, le pied du candélabre de saint Remi, des portraits d’archevêques, d’abbesses et de reines, des vues anciennes de Reims, etc…, tout disparut, périt dans l’effondrement des étages – dans une tempête de flammes.

J’ai contemplé jusqu’à 10 heures du soir, de nos mansardes de la rue du Couchant, ce vaste brasier, -ces ruines irréparables.

-En même temps que disparaissent à jamais tant de pièces précieuses, tant de recherches historiques et artistiques, il fallait déplorer les pertes de l’industrie, du commerce de Reims dans les pavillons de la Place royale, dans les maisons des rues s’étendant jusqu’à l’esplanade Cérès et jusqu’au Lycée,-resté intact ainsi que la Chambre de Commerce et la Poste.

Les grands dépôts de laines et de tissus, nombre de maisons particulières étaient effondrées, détruites ainsi que des maisons historiques, des pavillons, des hôtels, etc…

L’incendie de Reims continua toute cette nuit du 19 au 20 septembre ; des lueurs de feu s’apercevaient de tous les côtés au centre de la ville. Mais le bombardement enfin avait cessé ; il était devenu inutile, puisque l’incendie pouvait achever en paix son œuvre dévastatrice.

Le commandant Royer m’a dit au moment même que des bombes incendiaires avaient été tirées sur toute l’étendue de la nef.

(2)Communications à la société des Antiquaires de France (11 noc 1914) et à l’Académie des inscriptions (13 nov)

(3)Les blessés avaient été amenés à la cathédrale pendant la nuit ; ils étaient une quarantaine environ (général Dubois-La revue oct 1914) « C’est le jeudi 17 septembre que les blessés allemands, au nombre de 70 à 80 furent amenés à Notre-Dame » (abbé Thinot L’illustration 30 octobre 1914)

 Journal du Rémois Paul Hess

Samedi 19 septembre 1914

 La journée du 19 septembre 1914 fut pour la ville de Reims, la plus triste de la semaine terrible, qui suivit le dimanche lui ayant apporté la joie de revoir les troupes françaises.

Les habitants du centre, surtout de la partie limitée par le boulevard de la Paix, les rues Cérès, Carnot, Chanzy, de Contrai et des Augustins, eurent à vivre, durant ce samedi, les heures atroces d’un bombardement infernal, avec gros calibres et obus incendiaires, au cours duquel leur incomparable cathédrale s’enflamma dans toutes ses parties donnant prise à l’incendie, tandis que brûlaient nombre de maisons, sur différents points de ce quartier.

Dès le matin, le tir des batteries ennemies commencé le 14 sur la ville et répété chaque jour, depuis sa réoccupation par nos troupes, reprend avec une intensité encore accrue et, ainsi que cela avait déjà eu lieu le 4, pendant une phase du bombardement d’intimidation qui avait précédé la prise de possession allemande, puis hier 18, la cathédrale sert souvent de but. Notre habitation, au n° 7 de la rue de la Grue, dans l’immeuble du mont-de-piété, n’en est éloignée que de cent cinquante mètres. environ ; aussi, nous faut-il, sans tarder, reprendre le chemin de la cave, trajet que nous avons dû faire fréquemment, le jour ou la nuit, au cours de la semaine.

Ma femme, mes quatre enfants et moi y descendons rapidement ; aussitôt, comme précédemment, nous entendons arriver par la cour de l’établissement, le concierge accompagné de sa femme, portant, enveloppée dans un duvet, leur arrière petite-fille, alors âgée de dix jours ; la mère de cet enfant les suit, avec l’aide d’une parente.

La situation devient tout de suite effrayante. Les projectiles ne cessent de siffler pour s’abattre souvent dans nos environs ; nous entendons alors les explosions toutes proches des arrivées, le fracas des maisons démolies et des pierres retombant lourdement les unes après les autres.

Pour nous, la matinée se passe dans l’inaction ; notre attention est tout entière retenue par les sifflements des obus qui se succèdent continuellement. L’avant-veille 17, pendant un tir déjà terrible, les enfants avaient trouvé une excellente diversion à leurs angoisses en faisant une fantaisiste partie d’échecs et, entre eux, ils riaient de bon cœur ; aujourd’hui, ils ne pensent guère à leur jeu. Ils se tiennent anxieux auprès de nous, qui évitons d’échanger nos impressions afin de ne pas les épouvanter. Tous, nous attendons en silence la fin de cette pluie d’engins meurtriers – et le temps s’écoule sans apporter d’accalmie.

On me questionne sur ce qui se passe au dehors, lorsque après une courte absence, je suis parvenu à courir jusqu’à la rue Eugène-Desteuque ou à l’autre bout de la rue, afin de me rendre compte des dégâts subis à proximité. Presque à chacune de ces sorties, j’aperçois seulement M. Davorgne, charretier à la maison Laurent & Carrée, remonté aussi, un instant, sur le seuil de la cave du n° l, dont l’escalier donne directement sur la rue et tout prêt à redescendre là, où il est à l’abri avec sa famille.

A certain moment, je remarque que le toit de la pharmacie Clouet, sise 11, rue Cérès prend feu. La maison voisine, n° 9, où se trouvait un magasin de la teinturerie Renault-Gautier a brûlé entièrement l’avant-veille jeudi 17, par suite de l’explosion d’un obus incendiaire au second étage de cet immeuble ; le sinistre considéré comme éteint depuis le vendredi, s’était vraisemblablement communiqué à côté. Il se déclare, après avoir couvé là ; des pompiers arrivent, mais tout en se multipliant au mépris des obus, ils sont en nombre insuffisant – trois ou quatre – pour lutter avantageusement ; on a besoin d’eux ailleurs, ils s’en vont, ne peuvent sans doute pas revenir et la maison n° 11 est bientôt complètement embrasée.

Vers midi, nous prenons promptement un semblant de repas, en constatant qu’il nous faudrait du pain pour le soir.

Dans l’après-midi, le besoin de respirer à l’air me fait remonter quelques minutes dans la cour. Les obus sifflent toujours sans discontinuer et, les projectiles tombant trop près, je dois me replier dans la cave. J’y suis à peine arrivé qu’un coup de sonnette du dehors m’en fait ressortir, en vitesse. Une seule pensée me vient à l’esprit tandis que je m’empresse. Qui donc a pu se risquer dans les rues en semblable moment ? Il faut que l’on ait besoin d’un secours pressant. La porte ouverte, je reconnais Mlle Debay ; elle est haletante, remplie de crainte. Cette personne chargée de la garde de la chapelle des religieux franciscains, située à l’angle des rues de Mâcon et des Trois-Raisinets, m’apprend qu’un obus vient d’y tomber ; elle demande asile, la maison n° 12, rue Eugène-Desteuque, où elle était accourue, croyant s’y réfugier, étant fermée et probablement vide. j’accueille bien volontiers cette pauvre femme, et nous rentrons. A cet instant, M. et Mme Demilly, voisins du 10 de la même rue Eugène Desteuque (face à la rue de la Grue) sortis de leur cave et venus au bruit des coups de sonnette impérieux et répétés, sans succès, à la porte de la maison voisine de chez eux, nous aperçoivent. Ils traversent vite leur rue et accourent me demander également à s’abriter chez moi, car leur immeuble est sérieusement menacé. En effet, un obus incendiaire explosé dans la propriété Sacy, 21, rue de l’Université, contiguë à l’école ménagère où les Femmes de France ont installé un hôpital militaire, a provoqué le développement d’un foyer considérable au milieu du pâté de maisons situé entre les rues de l’Université et Saint-Symphorien, et le feu dévore déjà l’arrière de la lithographie Mendel, 8, rue Eugène-Desteuque. Ils retournent prévenir leur fille de venir se réfugier avec eux et reviennent aussitôt, portant tous de lourdes valises. La bonne des Mendel, restée seule et que le danger a fait fuir la maison n° 8, qu’elle gardait, s’étant mise provisoirement en sûreté auprès de cette famille, la suit.

Peu après, Mme Erard, notre voisine d’en face (n° 12, rue de la Grue) à qui nous avions offert éventuellement l’hospitalité, vient sonner à son tour, accompagnée de deux dames, ses amies, habitant la rue de Thionville et retirées chez elle depuis plusieurs jours. Toutes les trois ont dû quitter avec précipitation la cave où elles se tenaient au n° 12 de la rue de la Grue, cet important immeuble se trouvant aussi sérieusement atteint par les flammes, à la suite de l’arrivée d’un nouvel obus incendiaire au 8 de la place royale, au-dessus de la pâtisserie voisine du magasin de vêtements Gillet-Lafond. Un incendie a pris là encore avec rapidité, gagnant par l’arrière, les maisons du côté pair de la rue de la Grue.

Quoique au nombre de vingt-deux personnes à ce moment, dans notre cave, nous parvenons à nous faire facilement place et chacun se croit en sécurité relative sous les arceaux soutenus par des piliers solides.

Nous venons de nous installer à peu près lorsqu’une explosion formidable, toute proche, se produit faisant entendre le fracas déjà trop connu de matériaux arrachés et projetés avec force de tous côtés, en même temps que le bruit de vitres brisées tombant par toute la rue. J’ai le sentiment que notre maison vient d’être touchée et je grimpe lestement au premier étage sans y voir de passage d’obus ; les six fenêtres de l’appartement ont seulement leurs grandes vitres en miettes et leurs rideaux en lambeaux partout du verre sur les planchers. Par un coup d’œil au dehors, je suis fixé aussitôt en voyant une énorme brèche, à hauteur du premier, dans le mur de la maison Isidor, au bout de la rue de la Grue.

Je reviens faire part de mes constatations ; quelques minutes s’écoulent et un choc terrible, ressenti plus près encore, ébranle le sol sous nos pieds. Instinctivement nous nous sommes tous courbés, en entendant l’obus accentuer sur nous son sifflement sinistre. Il vient d’éclater à côté, au 5 – nous sommes au 7. D’autres suivent toujours, dont plusieurs n’explosent pas. Nous évitons de parler afin de les entendre arriver.

Je remonte, avec l’intention, cette fois, de pousser si possible, une reconnaissance jusqu’à la rue Eugène-Desteuque, car je tiens à me rendre compte de ce qu’il en est des magasins du monts-de-piété et des incendies du quartier qui ne peuvent que progresser vite. Je cours là, entre deux sifflements et j’ai alors la stupéfaction, en arrivant à l’extrémité de la rue de la Grue, de voir la cathédrale en feu ; toute la toiture, depuis les tours jusqu’à l’abside est entourée d’énormes tourbillons de fumée jaune s’élevant à une grande hauteur, au milieu desquels disparaît le carillon ; les flammes en jaillissent de partout, activées par le vent.

Il est difficile d’exprimer les divers sentiments ressentis à cette vision inattendue, qui me cloue sur place et me ramène instantanément à l’esprit le souvenir de ce qui s’est passé à Louvain. L’indignation et la profonde douleur sont surpassées par une infinie tristesse ; les larmes me viennent aux yeux. Pourtant, ce n’est pas fini, leur artillerie continue ; je dois abandonner la contemplation de ce désastre irréparable et, en m’en revenant sous ce coup pénible, il me semble voir les plus cultivés des barbares qui nous bombardent à l’aise, des hauteurs de Berru ou de Brimont, diriger le tir, manifester leur joie et applaudir à ces coups heureux des pointeurs (Reims se trouvait sous le feu des batteries de la 7e armée allemande, commandée par le général Josias von Heeringen.). Pauvre cathédrale ! notre paroisse aimée. Le résultat cherché pas nos ennemis depuis la matinée est obtenu. Voilà, pour eux sans doute, un tableau magnifique, unique, au milieu des incendies allumés déjà – mais leur rage de destruction ne s’apaise pas avec cela ; le feu de leurs pièces est encore aussi violent.

Je vais annoncer la nouvelle en prenant des ménagements. On éprouve une surprise, une réelle douleur, mais contrairement à ce que je craignais, personne ne paraît épouvanté ou ne peut guère l’être davantage. J’ai l’impression nette que, dans la cave, on s’attend à tout maintenant. Je demande aux deux plus âgés de mes enfants de m’accompagner rapidement, afin qu’ils puissent garder le souvenir du spectacle grandiose dans son horreur, que je ne voudrais pas avoir vu seul et, les renvoyant après quelques secondes, je vais, avant de réintégrer moi-même, m’adosser à un mur, d’où je ne puis quitter des yeux l’ardent et vaste brasier dont j’entends distinctement le crépitement dans toute la charpente. A ce moment, le clocher à l’Ange s’incline peu à peu et tombe du côté de la chapelle de l’Archevêché.

Après quelques instants, je pars à nouveau, tenant absolument à savoir ce qui se passe un peu plus loin, avec l’intention de me diriger vers la rue de l’Université, pour revenir vivement par la rue Cérès. De loin, je vois, au-delà de la rue des Cordeliers, un foyer agrandi autour de la maison Fourmon et de la sous-préfecture, brûlées la veille. En passant place royale, je vois flamber, du haut en bas, dans toute la largeur de la rue Trudaine à la rue Colbert, la papeterie Chauvillon et la pharmacie Christiaens ; les rues sont désertes, à notre boulangerie, rue Nanteuil 7, en passant au large de la maison Clouet encore en flammes et, entrant par le couloir ouvert, je puis pénétrer dans la boutique vide et dans les appartements sans voir personne ; descendant jusqu’à l’entrée de la cave, j’appelle sans obtenir de réponse – la maison est abandonnée ainsi. A mon retour dans la rue de la Grue, je remarque, en passant, deux artilleurs se hâtant en silence, tandis que le bombardement continue, de charger des fers pour chevaux sur une prolonge stationnant devant la maison Laurent & Carrée. Pendant cette course rapide, je n’ai vu qu’eux.

Vers 17 h 1/2, un dernier coup de sonnette me fait aller à la porte. J’ai alors l’agréable surprise de recevoir M. Simon-Gardan, mon beau-père qui, mettant immédiatement à profit un ralentissement survenu enfin dans le bombardement, n’a pu se retenir de faire aussitôt une tournée dans toute la famille, afin d’obtenir des nouvelles des uns et d’en donner aux autres. Il est accueilli avec joie dans la cave, questionné avidement, mais son entrée, dans notre malheureux quartier, l’a mis à même de juger la situation mieux que nous qui avons subi, depuis le matin, son aggravation continuelle sans avoir pu apprendre qu’elle était loin d’avoir le même caractère pour le reste de la ville. Avec véhémence, il la représente excessivement dangereuse dans notre rue étroite, au milieu d’incendies considérables ne pouvant être combattus et continuant à se propager. Ce qu’il nous révèle a pour effet de décider tous nos voisins réfugiés à reprendre leurs sacs, leurs valises et à nous faire sur-le-champ leurs adieux, en se dispersant.

Nous remontons les derniers, en famille. Il vient d’être arrêté que ma femme et nos deux plus jeunes enfants se retireront avec mon beau-père, chez lui, rue du Jard 57. Quant à moi, ne pouvant me résigner en un moment aussi critique à quitter l’établissement sur lequel je dois veiller, je décide de rester. Mes deux fils, Jean, 15 ans et Lucien, 14 ans, à qui je viens de demander s’ils consentiraient à me seconder, s’ils croient pouvoir m’aider à faire le nécessaire, ont accepté tout de suite – ils restent fermes – mais leur mère, que cette détermination remplit d’inquiétude, ne veut accepter de s’en aller qu’après la promesse faite que nous irons, tout au moins dîner rue du Jard, aussitôt que les premières mesures, qui s’imposent d’urgence, auront été prises.

Des flammèches, des débris de papier enflammés, provenant de la papeterie Chauvillon, tombent sans discontinuer, pendant le court conciliabule que nous devons tenir à ce sujet ; la cour en est couverte et cette pluie de feu, autour de nous, ajoute à l’épouvante des incendies plus proches dont nous entendons, maintenant que le canon s’est tu, le bruit des crépitements s’accentuer. Le plus jeune de nos enfants, André, en est effrayé à tel point qu’il laisse échapper ces mots, d’une petite voix tremblotante, en se serrant contre sa mère :

« J’aimerais mieux être mort. »

De la part de ce pauvre petit, de 5 ans 1/2 que l’on n’a pas entendu proférer une plainte pendant le bombardement terrible de la journée, ces paroles d’effroi nous glacent ; elles nous en disent long sur ses angoisses, et nous ne savons véritablement comment nous y prendre pour le rassurer un peu, en attendant qu’on l’enlève au plus vite.

Cependant, il y a lieu de boucher, sans attendre, les ouvertures des magasins du Mont-de-piété sur la rue Eugène-Desteuque, dont toutes les vitres, replacées à la suite du bombardement du 4, ont été de nouveau brisées par les nombreuses explosions des environs et, avant de partir, mon beau-père veut bien commencer ce travail avec nous ; il me donne à propos d’utiles indications. Le concierge, dont les fenêtres, également ouvertes, sont la plus à proximité du foyer d’en face, nous aide quelques instants à poser ce que nous avons pu trouver de cartons ou de planches dans ses chambres puis, dans les magasins du premier étage où, cette fois, il nous faut démonter les portes intérieures, à défaut d’autre chose et il nous quitte définitivement, avec toute sa famille, vers 18 heures.

Peu après, mon beau-père doit partir pour emmener ma femme, notre fillette Madeleine et son petit frère André.

Mes fils aînés, Jean et Lucien, s’efforcent avec moi d’activer le travail restant à faire au second étage. Afin de me rendre compte de la situation, je fais ensuite une tournée générale dans les magasins et nous pouvons, à notre tour, nous diriger rue du Jard 57, où nous ne restons que le temps de prendre rapidement un léger repas. Aussitôt, nous reprenons, tous les trois, le chemin de la rue de la Grue.

Nous constatons alors, en arrivant dans ses environs, que le foyer qui avait pris naissance au 8 de la place royale, après avoir brûlé le magasin Gillet-Lafond, s’est étendu à droite et à gauche de la maison et a continué à gagner beaucoup en profondeur. Tout le milieu du grand quadrilatère limité dans sa longueur par la place, la rue de l’Université et la rue de la Grue et en largeur par les rues Cérès et Eugène Desteuque flambe ; l’ensemble est menacé de disparaître sans que le feu ait pu, même, être attaqué, car, de tout le bataillon de sapeurs-pompiers de la ville, il ne reste qu’une quinzaine d’hommes ; ils sont sur pied depuis deux jours et deux nuits, ayant eu à lutter sans repos et malgré les obus, contre des incendies considérables. Aujourd’hui, leurs efforts ont été impuissants devant le nombre et l’importance des nouveaux sinistres, provoqués à tout moment par la pluie de projectiles incendiaires, et le fléau progresse autant qu’il peut.

Dans la rue de la Grue, dont les maisons sont vides d’habitants, ne se trouvent plus que Albert Reininger, resté seul depuis le soir à la maison Laurent & Carrée ; Thomas, gardien de l’imprimerie Marguin et nous. La connaissance est vite faite, puisque, chacun pour notre part, nous avons en vue de protéger « nos » immeubles.

Tout à l’heure, nous avons vu partir les derniers voisins restés dans la partie menacée de la rue Eugène-Desteuque. En ce moment, tandis que nous échangeons nos impressions, passent encore quelques gens affolés, s’enfuyant de la rue Saint-Symphorien, en emportant un peu de linge sous les bras et… laissant, abandonnant forcément le reste.

Je me trouve cependant à l’aise depuis notre retour, sachant maintenant ma femme et nos deux plus jeunes enfants en sécurité. Jean et Lucien eux-mêmes, remplis du désir de se rendre utiles, éprouvent le besoin de m’assurer qu’ils envisagent sans crainte l’état de choses ; devant l’évidence de leur sang-froid, je me borne à leur recommander la prudence et à leur demander obéissance absolue. Ils sont résolus, très calmes et je sens que nous serons tous les trois, maîtres de nos mouvements.

Peu de temps après notre arrivée, le propriétaire d’un immeuble voisin, sis au coin des rues Eugène-Desteuque et Saint-Symphorien, venu là ce soir pour s’efforcer de garantir sa maison, dont les locataires sont absents, vient nous demander de lui prêter secours, car elle est déjà sérieusement atteinte. Nous le suivons. Albert Reininger est là aussi, avec une lance d’arrosage, mais il ne peut en adapter le tuyau au robinet sans vis constituant la seule prise d’eau. Il est trop tard, du reste, pour combattre efficacement avec le peu de moyens dont nous disposons puisque, tandis que nous sommes dans l’escalier de cette maison, le chevronnage brûle à deux mètres au dessus de nos têtes. Nous devons laisser le malheureux voisin qui se désole et que nous ne parvenons pas à convaincre de l’inutilité de nos efforts – et nous revenons rue de la Grue.

La maison Erard a pris feu ; les étincelles voltigent à nouveau. Aussi, nous empressons-nous, cette fois, de fermer les ouvertures de mon logement, situé juste en face de cet immeuble, portant le n° 12 de la rue. Nous pouvons, non sans peine, réunir encore tout ce qui est nécessaire pour boucher six grandes fenêtres complètement dépourvues de vitres. Nous exécutons lestement le travail, à la lueur de l’incendie, puis je demande à Jean de rester en surveillance au premier étage, dans l’appartement, tandis que Lucien et moi allons nous installer au grenier où les étincelles, se glissant sous les tuiles, pénètrent de tous côtés. Là, il nous faut d’abord amonceler ce qui s’y trouve, puis couvrir l’ensemble avec des draps mouillés et observer le feu d’en face, tout en garantissant nos lucarnes en bois, au nombre de quatre, de ce côté.

La maison Marguin (n° 6) commence bientôt à brûler à son tour ; Thomas doit la quitter. Il se joint à Albert qui, du premier étage de la maison Laurent, au n° 1, arrose tant qu’il peut ce nouveau foyer, mais le débit de sa lance d’arrosage est insignifiant devant pareil sinistre que des torrents d’eau n’arrêteraient plus. L’incendie s’étend toujours et gagne, cette fois, la petite maison n° 10, entre les ateliers de l’imprimerie (n° 8) et la maison Erard. Les ateliers Marguin en arrivent vite à la pleine intensité et la maison, de toute la hauteur de ses étages, croule dans les flammes qui redoublent d’activité.

D’une lucarne de mon grenier, je remarque que le toit de chez Laurent laisse percer, par endroits, de minces filets de fumée ; l’incendie menace en conséquence de franchir la rue étroite et de continuer par le côté impair. De toutes mes forces, je crie à Albert, descendu sur le seuil de la porte, avec sa lance, d’arroser son toit ; les craquements d’en face couvrant ma voix, il ne m’entend pas. le dois quitter mon observatoire, descendre et courir vers lui en enjambant les pièces de bois tombées en feu sur le pavé ; il me comprend enfin et s’efforce de diriger son jet du côté indiqué ; la couverture s’échauffe de plus en plus, elle finit par se soulever et de petites flammes commencent à se montrer, qui augmentent à vue d’œil. Bientôt, toute la toiture ainsi qu’une partie de la façade brûlent.

Albert et Thomas se trouvent maintenant dans la rue, entre deux brasiers. Trois ou quatre personnes qui s’en vont, descendant la rue Cérès chargées de paquets, s’arrêtent, surprises de voir des gens manœuvrer si près des flammes, sans paraître s’inquiéter du danger et leur crient à plusieurs reprises : « Sauvez-vous ». Les deux hommes sont trop occupés ; ils ne tournent même pas la tête. Voyant que l’on ne prête guère attention à leurs avertissements et qu’on les laisse crier, elles se lassent et continuent leur chemin. Pourtant, ils ne peuvent plus tenir longtemps ainsi ; l’intensité de la chaleur les oblige à ahan donner. Albert se résigne à regret ; je le vois jeter sa lance sur le pavé dans un violent mouvement de colère, et s’éloigner suivi de Thomas. Après avoir fait tout ce qu’ils ont pu, ils s’en vont doucement.

Il est près de minuit et nous restons seuls.

Je monte sur le passage de séparation des toitures que nous appelons « la terrasse », afin de mieux me rendre compte de ce qu’il en est de cet épouvantable fléau, que nous voyons toujours progresser sans que rien ne puisse être tenté pour l’arrêter. Là-haut, il y aurait de quoi frémir ; le coup d’œil est terrifiant. A gauche, en face, à droite et même en arrière mais dans un voisinage moins immédiat, c’est un océan de feu. On ne pourrait imaginer spectacle aussi triste et poignant, unique aussi, avec la cathédrale dont les restes de la charpente brûlent encore sur la voûte. Nul autre bruit que le craquement des pièces de bois, le crépitement des fenêtres, des volets en feu que nos oreilles entendent depuis plusieurs heures ou l’explosion, assez fréquente, dans les flammes, d’obus de la journée non éclatés. Pas une voix qui se fasse entendre. Je descends, après avoir constaté que l’incendie a déjà bien gagné en profondeur dans l’immeuble Laurent et qu’il a, de plus, atteint la maison n° 3 rue de la Grue.

Il faudrait cependant voir, si possible, à trouver des secours qui ne viennent pas. Je rappelle aux enfants qu’ils ont une porte de sortie sur la rue de la Gabelle, puis, leur ayant promis d’être rapidement de retour, je pars, en courant, par la rue Eugène-Desteuque, où je vois en passant que seule la maison Grandremy, au n° 4, existe encore à cette heure au commencement de la rue et je gagne la place royale, ne sachant exactement où me diriger. Dans ce trajet, je ne rencontre pas une âme, personne à qui je puisse demander seulement le service d’aller chercher, plus loin, les pompiers – et je ne sais à quel endroit ils se trouvent, il y a des foyers à combattre de tous côtés.

Reims, cette nuit est comme morte, anéantie, après six jours consécutifs de bombardements terribles, au cours desquels il ne lui a pas été possible de se ressaisir de la stupeur et de l’épouvante ressenties dès le lendemain de la réception joyeuse faite à nos troupes, le dimanche précédent. Ce quartier du centre surtout est désert. Une partie de sa population l’avait quitté avant l’arrivée des Allemands. Dans la soirée d’aujourd’hui, après l’accalmie, certains habitants affolés se sont enfuis hors de la ville et d’autres se sont retirés dans les caves des maisons de champagne.

Ne pouvant laisser les enfants plus longtemps seuls, je rentre et pareille détresse, devant une catastrophe qui s’accroît d’heure en heure, dans des proportions considérables, me fait clairement voir que nos ennemis achèveront à loisir la destruction de la ville, s’ils sont à même de rouvrir le feu comme la veille, à deux heures du matin. Le répit qu’ils nous donnent cette nuit, est dû, sans doute, au défaut de munitions ; s’ils reprennent, d’un moment à l’autre, un bombardement incendiaire aussi serré que celui de la journée, ils réussiront sans peine à accumuler les ruines, à compléter leur oeuvre. Rien ne peut plus s’y opposer.

Pendant une seconde observation, j’ai vu avec douleur ce qui est fatal, en ce qui nous concerne, au milieu de ce quartier abandonné ; notre tour va venir bientôt par l’arrière et nous n’avons pas les moyens d’éviter cela. Nous ne pouvons pas nous dispenser de continuer la surveillance exercée sur l’incendie d’en face – la rue nous sépare de quelques mètres seulement du mur de la maison Erard, par les ouvertures duquel nous voyons tout l’intérieur embrasé – quoique je sois presque sûr, maintenant, de parvenir, sur rue, à préserver jusqu’au haut notre grenier et ses lucarnes, que j’arrose toujours.

Sur notre côté droit, le danger approche, mais la maison n° 5 qui va être atteinte ne nous communiquera pas le feu par la charpente, ainsi que cela s’est produit ailleurs. Sur toute la longueur des bâtiments allant de la rue de la Grue à la rue de la Gabelle, les flammes avancent après avoir contourné les maisons numéros 3 et 5 et repris une nouvelle intensité en gagnant les écuries de la maison Laurent, rue de la Gabelle ; celles-ci sont mitoyennes avec l’immeuble, par le bâtiment servant d’habitation au directeur, qui est attenant au nôtre et sans qu’il y ait, de ce côté, forte surélévation de toiture comme celle existant entre les n° 5 et 7 sur la rue de la Grue ; c’est par là que nous sommes très sérieusement menacés.

La fumée est devenue peu à peu très épaisse, sans que nous y prenions garde, dans le grenier on nous nous tenons et nous sommes gênés pour respirer. Lucien me dit tout à coup en être incommodé. Croyant qu’il souffre surtout des picotements aux yeux que nous supportons depuis un moment, je lui dis de patienter encore un peu, car je vois que nous allons être obligés de quitter, mais il me demande presque aussitôt :

« Papa, en as-tu encore pour longtemps, je ne me sens pas bien. »

Je comprends alors que nous ne devons pas nous attarder davantage ; je crains pour lui la suffocation et nous descendons tout de suite au premier étage, où est toujours posté son frère. Là, nous prenons des vêtements, sans nous donner le temps de choisir ; les enfants enlèvent vivement quelques souvenirs se trouvant à portée de la main et nous allons pour sortir, par ma porte particulière cela nous est impossible. De la maison d’en face, des débris de toiture, des parties de chevronnage en feu se détachent à tout moment et tombent pour achever de se consumer sur le pavé ; la rue en est obstruée. Nous nous dirigeons donc vers la porte charretière du mont-de-piété (n° 9) où la rue a un peu plus de largeur ; là non plus, nous ne pouvons pas passer, ce serait entrer dans une fournaise – la maison Isidor, au coin de la rue de la Grue et de la rue Eugène-Desteuque est en plein feu à son tour, de même que toute la partie gauche de cette dernière rue, allant de la me Saint-Symphorien à la rue de l’Université. Il nous faut alors gagner la seule issue nous assurant une retraite, la porte du n° 6 de la rue de la Gabelle, que nous franchissons avec un véritable serrement de cœur.

Exténués, nous ne faisons que quelques pas pour nous asseoir sur des bornes de la rue d’Avenay, où il nous est impossible de nous reposer longtemps ; il nous semble que là aussi, l’air est irrespirable.

Avant de nous éloigner, nous voyons avec peine les flammes attaquer le toit pour lequel je craignais tant, vers la rue de la Gabelle, et courir bientôt, par la charpente surchauffée, tout le long de la maison d’habitation du directeur. Elles ont vite fait d’atteindre la première lucarne arrière du grenier où nous nous tenions un quart d’heure auparavant, en même temps qu’elles avancent, des écuries Laurent, vers les dépendances de l’établissement, sur la rue de la Gabelle et la porte par laquelle nous venons de sortir.

Nous sommes tous les trois désolés de n’avoir qu’à déplorer notre impuissance, en voyant le fléau gagner à vue d’œil la partie des bâtiments que nous nous efforcions de protéger. Nous avons vu toute la nuit sa marche rapide ; il nous a fallu céder, et c’est de deux côtés à la fois qu’il parvient maintenant à l’immeuble du mont-de-piété, que j’ai eu l’illusion de pouvoir préserver. La vision instantanée des conséquences du désastre m’afflige profondément. Les enfants réfléchissent en voyant notre habitation prendre feu ; ils pensent à tous les objets qui leur étaient si chers – qu’il eût été doublement dangereux de vouloir sauver tout à l’heure.

Partant par la rue des Marmouzets et la rue Eugène-Desteuque, nous traversons le boulevard de la Paix, où il nous semble que nous respirerions mieux à l’aise ; l’air est là encore empesté de fumée. Assis sur un banc, nous avons devant nous le Bureau central de Conditionnement, à cette heure complètement en feu.

Fatigués comme nous le sommes, autant qu’on peut l’être, nous ne savons véritablement où nous diriger pour nous remettre un peu dans l’air pur.

Enfin, nous éloignant des incendies les plus proches, nous allons du côté de la caserne Colbert. L’abominable odeur de brûlé qui nous rend malades nous suit ; nos vêtements en sont imprégnés et nous sommes comme saturés de la fumée que nous avons respirée, avalée toute la nuit.

Nous ne serons bien nulle part.

Nous longeons le boulevard, remarquant, à côté de trous d’obus à espacements presque réguliers, des chevaux tués par groupes de quatre et cinq, éventrés, ouverts de toutes manières ; c’est ce qui reste sur place, des batteries d’artillerie que j’avais vues le 15, dissimulées sous les branchages des gros arbres, mais qui ont été si complètement pilonnées en ces endroits. Il y a une vingtaine de cadavres d’animaux dans le court trajet que nous parcourons et cela continue tout le long du boulevard Gerbert. Nous ne faisons que passer lentement et lorsque nous arrivons rue du Jard, pour rentrer à l’abri, chez mon beau-père, le jour s’est levé, il doit être un peu plus de cinq heures.

Tout est paisible, dans ce quartier qui n’a pas souffert. Un habitant hume déjà l’air frais, sur le pas de sa porte, en fumant sa pipe, se demandant sans doute ce que réserve le silence de cette matinée, succédant aux effroyables détonations de toute la semaine.

Nous croisons des personnes qui paraissent se rendre aux premiers offices de ce dimanche 20 et, à ce contraste, il nous semble être transportés brusquement dans une autre ville, sortir d’un affreux cauchemar qui a duré vingt-quatre heures environ, au cours duquel nous aurions été témoins d’un cataclysme annonceur de la fin du monde.

– Dans le courant de la journée du 20, le bombardement recommence et c’est encore sur le centre que tombent les obus de rupture dont je reconnais les sifflements et les formidables explosions. Les nausées et un violent mal de tête qui me rendaient malade, depuis notre retour, se dissipant un peu, j’ai hâte, sur la fin de l’après-midi, de revoir notre malheureux quartier.

Dehors, dès le premier tournant, le squelette de la cathédrale frappe ma vue.

L’accès des rues de la Grue et Eugène Desteuque est impossible, à travers les moellons, les blocs de pierre, les décombres de toutes sortes de matériaux ou les pièces de bois brûlant toujours. Le mont-de-piété, sur toute son étendue, achève de se consumer. De l’immeuble et ses dépendances, magasins, bureaux, il ne reste que des murs calcinés. A l’emplacement de notre habitation, rue de la Grue, plus rien ; quelques ouvertures béantes dans la façade demeurée debout.

Comment décrire l’aspect de désolation que donne cette partie si éprouvée de la ville, où ne se voient que des ruines fumantes.

A l’entrée de ce qui était l’Hôpital des Femmes de France, installé à l’Ecole étrangère, rue de l’Université, un tronc humain complètement carbonisé gît là, en avant d’un amoncellement de débris, de ferrailles tordues ; à côté, sont encore deux autres têtes, toutes noircies.

De la sous-préfecture à la place royale, tout le côté impair de la rue de l’Université est détruit.

L’ancien palais archiépiscopal n’existe plus que par la carcasse de ses murs, de même que de l’autre côté, la rue du Cardinal-de-Lorraine, où se trouvait le couvent des Religieuses adoratrices et la maison Prieur.

Les incendies continuent à se propager dans les rues Saint-Symphorien, des Trois-Raisinets, du Levant, des Murs, Saint-Pierre-les-Dames et place Godinot, où je remarque un pompier seul, devant un immeuble en feu dans toute sa hauteur, tenant sa lance dont le jet ne va pas à trois mètres. L’eau fait défaut, de grosses conduites ont été crevées en maints endroits ; le dépôt central des pompes, rue Tronsson-Ducoudray, a brûlé avec une partie du matériel. Le feu, sur bien des points, devra s’éteindre de lui-même maintenant, lorsqu’il ne trouvera plus d’aliment, à l’extrémité des rues ; il est devenu impossible de le combattre. Quelles tristesses et quelle pitié !

– Le 21 , de très bonne heure, je puis enfin, avec bien des difficultés, pénétrer par l’ouverture où se trouvait ma porte d’entrée, sur la propriété du mont-de-piété anéanti. Tout de suite, je remarque le vaste entonnoir, d’environ cinq mètres de diamètre sur deux mètres cinquante de profondeur, formé dans le jardin, par un projectile tombé là pendant la journée du 20 ; j’en trouve de nombreux éclats et une bonne part du culot pouvant me fixer sur son calibre – c’était un 210.

La chute de cet énorme engin et la force de son explosion, ont à tel point ébranlé le sol, que les voûtes de ma cave, d’une épaisseur d’un mètre entre les piliers, sont comme coupées net. Elles ont cédé partout et se sont effondrées sur une superficie de trente à trente-cinq mètres carrés. Aux emplacements où nous avions pensé être en sécurité dès le 14 et au cours des six jours de terribles bombardements de la semaine – nous y étions, le soir de la veille encore, réunis au nombre de vingt-deux personnes – il n’y avait plus qu’un amas de terre et de moellons dépassant trois mètres de hauteur.

Telle est la relation exacte de ce que fût la journée du 19 septembre 1914 et la nuit qui suivit, vécues en cet endroit. Reims, après avoir été déjà martyrisée toute la semaine, le fut

atrocement, de la manière la plus impitoyable, la plus sauvage, ce samedi par les Allemands rendus furieux après l’échec de leur marche sur Paris. La victoire de la Marne les ayant contraints, en outre, d’abandonner notre cité qu’ils avaient tenue neuf jours sous leur domination, ils s’étaient acharnés à la ruiner.

Les victimes de leur vandalisme, pour la seule journée du 19, furent nombreuses parmi la population civile (près d’une centaine). Cependant, ils ne réussirent pas à terroriser toute la partie des habitants restée sur place. Beaucoup de ceux-ci gardaient confiance, malgré tout.

Les Rémois après avoir assisté à la retraite de l’ennemi, espéraient toujours la reprise de la poursuite qu’ils déploraient amèrement avoir vu aussi arrêter le 13, faute de munitions. Toutefois, une inquiétude vague les gagnait peu à peu. Ils avaient lieu de se demander si elle n’allait pas devenir, avec chaque jour qui s’écoulait, de plus en plus difficile.

– Nous avons eu l’occasion de constater, à la lecture du communiqué du 20, qu’il n’est pas loquace sur les événements qui se sont déroulés à Reims. Voici ce qu’il fait savoir :

 » Communiqué – 20 septembre 1914.

France- A notre aile gauche, nous avons encore réalisé, sur la rive droite de l’Oise, de légers progrès. L’honneur de la prise d’un nouveau drapeau revient à une division d’Algérie. Toutes les tentatives faites par les Allemands, appuyés par une nombreuse artillerie, pour rompre notre-front entre Craonne et Reims, ont été repoussées. Autour de Reims, la hauteur de Brimont, dont nous avions conquis une partie, a été reprise par l’ennemi. En revanche, nous nous sommes emparés du massif de la Pompelle. Les Allemands se sont acharnés, sans raison militaire, à tirer sur la cathédrale de Reims, qui est en flammes. »

D’autre part, le communiqué allemand présente ainsi sa version :

 » Communiqué allemand

Dans l’attaque contre les armées franco-anglaises, des progrès ont été faits sur quelques points.

Reims se trouve sur le front de bataille. Les Allemands ont été forcés de répondre au feu. Il est regrettable que, de ce fait, la ville elle-même ait subi des dégâts. On a donné des instructions pour que la cathédrale soit épargnée dans la mesure du possible.

Dans les Vosges, les attaques des troupes françaises massées au Donon, près de Senones et de Saales, ont été repoussées »

Si le communiqué ne dit rien, pour des raisons que nous ignorons, nous savons que nous avons copieusement encaissé, que le quartier de la laine avoisinant la cathédrale, l’un des plus commerçants de la ville, est toujours en feu, que ses maisons brûlent encore les unes après les autres et que l’immense incendie s’étend sur une superficie pouvant sans exagération être évaluée au moins à huit hectares, d’un seul tenant. Peut-être, ne tient-on pas à publier officiellement des nouvelles de ce genre, auxquelles l’autorité militaire du point de vue stratégique, n’attache sans doute pas grande importance et qui peuvent rester ignorées quelque temps, puisque, en tant qu’élément civil, nous sommes sans communications postales, – isolés du reste du monde.

– L’incendie de la cathédrale aurait, paraît-il, été provoqué par l’explosion d’obus incendiaires dans les importants échafaudages montés sur le devant et le côté de la tour nord. Les matières chimiques renfermées dans ces engins de destruction, ont mis le feu aux madriers énormes de cette véritable construction de pièces de bois qui avait été élevée à une grande hauteur, rue Robert de Coucy et place du Parvis, afin de permettre des réparations extérieures, puis, les flammes, atteignant les combles, ont ensuite envahi toute la charpente que l’on appelait « la forêt », en raison du nombre et de la dimension imposante de ses diverses parties, faisant, en même temps, fondre son revêtement de lames de plomb. Le feu se communiquant alors à l’intérieur, y trouvait un aliment facile dans la paille qui avait été répandue par toute la nef, pour recevoir les blessés allemands pendant l’occupation, les tambours, les centaines de chaises, les stalles, etc. et c’est ainsi que les pierres seules ont pu subsister. Mais, lorsqu’on examine les parements des murs éclatés, les sculptures, les statues ornant le côté gauche du portail, calcinées jusqu’à la base de la tour, les vitraux brisés par les déplacements d’air, ou du fait de l’incendie, on ne peut qu’être saisi d’un sentiment d’indignation et de colère à la pensée que l’ennemi n’a pas hésité à tirer des coups de canon sur cette merveille. Notre pauvre cathédrale présente maintenant l’aspect le plus lamentable. De pareils dégâts sont probablement irréparables.

(Diaporama) La Grande guerre version insolite

A voir sur le site de France 24 avec d’ailleurs plusieurs articles pertinents consacrés à la Première guerre mondiale

main insolite grande guerre

La Première Guerre mondiale est abondamment présentée d’un point de vue militaire et stratégique. Le livre « Les images insolites de la Grande Guerre » nous propose un regard plus humain et qui prête parfois à sourire malgré l’horreur du conflit.

http://www.france24.com/fr/20140910-photos-grande-guerre-version-insolite-le-miroir-soldats-front-archives-france/

35/Diaporama: Journal de la grande guerre: 8 septembre 1914

Mardi 8 septembre 1914

Diaporama bataille de la Marne

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http://chatrou51.free.fr/8septembre.htm

http://www.mondement1914.asso.fr/bataille-de-la-marne

Bataille des marais de saint-gond

3217408903_1_4_NALkkjq9photo_77463645_small_2http://artois1418.skyrock.com/3217408903-BATAILLE-DES-MARAIS-ST-GOND-JOURNEE-DU-8-SEPTEMBRE-1914.html

Les Britanniques dans la bataille de la Marne

http://www.orly77.fr/site/uploads/images/orly/14-18/dospromlaTretoire_8sept14_1.pdf

Insolite: apparition de la vierge!

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http://fr.viadeo.com/fr/groups/detaildiscussion/?containerId=002143jpzya4au26&forumId=0029b8f60iscau7&action=messageDetail&messageId=0021x64wgpi5ue7s

http://notredamedesarmees.com/Avril-2014-La-difficulte-de-s

8septembre 14 à Euvy

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http://indre1418.canalblog.com/archives/2005/01/07/249693.html

Journal rémois d’Henri Jadart

Mardi 8 septembre.-Il est revenu des troupes ennemies sur le parvis de la cathédrale; il en passe d’autres à travers la ville; on entend, dès le matin, le canon dans la direction d’Epernay et le bruit de la bataille dure jusque dans l’après-midi. Le soir, le ciel se couvre et il y a un peu de pluie. Vers quatre heures, les troupes se rangent avec leurs voitures régimentaires prêtes à partir dans la rue Libergier.

Une lutte formidable doit être engagée au sud de la ville; mais on est sans nouvelles officielles comme sans journaux du dehors.

A Reims, toutefois, le Courrier de la champagne peut reparaitre, mais sur deux pages seulement  et avec des nouvelles locales. J’achète ce numéro dans lequel M.l’abbé Andrieux donne des indications sur les dégâts faits à la cathédrale.

L’administration municipale s’occupe de faire face à la situation restée si grave. Le cabinet du maire est toujours au siège de la municipalité; mais l’état-major ennemi est installé à l‘hôtel du Lion d’Or, et c’est là  qu’il faut s’adresser pour toutes les permissions et les saufs-conduits. Toutefois il n’y a pas eu jusqu’ici de collision, ni même de provocations entre la population et les troupes, et cette journée encore se passe sans incidents.

Journal du rémois Paul Hess

Quelle n’est pas ma surprise, en me promenant dans la rue Colbert, ce matin, d’entendre au loin un crieur de journaux. D’abord, je n’en crois pas mes oreilles – mais, il n’y a pas de doute, je l’aperçois, s’arrêtant pour distribuer ses feuilles à droite et à gauche. Je hâte le pas afin d’arriver à lui avant épuisement de son stock, tout en me demandant ce que cela peut bien être, et je reconnais qu’en effet, il s’agit là du Courrier de la Champagne. Le journal, dont le format est considérablement réduit, reparaît pour donner les faits de cinq jours.

Dès que je l’ai en poche, je rentre à la maison afin de le savourer – nous avons une telle soif de nouvelles – et je lis le résumé d’un entretien que le rédacteur a eu avec le commandant d’armes allemand, lieutenant-colonel von Kiesenvetter, pour solliciter l’autorisation de publier quelques nouvelles. Cette autorisation lui aurait été accordée, sous la réserve qu’il ne serait parlé ni de mouvements de troupes, ni des opérations militaires.

Le commandant d’armes aurait dit qu’il ne voyait aucun inconvénient à ce que Le Courrier de la Champagne reparaisse dans ces conditions. Il aurait ajouté :

Dites bien que nous regrettons tout les premiers la déplorable erreur qui a amené le bombardement de votre ville. Ce bombardement est dû à ce qu’un corps d’armée prussien ayant envoyé la veille des parlementaires à Reims, et ces parlementaires n’étant pas rentrés le lendemain à neuf heures du matin, on a considéré, d’après les règles unanimement admises, que ces parlementaires avaient été retenus prisonniers. Ce corps d’armée, du reste, n’était pas le même que celui dont les officiers discutaient au même moment, à l’hôtel de ville, la question des réquisitions.

Faites-bien remarquer surtout que si votre belle cathédrale n’a pour ainsi dire pas été effleurée, c’est que nos canonniers avaient reçu de l’Autorité supérieure, l’ordre formel de la respecter. Dans un article de tête, intitulé : « A nos lecteurs », le rédacteur explique : Au point de vue de l’information extra-locale, la situation ne s’est pas modifiée; notre ville reste toujours comme emmurée par rapport au monde extérieur. Ni du côté allemand, ni du côté français, ne filtre aucune nouvelle, quelle qu’en soit l’importance, même il nous a été impossible d’obtenir le moindre renseignement sur la question, pourtant mondiale, de la nomination du nouveau Pape.

Il ajoute que Le Courrier va s’efforcer de fournir à la population si éprouvée, une lecture qui la réconforte et l’encourage au milieu des tristesses de l’heure présente, tout en faisant connaître les ordres et avis de l’autorité afin de conseiller le public qui va se trouver aux prises avec les multiples difficultés qu’engendre la situation actuelle.

La tâche du courageux journaliste ne sera pas aisée. Il lui faudra savoir manœuvrer habilement, tout en déployant des qualités de mesure, de tact, et faire preuve d’un doigté difficile pour pouvoir nous faire connaître ce qu’il désirera nous apprendre. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce projet hardi, en faisant des vœux pour que l’entreprise réussisse – et en souhaitant bonne chance à M. Gobert, qui en a pris l’initiative – car, nous avons revu et lu avec plaisir son journal réapparu aujourd’hui, quoiqu’il ne nous ait pas appris grand’chose que nous ne savions déjà.

Mais les déclarations tout à fait inattendues du commandant d’Armes allemand, parlant du bombardement du vendredi 4 comme d’une déplorable erreur, me laissent sceptique. Cette manière de présenter les choses, me produit même, ni plus ni moins, l’effet d’une dérision macabre.

De même, je me permets de douter que si la cathédrale n’a pas été atteinte par les obus qui sont passés si près de sa tour nord, nous le devons à l’ordre formel de la respecter, reçu de l’autorité supérieure, par les canonniers allemands. Je trouve la plaisanterie un peu épaisse et j’y vois encore un bluff voulant donner le change, dans le but de transformer notre légitime indignation en reconnaissance et en remerciements béats.

N’y aurait-il pas lieu, au contraire, de se réjouir, en l’occurrence, de la maladresse des artilleurs allemands.

L’église Saint-André et la basilique Saint-Remi ont été touchées ; il s’en est fallu de si peu que la cathédrale ne le soit, que pour ma part, j’ai du mal à accepter cette explication de tir à côté. Cela me paraît vraiment trop fort et je reste convaincu qu’un examen de gens du métier, démontrerait facilement que les obus tombés rue Robert de Coucy et rue Eugène Desteuque lui étaient bien destinés, ainsi du reste que ceux venus éclater rue des Trois-Raisinets et boulevard de la Paix qui, eux, semblent être passés au-dessus ou entre les deux tours.

– On ignore tout de la guerre, quoique j’aie entendu parler, aujourd’hui, d’une bataille qui aurait eu lieu vers Montmirail, sans rien savoir de plus. On dit aussi que plusieurs quartiers de Rethel ont été brûlés. D’Epernay, on n’a que des nouvelles contradictoires. Que s’y est-il passé ?

– En longeant, cet après-midi, la rue Robert de Coucy, j’ai été le témoin unique d’une petite scène rapide, qui ne vaudrait pas la peine d’être retenue si elle n’avait été, par elle-même, assez caractéristique de l’état d’esprit de certains des hôtes que les événements nous ont imposés.

Une automobile arrivait à toute allure, de la rue du cloître, pour se diriger sans doute vers le Lion d’Or, où il y a beaucoup d’Allemands de la Kommandantur. Dans cette voiture puissante derrière deux officiers dont l’un conduisait, se tenait un hussard de la mort, sous-officier ou homme d’escorte, tenant son revolver au poing, dans la position « haut le pistolet ».

J’avais tourné la tête par curiosité, en même temps que deux femmes qui me précédaient sur le trottoir. Lorsque cette auto arriva à notre hauteur, le soldat ricanant, dévisagea ces femmes et se mit à brandir son revolver à bout de bras, voulant probablement les intimider ou leur faire comprendre qu’elles n’avaient pas à broncher. Dans tous les cas, assez vite pour qu’il l’ait vu, un haussement d’épaule de l’une de ces femmes, était la réponse immédiate à celui qui faisait si bêtement le malin. Son geste imbécile m’avait révolté plus qu’elles apparemment, car sans y avoir prêté autrement attention et sans avoir arrêté leur conversation, elles continuaient leur chemin tout tranquillement.

– Deux affiches, émanant de la mairie, ont été placardées en ville. Voici leur texte.

 

« 1 ° – Avis urgent.

Les habitants sont invités à s’abstenir absolument de toucher aux obus qui n’auraient pas éclaté et à les signaler immédiatement à la mairie (Bureau de police, rue de Mars).

Le moindre choc peut amener l’éclatement du projectile.

Reims, le 7 septembre 1914 le maire, Dr Langlet

2° – Ville de Reims

Nous rappelons à nos concitoyens que la tranquillité la plus complète doit régner constamment dans la ville.

Les autorités militaires allemandes ont pris toutes les mesures pour assurer le bon ordre parmi la population et elles ont prié en outre la municipalité de désigner chaque jour, deux notables qui passeront la nuit au quartier général, et dont la présence répondre du calme de notre ville.

Nous comptons donc sur nos concitoyens, pour que l’ordre ne soit troublé en aucune façon.

Reims, le 8 septembre 1914 Le maire, Dr Langlet »

Un petit renseignement dactylographié, non daté, intéressant au plus haut point les réfugiés des Ardennes et de la Meuse, a été également collé sur certains murs. Il est ainsi conçu :

«  Mairie de Reims Avis

Les habitants des régions des Ardennes et de la Meuse (sauf région de Verdun) peuvent regagner leurs localités en prenant un laissez passer dans les commissariats de police, en présentant leurs pièces d’identité.

Faire viser ensuite par l’autorité militaire, hôtel du Lion d’or, place du Parvis. »

Et voici la formule des laissez-passer délivrés :

« Erlaubnisschein. Herr oder Frau u. Kinder erhalten

die Erlaubnis von Reims nach zurückzukehren.

Reims, den 1914. »

Une autre affiche, de l’autorité militaire allemande, dit ceci :

« Avis Les maladies contagieuses doivent être signalées immédiatement au commandant de place (hôtel du Lion d’Or).

Les malades déclarés devront être transportés de suite à l’hôpital civil (Hôtel-dieu) et admis dans la section des contagieux.

Signé : Lindig, Capitaine et commandant de la ville. »

– Par moments, on entend le canon ; depuis le 3, il n’a pas cessé de tonner, au loin.La ville vit maintenant dans un calme d’inquiétude, d’appréhension presque effrayant. Les magasins sont fermés.